Les chasseurs immobiliers peinent à séduire les acheteurs

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Les chasseurs immobiliers ne percent pas sur le marché immobilier belge. Les candidats-acquéreurs estimant le plus souvent pouvoir trouver le bien de leur rêve sans eux. La réorientation vers les immeubles de rapport sera-t-elle leur planche de salut ? La plus-value des professionnels et les commissions supérieures laissent en tout cas entrevoir davantage de possibilités sur ce segment. Même si cela reste marginal…

Le Belge n’est pas friand de chasse immobilière. Ce n’est pas dans sa mentalité. Contrairement aux Anglo-Saxons, aux Français ou aux Allemands. Faire appel à un professionnel de l’immobilier pour le conseiller, l’orienter et le défendre face à un agent immobilier qui roule pour le vendeur n’est pas dans son ADN. Il a tendance à vouloir garder la main et estime absurde de rémunérer quelqu’un pour effectuer une mission qu’il peut réaliser lui-même. Le faible nombre de bureaux de chasseurs immobiliers qui ont percé sur le marché belge atteste d’ailleurs de cette tendance. Property Hunter, fondé en 2008, est le bureau belge le plus actif sur le segment de l’habitation pour occupation propre. L’un et l’autre acteur plus modeste vivote en périphérie. Mais cela reste marginal. Le terrain d’action de ces chasseurs est, de plus, réduit : il se limite uniquement à Bruxelles, s’étendant parfois aux deux Brabant. Et encore, uniquement dans les communes aisées.

Il est compliqué de se pencher sur les éléments qui freinent le développement des chasseurs immobiliers en Belgique tellement leurs parts de marché sont marginales.” Anders Böhlk, directeur du programme Executive Master Immobilier (Saint-Louis, Ichec)

Par rapport au nombre annuel de transactions (près de 200.000 en 2015), le volume d’action de ce segment est infime. Il pèse à peine 0,1 % du marché. Difficile donc d’analyser et d’évaluer ses perspectives de croissance, tant ce segment peine à décoller. ” Il est en effet compliqué de se pencher sur les éléments qui freinent le développement des chasseurs immobiliers en Belgique tellement leurs parts de marché sont marginales, estime Anders Böhlk, directeur du programme Executive Master Immobilier (Saint-Louis, Ichec). Le fait que les produits immobiliers sont, de plus, spécifiques ne joue pas en leur faveur. Les candidats-acquéreurs estiment qu’ils n’ont besoin de personne pour acheter leur habitation, d’autant qu’avec Internet ils ont accès à de nombreuses informations. Beaucoup de chasseurs travaillent aussi dans leur coin, sans avoir pignon sur rue. Il est donc difficile de tracer leur action. Mais c’est vrai que ce métier ne se développe guère. ”

Adrian Devos (Buyerside, à dr.):
Adrian Devos (Buyerside, à dr.): “Notre boulot est de rechercher un bien qui offrira un rendement sûr, de l’analyser, d’évaluer sa valeur et le montant des travaux à réaliser, de négocier son prix et de se charger des contrats de vente.” © PG

Pour émerger, quelques acteurs ont toutefois décidé de se singulariser dans leur chasse immobilière, en choisissant notamment d’être essentiellement actifs sur le segment des immeubles de rapport. La différence ? On n’y rencontre que des investisseurs qui veulent diversifier leur patrimoine financier et les marges sont plus importantes vu que les montants déployés sont plus élevés. Reste qu’il ne faut pas non plus surestimer le volume d’action : il s’agit d’une niche dans un marché de niche. Seule une cinquantaine de transactions ont été effectuées en 2016, alors que selon des chiffres du bureau d’expertise de Crombrugghe & Partners, 370 immeubles de rapport étaient sur le marché fin décembre à Bruxelles. Soit 23 % du stock de maisons. Des annonces immobilières qui signalaient principalement ces biens dans les communes d’Ixelles, d’Etterbeek (60 % du stock à elles deux), d’Anderlecht et de Molenbeek.

Peu d’acteurs sur le marché

Le leader du marché, Property Hunter, travaille également sur se segment. Cette société, basée à Ixelles, s’écarte parfois de son core business, selon les desiderata de ses clients. Elle a réalisé une vingtaine de transactions l’an dernier. Soit 15 % du nombre global de transactions effectuées en 2015. ” Nous trouvons des immeubles de rapport de 500.000 à 1,5 million d’euros pour nos clients, précise Marc-Olivier van Bellinghen, directeur de Property Hunter. Ils exigent un rendement élevé. Nous leur fournissons également nos services en matière de gestion locative. Ces investisseurs en sont très demandeurs. ”

D’autres sociétés ont par contre décidé de faire de ce segment leur chasse gardée et de s’y concentrer. Comme BuyerSide et Real Stone Invest. Cette dernière, basée à Wavre depuis trois ans, a décidé de se focaliser uniquement sur ce segment particulièrement intéressant pour les investisseurs qui affichent un profil de risque peu élevé. ” Notre particularité est de disposer d’une équipe qui associe spécialistes de l’immobilier et de la gestion patrimoniale, estime Quentin Vandenhaute, cofondateur et analyste financier chez Real Stone Invest. Nous proposons à nos candidats acquéreurs de prendre en charge le travail de prospection, de négociation et de vérifications urbanistiques. Avec des résultats probants à la clé. ”

Pour émerger, quelques chasseurs immobiliers ont décidé de se singulariser en choisissant d’être essentiellement actifs sur le segment des immeubles de rapport.

La démarche est relativement simple : un investisseur précise ses souhaits (type de bien, localisation, profil de risque) et Real Stone Invest met ensuite sa machine en route pour mettre la main sur le bien recherché. ” Les desiderata des clients ont auparavant été passés au crible par un comité d’accompagnement qui les informe sur les grandes tendances du marché, lance Morgane Houart, l’un des deux chasseurs de la société, avec Graziella Malou. Nous activons ensuite nos réseaux pour dénicher le bien souhaité. Chaque recherche est exclusive. Il faut faire le tri entre les bons investissements et les opérations moins rentables. ”

BuyerSide est une autre société active sur ce segment. Fondée en 2015 par Adrian Devos et Nicolas Vincent, deux anciens de DTZ, elle se définit comme spécialiste du conseil à l’achat en immobilier résidentiel. Elle se veut en quelque sorte le contrepoids de l’agent immobilier. Celle qui défendra l’acheteur face à l’agent mandaté par le vendeur et qui tentera bien évidemment d’obtenir le meilleur prix de vente pour son client. Elle a réorienté il y a quelques mois son champ d’activités pour se concentrer quasi exclusivement sur les immeubles de rapport. ” Les acheteurs sont souvent dépourvus lors de l’achat d’un bien immobilier, fait remarquer Adrian Devos, qui vient de finaliser l’achat d’un immeuble de 11 appartements sur la place Stéphanie à Bruxelles pour 4 millions d’euros. Ils ne disposent pas de toutes les compétences nécessaires à un achat immobilier. Ce qui les empêche de repérer les problèmes urbanistiques, techniques, fiscaux, de budget ou encore de remarquer la présence d’amiante et de mérule. Ou encore qu’un bien est complètement surévalué. On veut donc les accompagner dans leur quête. Notre boulot est de rechercher un bien qui offrira un rendement sûr, de l’analyser, d’évaluer sa valeur et le montant des travaux à réaliser, de négocier son prix et de se charger des contrats de vente. C’est notre valeur ajoutée. Notre commission est bien inférieure aux économies que nous permettons de réaliser sur un bien. Les investisseurs souhaitent être conseillés car ils ne veulent pas se tromper. C’est là que nous entrons en action pour diversifier leur portefeuille. ”

Morgane Houart (Real Stone Invest):
Morgane Houart (Real Stone Invest): “Chaque recherche est exclusive. Il faut faire le tri entre les bons investissements et les opérations moins rentables.”© PG

Tant Real Stone Invest que BuyerSide garantissent un rendement minimum de 4 %. ” Il est difficile d’obtenir davantage vu la baisse des taux hypothécaires, précise Adrian Devos. Pour y arriver, nous effectuons des business plans à l’envers. ” Ce qui n’empêche pas que certaines opérations peuvent faire grimper les rendements bruts à 7 %, comme avec cet immeuble de rapport comprenant cinq kots à Ixelles signé récemment par Real Stone Invest.

Neuf immeubles sur 10 en infraction

Quel type de bien séduit les candidats acquéreurs ? Les recherches débutent à partir de 400.000 euros. Pour atteindre au maximum 6 à 7 millions d’euros. Au-delà, les investisseurs changent de catégorie. Précisons que la concurrence s’envole souvent une fois que l’on franchit la barre du million et demi d’euros. En 2016, Real Stone Invest a effectué une dizaine de transactions pour un volume d’investissement de 7 millions d’euros. BuyerSide est dans la même veine avec 10 transactions valorisées sur 9 millions d’euros. On le voit, les possibilités de développement sont encore importantes. ” Mais le vrai problème est le manque de biens sur le marché, estime Adrian Devos. Les immeubles de rapport sont de plus en plus rares. Il faut se battre pour en trouver. Les promoteurs divisent de plus en plus les biens et les vendent à la pièce, ce qui leur rapporte plus. ” Et Morgane Houart d’embrayer : ” Cette situation diminue nettement les marges de négociation. Vu la demande élevée, les vendeurs vendent parfois un immeuble de rapport aux prix cumulés des différents appartements. Ce qui est bien trop élevé. Nous devons donc nous tourner vers de nouvelles communes telles que Jette, Forest, Anderlecht voire Braine-l’Alleud. La force d’un chasseur immobilier est aussi de posséder un réseau qui lui permet d’être au courant de la mise en vente d’un bien avant qu’il ne soit sur le marché. Nous mettons ce temps d’avance à profit pour effectuer des recherches urbanistiques ou pour valoriser calmement le bien. ”

Un volet qui est clairement la plus-value de cette profession. Car s’attaquer aux immeubles en infraction urbanistique est leur quotidien. Les deux sociétés estiment d’ailleurs que neuf immeubles de rapport sur dix sont en infraction. Ce qui complique sérieusement leur tâche. Il faut alors se renseigner auprès de l’administration communale pour voir combien d’appartements pourraient être maintenus en cas de régularisation de cette maison unifamiliale. La diminution du prix de vente se basera souvent sur cette réponse. ” Si le bien date d’avant 1992, une loi permet de régulariser le bien sans demande de permis, fait remarquer Adrian Devos. Il faut alors pouvoir prouver que le bien était déjà divisé. Cela passe par l’analyse des compteurs d’eau et d’électricité, par les registres de population. Si ce travail n’est pas effectué, le rendement d’un investisseur peut sérieusement être plombé si le nombre d’appartements espéré ne correspond pas au nombre d’appartements réels. Un loyer en moins et c’est tout votre plan financier qui s’écroule. ”

L’avenir ? Il s’annonce incertain. Personne ne peut prédire que ce service va se développer. Certains observateurs affirment d’ailleurs que s’il y avait de réelles perspectives de développement, il y aurait bien plus d’acteurs sur le marché. ” Pour Real Stone Invest, je pense que nous irons à l’avenir sur le marché du neuf, estime Quentin Vandenhaute. L’idée serait de préfinancer des projets en collaboration avec le promoteur. Cela se fait déjà du côté des agences mais pas encore du côté des acheteurs. ” Alors que de son côté, Property Hunter pense à s’attaquer au marché wallon pour augmenter son périmètre de recherche. Reste qu’il s’agit d’un marché qui, jusqu’à présent, a montré encore moins d’intérêt que le bruxellois…

Par Xavier Attout.

Une commission variable

Le coût des services d’un chasseur immobilier est souvent le frein principal à son développement. Même si l’économie réalisée par le jeu de la négociation ou les informations recueillies sur le bien dans le cadre d’une infraction urbanistique ou d’une estimation des travaux à réaliser compensent souvent l’investissement. Real Stone Invest demande une commission de 3 % sur le prix d’achat. BuyerSide se rémunère en deux temps : 0,5 % sur le prix d’achat et 15 % sur la plus-value réalisée entre le prix annoncé et le prix d’achat. “Pour l’heure, nous n’avons eu aucun retour négatif de clients”, affirment en choeur Adrian Devos et Morgane Houart.

Quel est le profil des investisseurs ?

Selon Adrien Devos, de BuyerSide, les investisseurs peuvent être divisés en deux catégories. “Les Belges, pères de famille, qui ont entre 40 et 60 ans et qui veulent diversifier leur patrimoine, explique-t-il. Ils se contentent d’un rendement annuel de 4,5 % et espèrent également réaliser une belle plus-value lors de la revente du bien. Le second profil concerne les Français qui veulent investir. Ils se sont exilés pour des raisons fiscales et souhaitent investir le plus souvent des sommes importantes. Ils ne jurent par contre que par le rendement. Une situation d’autant plus avantageuse qu’ils sont exemptés d’impôts sur les loyers et d’impôts sur la fortune.” La constatation de Quentin Vandenhaute est quelque peu différente. Il estime qu’il y a d’un côté ceux qui ont déjà fait le pas de l’investissement dans l’immobilier mais qui n’ont pas le temps de diversifier leur portefeuille, et de l’autre ceux qui veulent diversifier leur patrimoine mais qui n’y connaissent rien.

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