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“Geler les prix de l’énergie ? Attention, danger !”

Le ministre de l’Economie et le secrétaire d’Etat à l’Energie veulent geler les prix de l’énergie jusqu’à la fin de l’année. Ce n’est utile que s’ils profitent de ce délai pour mettre sur pied une politique énergique cohérente, prévient Luc Huysmans, senior writer chez Trends.

Que la libéralisation de l’énergie n’ait été que partiellement couronnée de succès, ce n’est pas seulement la faute des acteurs du marché. Cette situation est également liée au gouvernement, qui n’a jamais réussi à développer une vision claire quant à l’approvisionnement énergétique de notre pays. C’est aussi le point faible de la proposition de Vande Lanotte et Wathelet.

L’énergie est un élément-clé de l’économie d’un pays : “Si je dois choisir entre baisse des prix de l’énergie ou baisse des coûts salariaux, je choisis la première“, déclarait voici peu Julien De Wilde, président de Nyrstar et d’Agfa-Gevaert, sur les ondes de Canal Z. Le capitaine d’industrie mettait ainsi l’accent sur les taxes énergétiques, qui n’apparaissent pas le moins du monde dans les propositions du ministre et du secrétaire d’Etat.

Johan Vande Lanotte et Melchior Wathelet s’appuient sur un rapport de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz. Ce rapport bien documenté du régulateur fédéral de l’énergie donne un aperçu des problèmes qui plombent le marché énergétique belge et ouvre un large éventail de mesures possibles. La nécessité, en effet, est pressante : le gaz et l’électricité sont plus chers que dans nos pays voisins, les tarifs de distribution sont plus élevés et les coûts supplémentaires sont répercutés sur les consommateurs.

Le duo plaide pour ne plus indexer les prix de l’énergie jusqu’à la fin de l’année, geler les tarifs de distribution jusqu’en 2014 (lorsque cette compétence sera transférée aux Régions) et la fin des frais d’annulation qui s’appliquent lorsque les consommateurs annulent un contrat.

Mais imposer à tout un secteur des prix plus ou moins élevés n’est pas sans risques. Ainsi, la demande pour le gaz est traditionnellement plus faible durant les mois d’été. Sans indexation, il n’y aura donc pas de prix inférieurs au cours de cette période.

Un gel des prix renforce en particulier la position des acteurs dominants sur le marché. Il retire aux petits acteurs la possibilité de rivaliser avec Electrabel et EDF-Luminus, qui disposent d’une énergie nucléaire bon marché.

Il est également frappant que Vande Lanotte et Wathelet ne suivent pas l’étude de la Creg en matière de rente nucléaire. Selon le régulateur de l’énergie, en effet, cette rente tourne autour de 1,3 milliard d’euros, tandis que la coalition gouvernementale l’a fixée à 550 millions d’euros environ.

Sans oublier la création potentielle de nouvelles taxes. L’annonce de l’examen, par le gouvernement wallon, de l’introduction d’une taxe sur l’énergie nucléaire, accroît l’incertitude pour les investisseurs potentiels. Cela renvoie en effet l’image peu séduisante de revenus plus ou moins bloqués, comparés à des coûts imprévisibles… et peut-être élevés.

Quand un gouvernement gèle les prix, il est obligé, après cette période, de présenter aux parties prenantes (entreprises et consommateurs) une politique combinant vision à long terme et réformes solides. Bref, des conditions du marché qui encouragent de nouveaux investisseurs à ouvrir leur portefeuille (de préférence en faveur des énergies renouvelables), assurent la sécurité de l’approvisionnement à un prix raisonnable et dans un cadre stable, et qui assurent aux consommateurs des tarifs transparents et des procédures de transfert simples. En d’autres termes, des mesures pour atteindre – enfin – ce marché libre qui existe officiellement depuis dix ans.

Luc Huysmans

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