Chirurgie esthétique et droit au salaire garanti

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Un employé doit-il prendre congé pour une opération esthétique non essentielle et sa convalescence? Ou son absence est-elle considérée comme une incapacité de travail normale?

En principe, un travailleur en incapacité de travail a droit à un salaire garanti pendant la période initiale de son incapacité. Selon la jurisprudence, le salaire garanti comprend non seulement le salaire mensuel mais aussi les suppléments de rémunération qui auraient été payés au travailleur s’il avait pu exécuter normalement son travail pendant la période d’incapacité.

A priori, ce droit au salaire garanti ne dépend pas de la cause de l’incapacité. En effet, le salaire garanti est dû pour autant que le travailleur présente une incapacité qui l’empêche de commencer ou de poursuivre le travail. Les causes d’exclusion de ce droit sont limitativement énumérées par la loi du 3 juillet 1978 “relative aux contrats de travail”. Notons par ailleurs que si l’incapacité de travail résulte de la faute d’un tiers, la loi prévoit que l’employeur puisse se retourner contre ce tiers pour obtenir le remboursement du salaire garanti payé au travailleur.

Compte tenu de la notion d’incapacité de travail, il est établi qu’une opération de chirurgie reconstructrice peut en principe constituer une cause d’incapacité de travail donnant droit au payement du salaire garanti (*). Qu’en est-il toutefois d’une opération de chirurgie esthétique? Comme expliqué ci-dessus, le salaire garanti sera dû lorsque le travailleur peut invoquer une cause rendant impossible la poursuite ou l’exécution du travail.

Secret médical

Par conséquent, une opération de chirurgie esthétique pourrait, au même titre qu’une opération de chirurgie reconstructrice, constituer une cause d’incapacité de travail pour laquelle le salaire garanti est dû. En effet, bien que la décision de subir une opération de chirurgie esthétique soit délibérée, ceci n’exclut pas la notion d’incapacité de travail donnant lieu au payement du salaire garanti. L’employeur ne pourrait pas non plus solliciter le remboursement de ce salaire auprès d’un tiers, sauf à démontrer que le tiers (par exemple le chirurgien) aurait commis une faute à l’origine de l’incapacité. Toutefois, même dans ce cas, le remboursement se ferait sans préjudice du droit du travailleur. Par conséquent, rien n’exclut en principe le payement du salaire garanti au travailleur en incapacité à la suite d’une opération de chirurgie esthétique.

Rappelons enfin que l’employeur n’est pas autorisé à demander au travailleur la cause de son incapacité, les informations relatives à la santé des travailleurs ne pouvant être recueillies que par une personne habilitée et selon les modalités prévues par la loi (par exemple, en cas de contrôle par le médecin du travail).

Pour le reste, le travailleur reste bien entendu soumis à toutes les dispositions applicables en matière d’incapacité de travail concernant, notamment, la remise d’un certificat médical à son employeur, dans les formes et délais requis par la loi et le règlement de travail.

(*) Ne sont pas abordées dans cet article les opérations de chirurgie réparatrice ou esthétique qui seraient réalisées à la suite d’un accident du travail.

Un article de Laurent De Surgeloose, Avocat associé chez DLA Piper et d’Angela Broux, Avocate chez DLA Piper

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