Jean-Charles Samuelian (Alan): “On vise plusieurs centaines de millions d’euros en Belgique”

Jean-Charles Samuelian: "On veut que nos clients tombent amoureux de leur assurance santé." © PG
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Spécialisée dans l’assurance santé, la start-up française Alan est valorisée à 1,4 milliard d’euros depuis sa récente levée de fonds de 185 millions. Elle nourrit de grandes ambitions sur le marché belge, où elle se développe rapidement, avant le reste du monde…

Pour nombre de firmes françaises, la Belgique constitue un marché complémentaire à celui de l’Hexagone. Comme un département supplémentaire plus ou moins facile à conquérir. Mais pour Jean-Charles Samuelian, cofondateur de la licorne française Alan spécialisée dans l’assurance santé, notre pays est… une priorité. D’ailleurs, le jeune homme est même en train de s’installer à Bruxelles, pas trop loin du siège d’Alan à BeCentral, le campus digital logé à la gare Centrale. Pour l’instant, Alan emploie un peu plus d’une vingtaine de personnes en Belgique (l’objectif est d’atteindre les 35 à la fin de l’année) mais compte bien faire de notre marché l’un des fers de lance de son internationalisation, employant pas moins de 100 personnes à moyen terme. Une évolution que la société espère proportionnelle à celle de sa base d’utilisateurs noir-jaune-rouge: de 10.000 utilisateurs aujourd’hui, Alan compte en effet grimper à 100.000 d’ici trois ans… “Si on fait bien notre job, on prévoit plusieurs centaines de millions d’euros de revenus en Belgique, prédit Jean-Charles Samuelian. Il s’agit d’un marché à part entière, assez profond. Si on parvient à s’y installer malgré la complexité du multi-langue, ce sera la preuve qu’on peut y arriver ailleurs aussi…”

L’Europe a besoin de plus de souveraineté en matière de santé.

Remboursement en une heure

Bien sûr, le CEO se réjouit de la récente levée de fonds d’un montant de 185 millions d’euros effectuée par la start-up. Toutefois, pas question de la célébrer: “Cette levée de fonds est une bonne chose car elle nous donne le cash pour continuer à investir et recruter mais je préfère qu’on célèbre le produit, explique Jean-Charles Samuelian. Notre statut de licorne (une entreprise tech non cotée valorisée à plus d’un milliard, Ndlr) n’est pas non plus ce que l’on doit fêter. Par contre, cela nous donne de la visibilité, tant pour trouver de bons talents internationaux qui quittent les meilleurs boîtes tech pour nous rejoindre, que pour convaincre des sociétés de plus grande taille à devenir nos clientes.”

100.000 utilisateurs

Le nombre que l’entreprise espère atteindre en Belgique dans trois ans.

Alan, en effet, cible d’abord les entreprises. C’est en premier lieu à elles que cette start-up fondée en 2016 propose sa plateforme permettant de souscrire une assurance santé 100% digitale et des systèmes de remboursements en ligne. Avec de vraies promesses en matière d’expérience utilisateur, notamment un remboursement en un temps record. “En une heure dans 85% des cas”, insiste le CEO! De quoi jeter un pavé dans la mare et jouer les trublions sur le marché. “On emploie souvent ce terme pour nous désigner. Pourtant, nous regardons assez peu nos concurrents, précise Jean-Charles Samuelian. Ou en tout cas, cela ne détermine pas notre positionnement. Ce que nous visons, c’est une expérience utilisateur exceptionnelle. On veut que nos clients tombent amoureux de leur assurance santé. On évolue dans un secteur avec des acteurs brillants mais dont l’ADN est basé sur une gestion de risques, pas sur l’élaboration d’un produit.”

Aujourd’hui, l’assurance est la fondation, le modèle économique (et l’essentiel des revenus) d’Alan. Mais la start-up affiche une vision à long terme bien plus ambitieuse. Elle envisage en effet de devenir ni plus ni moins que la “super-app” des Européens pour leurs usages liés à la santé. Alan a déjà réalisé les premiers pas en ce sens, proposant à ses membres, selon les marchés, de l’information personnalisée, des rappels automatiques de prévention, un chat médical sécurisé, de la téléconsultation ainsi que le paiement, le remboursement et le suivi de soins.

Pas peur des Gafa

Bien sûr, la licorne hexagonale n’est pas seule sur ce créneau. Une multitude d’acteurs nourrissent l’espoir de prendre cette place de “super-app” santé qui serait prisée par des millions (milliards? ) d’utilisateurs à travers la planète – citons par exemple la jeune pousse bruxelloise Rosa. Le secteur de la “healthtech” est en effet plus en plus chaud Même les Gafa s’y intéressent. Un danger pour Alan? Jean-Charles Samuelian ne le pense pas. “Il y a toujours de la place pour se différencier face aux géants, rétorque le CEO. Par exemple en misant sur l’utilisateur et en développant la technologie à son service, et pas l’inverse.” Et le Français de citer l’exemple de Spotify, firme européenne qui est parvenue à s’imposer dans le créneau de la musique jusque-là dominé par Apple avec iTunes. D’ailleurs, le leader du streaming musical constitue l’une des sources importantes d’inspiration pour Alan: “On échange souvent avec eux, admet le cofondateur, car beaucoup de parallèles peuvent être établis, tant sur leur marché, la complexité de leurs stakeholders, leur échelle, etc.”.

On le comprend vite en discutant avec Jean-Charles Samuelian: le jeune homme a l’ambition de faire d’Alan bien plus qu’une jolie licorne. Il s’est aussi fixé l’objectif de “tenir tête aux acteurs américains et chinois. Ma vision, c’est que l’Europe a besoin de plus de souveraineté, et certainement en matière de santé.” Un point susceptible d’aider Alan à tenir tête à ses concurrents pourrait en tout cas être la réglementation, tant celle du monde de l’assurance que celle sur la protection de la vie privée, type RGPD. Ces deux domaines sont sensibles, surtout lorsqu’ils sont liés à la santé. Et de nombreux entrepreneurs, européens notamment, voient les règles qui les régissent comme un frein. Mais pas Alan. “On a toujours pensé la réglementation comme une partie du produit et pas comme un frein à notre développement, précise le boss de la start-up. En effet, si cete règlementation existe, c’est pour de bonnes raisons. On l’envisage dès lors comme un outil. Je suis convaincu que construire une boîte qui tienne compte des réglementations soit davantage une force.”

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