Le Petit Poucet belge partenaire des ogres du gaming
Les plus grands noms de l’industrie du jeu vidéo ne peuvent plus se passer des services stratégiques de Sparkers, PME basée à La Hulpe. Jusqu’ici restée discrète, cette pépite technologique a le potentiel pour s’imposer et devenir un leader mondial dans le secteur du divertissement.
“Nous accompagnons l’industrie de l’entertainment au sens large pour tout ce qui relève de la compréhension du marché, des évolutions sectorielles, des performances commerciales”, contextualise Gilles Collet, CEO de Sparkers. Ce quadragénaire diplômé en gestion de la Louvain School of Management et ayant fait ses premières armes chez Deloitte dirige avec Sébastien Van Vyve cette nouvelle structure fondée en 2020 sur base d’une autre société techno active dans le B to B. Sparkers emploie une cinquantaine de personnes, principalement au siège d’exploitation en Brabant wallon mais aussi dans ses bureaux – déjà – disséminés à l’international avec des équipes à Sydney, Madrid ou Londres, pour ne citer qu’elles.
Capter toutes les données des streams et les traiter en temps réel constitue un vrai défi technique.
La direction ne communique pas pour l’heure sur son chiffre d’affaires mais laisse entendre qu’elle engrange “entre 5 et 10 millions d’euros” grâce à une vingtaine de clients. Et non des moindres: EA, Ubisoft, Activision, Bandai Namco, Warner Bros, Sony PlayStation, etc.
“Nous avons toujours été une petite boîte mais travaillant pour des gros comptes”, épingle Sébastien Van Vyve, co-CEO de Sparkers. Cet autre quadragénaire, ingénieur commercial également diplômé de Louvain et passé par la consultance chez Deloitte, partageait déjà le gouvernail avec son homologue dans leur précédente barque.
L’inventaire des clients de Sparkers parle effectivement de lui-même. Que des clients références qui pèsent des milliards de dollars. La PME belge constitue de façon flagrante le partenaire privilégié de l’industrie mondiale du gaming. “Nous fournissons la mesure du marché des jeux vidéo dans plus de 50 pays. Nous couvrons tout ce qui va de l’ouest du Royaume-Uni jusqu’à l’est du Japon”, expose Gilles Collet, qui considère cette situation comme le plus grand accomplissement de la société jusqu’ici. “L’ensemble de cette industrie, qui est une méga-industrie, nous a fait confiance pour jouer ce rôle à la place de grands instituts de recherche de type Gfk, Nielsen et consorts.”
Belgian tech
Pour griller la politesse à ces grands acteurs de l’analyse de données, Sparkers a trouvé un précieux soutien auprès de la Fédération européenne des éditeurs de jeux vidéo (ISFE). L’industrie, aussi puissante que soudée, a été la première au monde à se réapproprier son propre panel et à s’affranchir en quelque sorte de ces grands instituts profitant d’un certain monopole, selon des observateurs du secteur.
Mais Sparkers, société techno par essence, a aussi tiré parti de ses forces internes en s’appuyant sur des solutions maison très avancées pour pouvoir mesurer tout ce qui se passe dans le monde du jeu vidéo et, plus largement, grâce à l’acquisition, au traitement et l’analyse de données de tous types de sources.
“Nous sommes un challenger pour ces mastodontes de l’analyse parce qu’ils ne viennent pas du monde de la technologie. Historiquement, ces grands bureaux de recherche sont des instituts de sondage qui ont progressivement évolué vers des activités technologiques en facturant de la data… mais ce n’est pas dans leurs gènes comme nous”, plaide Sébastien Van Vyve. Etant une boîte tech avant tout, Sparkers automatise une série de processus et parvient notamment à fournir des services à des prix beaucoup moins élevés que les pontes de la concurrence.
“Cette approche disruptive se manifeste au travers de nos coûts, plus bas, mais aussi dans notre qualité à capter des informations plus variées, ce qui est très important dans un monde qui se digitalise toujours un peu plus”, prend soin de compléter Gilles Collet. Autrefois, l’analyse de marché se cantonnait au monde physique, c’est-à-dire étudiait ce qui se vend en magasin chez les MediaMarkt et autres. Cela représentait 60 à 70% du marché. Alors qu’aujourd’hui, cette réalité commerciale n’en représente peut-être plus que 40%. “De manière générale, les business models évoluent très fort. Avec le téléchargement de jeux évidemment mais aussi les systèmes par abonnement, le streaming, l’explosion des micro-transactions, etc. Sparkers est très bien outillé pour capter toutes ces données“, affirme Sébastien Van Vyve.
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Le “Sparkers Standard”
Les activités de la PME s’articulent donc autour d’une ligne de services macro, l’analyse de marché, et une autre micro, baptisée Cockpit, qui pilote les performances des réseaux de distribution (selon qu’un jeu est vendu sur la PlayStation Network, Steam ou en magasin, par exemple).
Sparkers planche justement sur “une grosse innovation qui sortira bientôt”, à savoir la mesure des audiences sur les plateformes de streaming de live. “Twitch est la plus grande, mais il y en a une vingtaine d’autres relativement importantes dans le monde: Facebook Gaming et YouTube Gaming, notamment. On parle ici du live, ce qui change plein d’aspects, notamment technologiques”, souligne Gilles Collet. Capter toutes les données des streams et les traiter en temps réel constitue un vrai défi technique, des données manquées dans le flux étant irrécupérables et le reporting prenant des proportions assez dantesques.
Mais ces médias de streaming live étant nés avec le jeu vidéo, plus de 90% des audiences dans le monde restent liées actuellement au gaming (retransmission de partie, test de gameplay, avant- premières, etc.) Et la dimension communautaire se montre très forte. “Ces plateformes sont devenues une autre manière d’interagir avec les joueurs et les fans, de présenter les nouveaux jeux, les add-on“, avance Gilles Collet.
Naturellement, ces audiences mondiales comportent un énorme potentiel en termes de revenus publicitaires, de sponsoring et autres. Des dizaines ou centaines de millions de personnes se connectent chaque jour. Mais le marché publicitaire est seulement occupé à s’organiser. Car il n’existe pas de référence internationale de mesure. “De la même manière que dans les médias traditionnels, il a fallu que l’industrie se structure autour d’une audience reconnue par tous. Si le média annonce 100.000 viewers mais que le sponsor pense qu’il n’y en a que 50.000, ça crée de la confusion et de l’inefficacité dans la commercialisation”, explique le CEO.
Idéalement, Sparkers voudrait donc répliquer son modèle d’analyse transactionnelle des ventes de jeux vidéo et l’adapter au streaming live.
Levée de fonds à l’horizon
Enfin, bien que Sparkers finance pour l’instant sa croissance de manière organique, sur fonds propres, en réinvestissant toute sa profitabilité, les deux CEO comptent tester le soutien des investisseurs dans un avenir proche. “Si on doit adresser notre internationalisation de manière costaude, une levée de fonds en 2022 ou 2023 ne sera pas superflue”, sourit Sébastien Van Vyve.
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