Carte blanche

Faut-il se passer de whatsapp?

La méfiance est de mise vis-à-vis de Whatsapp qui a changé ses conditions générales. Beaucoup se méfient de cette filiale de Facebook. A tort ou à, raison? Faut-il choisir une autre messagerie?

Une adaptation du cadre des conditions générales n’avait jamais fait aussi grand bruit que l’annonce de whatsapp. Au point que cette dernière avait repoussé l’application de ces modifications à début février.

Un élan citoyen solidaire s’est alors enflammé pour passer à des messageries alternatives telles que Signal ou Telegram. Aller chercher le nirvana auprès d’autres sociétés de messagerie, aussi rapidement est une réaction émotionnelle forte de la part de certains utilisateurs qui ont vu dans l’alternative la garantie du respect de leur vie privée. Cependant, personne ne s’enquiert notamment de qui se cache derrière ces sociétés et quelle est leur finalité. Aujourd’hui aucune d’entre elles ne se trouve sur le sol européen.

Il est maintenant de notoriété publique que le propriétaire de Whatsapp est Facebook. Malgré le matraquage à répétition du gérant des réseaux sociaux, ce dernier a toujours du mal à convaincre ses utilisateurs de sa bienveillance.

Pourquoi cette méfiance ?

Les messages que l’on s’échange sont par définition teintés d’une dimension personnelle et dès lors empreints d’un caractère émotionnel fort. Personne ne souhaite retrouver l’ensemble de ses messages sur la place publique ou encore moins partagés avec des personnes à qui ces messages ne sont initialement pas destinés.

Certains dénoncent une certaine désinformation de la part de Facebook et doutent de sa bonne foi. Cette interrogation est légitime. Comment puis-je, en tant qu’utilisateur, m’assurer qu’une entreprise dont le modèle économique est basé sur l’exploitation de la donnée et ne fait pas payer ses services sera d’une éthique irréprochable? “Tant qu’on ne peut pas changer le système, on fait avec” était un argument de Descartes. Il expliquait dans le Discours de la méthode que dans l’attente que la vérité transforme enfin son existence en une allée de lumière, il lui faut tenter de vivre avec les outils dont il dispose. Par conséquent, il forge ce qu’il appelle une “morale par provision”. En gros, il explique qu’il est loisible de faire des compromis en attendant que le monde s’éclaire. La morale par provision est le niveau d’acceptation qu’aura l’utilisateur de la messagerie instantanée.

Une des raisons pour lesquelles l’utilisateur est prêt à accepter des compromis sur sa vie privée est l’effet de groupe. Le nombre important d’utilisateurs et donc l’accès à son tissu social immédiat est une motivation non négligeable dans le processus du compromis.

S’exprimer par le truchement de Whatsapp en vient à en accepter les règles. Une méconnaissance de ces dernières est une acceptation tacite de la non transparence d’une société comme Facebook, indépendamment de leur déclaration apocryphe.

Quand une messagerie devient un réseau social

Appelons un chat un chat. Whatsapp n’est en fin de compte qu’une application sociale au même titre que les autres applications du groupe Facebook. La cartographie de votre interaction avec vos différents contacts et le type de contacts que vous hébergez dans votre téléphone constitue la manne de Facebook. L’entièreté de ces données est recoupée avec l’ensemble des données dont vous disposez.

Jan Koum, le fondateur de Whatsapp, s’est retiré du réseau social après avoir notifié des divergences de points de vue avec Mark Zuckerberg et notamment sur le modèle économique de Whatsapp. Il voyait clairement une version payante de la messagerie instantanée.

La question du chiffrement

La notion de sécurité informatique demeure une notion subjective. La sensibilité que chacun peut avoir par rapport à l’exploitation de ses données personnelles est par définition différente et amène souvent à des dissentiments qui sont de dialectiques et non de principes.

Accepterais-je par exemple que mes données soient utilisées pour générer des publicités personnalisées. Certains vous diront que cela ne leur pose aucun souci car ils n’y prêtent guère attention et d’autres vous diront que cela génère un prisme de l’information auquel ils ne veulent pas être soumis.

Accepterais-je que mes données soient transmises et vendues à d’autres sans que je ne puisse en contrôler l’usage. Les réactions sont généralement plus virulentes. Et pourtant, c’est exactement ce qui se passe.

Le chiffrement de vos messages concerne plutôt le transport de ces derniers. La garantie de Facebook est de prévenir qu’un tiers puisse intercepter votre message et le lire (un peu comme dans un vieux film policier quand une tierce personne connecte un téléphone sur la ligne).

Il ne signifie pas par contre que le contenu de vos messages ne puisse pas être analysé en termes de sémantique par Facebook pour en tirer des conclusions de profil et d’interaction avec vos différents contacts.

Faut-il ne plus utiliser Whatsapp ?

Un lecteur averti en vaut deux. Il est impossible aujourd’hui de garantir à l’utilisateur que ses données privées seront totalement en sécurité et Facebook ne fait preuve de transparence à ce sujet. La vraie question des solutions alternatives se pose. Ces sociétés ne tomberaient-elles pas dans la même escarcelle que Facebook? Comment peuvent-elles tenir un modèle économique dépourvu de tout revenu ?

Aucun substitut européen d’envergure n’existe aujourd’hui. Dans un monde dans lequel les services de police, les pompiers, certains services du fisc utilisent des outils comme Whatsapp, il est peut-être grand temps que la législation dépasse le cadre du RGPD.

Faut-il continuer à utiliser Whatsapp? Si l’application ne vous donne pas une vision dantesque du monde, pourquoi pas. Sinon, vous pouvez toujours utiliser l’application de SMS de votre opérateur de téléphonie qui opère lui dans le cadre légal de votre pays.

Georges Caron

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