Immo: “Dans cinq ans, Google aura remplacé les agents et les chasseurs”

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L’avocat Gilles Carnoy, spécialisé en droit de l’immobilier, porte un regard critique sur l’évolution du métier de chasseur immobilier. Il estime notamment qu’il devra se réinventer pour perdurer. La percée de Google le réorientant vers des missions de services annexes.

GILLES CARNOY Ils ont eu beaucoup de difficultés à se faire accepter par le secteur quand ils ont débarqué sur le marché. Aujourd’hui, ils sont toutefois considérés comme des agents immobiliers, reconnus par l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI). L’activité immobilière était régie par un arrêté royal de 1993 qui définissait leur action par le fait de ” réaliser pour le compte de tiers des activités d’intermédiaire en vue de la vente, l’achat, l’échange, la location ou la cession de biens immobiliers, droits immobiliers ou fonds de commerce “. Le rôle d’intermédiation est bien présent. La notion a toutefois été élargie en 2013, puisqu’on estime que la profession doit désormais fournir une assistance déterminante à une vente. Nous sommes donc passés de l’intermédiation à l’assistance. L’activité de chasseur immobilier recouvre bien évidemment le courtage à l’achat.

Ce qui, selon vous, élargit significativement les acteurs concernés…

Oui, tout à fait. Avec cette définition, Immoweb doit être reconnu comme agent. A la limite, tous les sites qui permettent de trouver acquéreur en ligne sont des agents immobiliers. J’estime que l’IPI devrait réagir et clarifier la situation.

Une critique récurrente envers les chasseurs est le possible conflit d’intérêts en matière de rémunération. Qu’en pensez-vous ?

Les chasseurs immobiliers ont eu beaucoup de difficultés à se faire accepter par le secteur. Aujourd’hui, ils sont considérés comme des agents immobiliers, reconnus par l’IPI.

Le chasseur peut être tenté de se faire payer des deux côtés, celui du vendeur et celui de l’acheteur. Ce qui n’est pas normal. L’article 10 du Code de déontologie de l’IPI lui fait interdiction d’accepter une mission qui mette en péril son indépendance. Il ne peut se trouver en conflit d’intérêts (art. 38) et doit éviter toute dichotomie financière selon l’article 65 du Code. Le vendeur ne peut donc pas rémunérer le chasseur car la vente s’est passée plus rapidement. Il y a un conflit d’intérêts dans ce cas. Or, ce type d’arrangement arrive régulièrement avec des agences immobilières.

Comment réguler ce système ?

En droit, il faut avant tout se demander si ce procédé est interdit. Or, cela ne l’est pas. Par contre, en matière de déontologie et de protection du consommateur, c’est autre chose. Mais si l’agent immobilier informe clairement le client et le public de ce qu’il fait et pour qui il travaille, et s’il ne perçoit pas de commissions de chaque côté, il peut pratiquer le courtage à la vente et à l’achat au sein de la même société. Les banquiers ne s’en privent d’ailleurs pas…

Comment voyez-vous évoluer la profession de chasseur et d’agent ?

Gilles Carnoy.
Gilles Carnoy.© PG/THIERRY DAUWE

Ils n’existeront plus d’ici cinq ans si Google se réveille un peu et actionne son champ des possibilités. Acheter un immeuble est devenu aujourd’hui très simple et très compliqué. Simple car des outils internet permettent de bien connaître le marché sans professionnels. Compliqué car les obligations réglementaires sont devenues de plus en plus nombreuses. Le marché des chasseurs a toutefois davantage d’avenir car les investisseurs savent moins précisément le type de biens qu’ils souhaitent. Le rendement reste essentiel pour eux.

L’avenir est donc sombre…

Il aura du sens si des services connexes sont rendus. La valeur principale d’un chasseur aujourd’hui est par exemple jugée sur sa capacité à régulariser un bien et à le rendre intéressant. D’intermédiaire, ils deviendront donc des prestataires à la vente. Le travail consistera uniquement à effectuer des démarches matérielles. Il n’y aura plus d’intermédiation, qui est d’ailleurs déjà faite aujourd’hui par Immoweb. A l’avenir, ce sera via Google. Ils devront donc se réinventer.

Propos recueillis par Xavier Attout.

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