We Invest, un modèle à démultiplier

Jonathan Pham et Gabrielle Amandt, fondateurs de We Invest © PG

L’agence immobilière devenue réseau de franchisés bouscule les codes depuis son arrivée sur le marché en 2014. Un coup de frais dans un environnement très conservateur. Si la plupart des agences belges ont embrayé dans le digital, le modèle We Invest reste encore particulier. Et pose question chez ses concurrents car il va à contre-courant des standards habituels.

We Invest passe à la vitesse supérieure. Lancée en 2014 par Jonathan Pham et Gabrielle Amandt, cette agence immobilière s’est muée au fil du temps en réseau immobilier avant de devenir aujourd’hui une société de technologie et de marketing au service de franchisés. Un positionnement relativement innovant sur le marché qui doit, selon elle, lui permettre de devenir l’un des plus importants réseaux immobiliers belges.

Pour concrétiser ses ambitions, 4,5 millions d’euros ont été levés mi-avril auprès d’Ardent Invest, finance&invest.brussels, Sambrinvest, Noshaq et une série d’investisseurs privés (dont Jérémy Le Van, Olivier Witmeur et les trois premiers franchisés). Et ce, pile un an après un emprunt obligataire d’un million. Une arrivée d’argent frais qui vise à accélérer son expansion, poursuivre le développement des produits techs et de services commerciaux de même qu’à ouvrir de nouvelles agences en Belgique et dans le nord de la France. Le réseau compte aujourd’hui 12 agences franchisées et un vaisseau amiral à Bruxelles, principalement détenu par le fondateur et le CEO Raphaël Mathieu.

Nos agences atteignent un chiffre d’affaires d’un million en moins de deux ans. Alors que les autres agences mettent cinq ou dix ans pour y parvenir.

Parvenir à se différencier

Reste que les effets d’annonce d’agences immobilières qui veulent bousculer le marché belge et prendre la place d’acteurs établis de longue date se sont succédé ces dernières années (Universal, Re/Max, etc.). Rarement avec succès.

We Invest y parviendra-t-elle? Qu’elle ait dépoussiéré le secteur via son approche digitale du marché et un marketing agressif peut déjà être salué. Cette posture à l’américaine, où les agents sont mis en avant tout en usant des codes des réseaux sociaux, s’est en effet révélée une voie dans laquelle se sont engouffrées la plupart des agences, obligées de suivre le mouvement pour survivre.

“We Invest nous a obligés à nous remettre en question, reconnaît Jean Corman, CEO de l’agence Victoire Properties. Son approche était novatrice. Mais si elle a réussi au départ à séduire les promoteurs avec un marketing innovant et une communication léchée, cela ne s’est pas concrétisé ensuite dans les ventes. Ce qui reste primordial.”

Plusieurs modèles cohabitent actuellement dans le paysage immobilier belge. Cela va de la simple agence au réseau d’agences immobilières (Trevi, Latour & Petit, etc.) en passant par le système de franchisés (ERA, Century 21, Engel & Völkers, We Invest, etc.). “Tous vous diront qu’ils possèdent le meilleur modèle, sourit Denis Latour, CEO de Latour & Petit. Cela dépend en fait des ambitions de chacun.”

En matière de franchisés, si les modèles d’ERA et de Century 21 ont déjà fait leurs preuves à l’international – il s’agit de deux importants réseaux américains -, We Invest entend y apporter quelques variantes. Et surtout reprendre une longueur d’avance après avoir vu ses concurrents emprunter également la voie d’un marketing un peu plus élaboré. “Nous sommes aujourd’hui avant tout une société qui vend des produits et des services à ses franchisés pour les rendre meilleurs, lance Raphaël Mathieu, CEO de We Invest.

Ces produits leur offriront l’opportunité de se différencier du reste du marché. Pourquoi? Parce que les agents disposeront de données et d’informations qui leur permettront d’être plus efficaces et de mieux gagner leur vie. Les estimations de biens se font par exemple à partir de datas fiables basées sur les cinq dernières années et non sur de simples feelings du marché. Nos nouveaux investisseurs ne nous ont pas rejoints car nous sommes une ‘marque sexy’ avec un noeud papillon et un bon pitch commercial. Mais bien parce qu’ils croient dans la dimension des produits techs et datas qui seront le game changer de demain.”

Couvrir tout le territoire fin 2022

Après avoir passé les 18 derniers mois à peaufiner son modèle, We Invest entend désormais accélérer sa croissance en matière de nouveaux franchisés. Avec une série de nouvelles inaugurations prévues dans les prochaines semaines. Anvers ouvrira d’ailleurs le bal dans le courant du mois de juin. “A terme, on retrouvera une quinzaine d’agences en Wallonie et un peu plus en Flandre, lance Jonathan Pham, fondateur de We Invest. Nous avons consolidé les équipes et les services internes ces derniers mois. Il est aujourd’hui temps de passer au scaling du modèle. Par expérience, nous avons observé que nos agences atteignent un chiffre d’affaires d’un million en moins de deux ans. Alors que les autres agences mettent cinq ou dix ans pour y parvenir. Et ce, grâce au marketing, au coaching et à la technologie. L’agence de demain sera similaire à ce modèle-là. A terme, une agence uniquement centrée sur le service n’existera plus.”

L’idée est de couvrir pratiquement l’ensemble du territoire d’ici fin 2022, avec une répartition géographique optimalisée grâce à des datas qui déterminent les potentiels en matière de chiffre d’affaires et de ventes par région. Seules les zones de Tournai-Ath, du sud du Luxembourg et de Marche-en-Famenne doivent encore être explorées. “Nos revenus directs sont liés à une redevance de 12% du chiffre d’affaires de chaque franchisé, relève Raphaël Mathieu.

L’équilibre financier est espéré au deuxième trimestre 2023. D’autres levées de fonds sont encore possibles car, à l’avenir, nous explorerons encore davantage les datas et l’intelligence artificielle pour atteindre nos objectifs. A savoir vendre plus rapidement que les autres, au meilleur prix et en toute transparence.”

Miser sur le local

L’expansion de We Invest est envisagée dans un contexte particulier sur le front de l’immobilier belge. De plus en plus d’agences communiquent ces derniers mois sur leurs velléités de croissance. Et ce, alors que le gâteau ne grandit pas vraiment. “En fait, l’élément déterminant est de savoir si on privilégie la rentabilité avec la multiplication d’agences qui portent le nom d’un réseau et versent des droits d’entrée et des royalties à la société mère ou si l’aspect qualitatif est privilégié, en restant plus modeste et davantage centré sur le contact humain”, relève Eric Verlinden, le CEO de Trevi, à la tête de 35 agences. Les deux modèles ont leurs avantages et leurs inconvénients. La multiplication entraîne une perte de qualité.

L’aspect local d’un marché doit en tout cas perdurer.” Un avis que partage notamment Jean Corman: “A l’avenir, nous allons tendre vers une concentration des agences dans les réseaux. Le local est primordial, tout comme l’humain. Mais les coûts pour mettre en valeur un bien et proposer une publicité efficace deviennent de plus en plus importants. Seules les agences ayant un gros chiffre d’affaires perdureront”.

Pour Denis Latour, les agences qui ciblent un segment particulier du marché ou une zone géographique précise ont clairement un avenir. “Je ne vois pas le paysage du courtage se transformer radicalement dans les prochaines années, estime-t-il. La notion de ‘local’ va rester, tout comme celle de service. Et si la communication digitale va s’amplifier, le volet humain restera essentiel.”

Et Raphaël Mathieu de conclure: “La taille de We Invest est encore modeste. Mais nous voyons nos chiffres augmenter et le mouvement de croissance est enclenché. Ces trois derniers mois, nous avons par exemple doublé nos rentrées de mandats. Dans le futur, le paysage immobilier devrait en tout cas tendre vers des rapprochements. Les agences locales éprouveront des difficultés à survivre car le marché nécessite des budgets de plus en plus importants”.

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