Un kiné s’insurge: “Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas aussi être indemnisés”

Maxime Defays Journaliste

Denis Sénépart, kinésithérapeute indépendant depuis dix ans, a dû fermer son cabinet à cause du coronavirus depuis maintenant trois semaines. Il dénonce le fait que le gouvernement wallon ait promis une indemnité pour venir en aide à l’ensemble des indépendants, alors que sa profession, comme d’autres, n’est pas reprise dans la liste. “On nous dit de continuer à travailler par téléphone, mais il est évidemment difficile de traiter un patient par vidéoconférence”. Interview.

Quel est le problème aujourd’hui pour la profession de kiné en tant que telle ?

Le souci, simplement, c’est que pour respecter les mesures de sécurité, de confinement et d’hygiène sanitaire, on ne peut évidemment plus avoir de contacts physiques avec notre patientèle. Dans la mesure où nous faisons de la thérapie manuelle, on ne peut dès lors théoriquement pas toucher les patients. On ne peut pas respecter ces directives à partir du moment où nous n’avons pas eu de mesures concernant les masques et des gels, notamment.

De plus, cela n’a aucun sens d’aller consulter de cette manière alors qu’il faut justement éviter les contacts. Il est dès lors très difficile d’exercer notre profession et par conséquent d’en retirer des revenus.

Vous dites que vous n’êtes pas considéré comme n’importe quel autre indépendant…

La prime de 5000 euros débloquée par la Région wallonne n’est pas octroyée à tous les secteurs. Les professions les plus citées sont par exemple les coiffeurs, qui sont autant en contact avec leurs clients que nous le sommes avec nos patients.

C’est pourquoi nous déplorons aujourd’hui cette différence de traitement, en tant que kinésithérapeutes, comme pour d’autres professions du médical et du paramédical.

Dans quelle mesure devrions-nous continuer à travailler, avec les contacts physiques que j’ai déjà évoqués, alors que d’autres professions, comme encore une fois les coiffeurs, ne doivent pas le faire ? C’est interpellant. Les décisions sont absurdes.

Vous a-t-on expliqué pourquoi la profession n’était pas reprise dans la “liste” ? Considérez-vous cela comme une injustice ?

Nous n’avons reçu aucune réponse et aucune précision. Sur le portail de la Région wallonne, on peut rentrer notre numéro de TVA pour ceux qui y sont assujettis ou encore notre numéro BCE. Quand j’entre le mien, comme d’autres professions médicales ou paramédicales le font également, nous recevons un message qui nous indique que notre profession n’est pas reprise dans la liste des métiers indemnisés. C’est résumé en une seule phrase, sans explication plus complète.

Axxon, votre syndicat, lance plusieurs appels aux autorités. Ont-ils été entendus ?

A ma connaissance, ils n’ont pas reçu de réponse. Ils avaient déjà interpellé les autorités compétentes il y a deux semaines lors des annonces des mesures de confinement car ils se sont très vite rendus compte qu’il serait évidemment très difficile de garder notre patientèle et notre revenu au vu de la situation.

Si on veut respecter ce que le gouvernement a imposé à la population, on ne peut tout simplement pas travailler. Cela concerne aussi d’autres professions comme les logopèdes, les ostéopathes ou encore les ophtalmologistes (toutes les professions médicales qui ne sont pas repris dans les soins hospitaliers d’urgence).

Le gouvernement nous a dit qu’on pouvait faire des consultations par téléphone. Vous comprenez bien qu’on ne soigne pas une cheville ou une lombalgie à distance, c’est évidemment impossible. C’est certainement en accord avec l’INAMI, mais cette proposition de mener des consultations par téléphone n’a évidemment aucun sens.

Qu’en est-il du côté des banques, notamment des reports de prêts professionnels et hypothécaires ?

Le 31 mars était la date limite pour le report des crédits. Mais hier, il n’y avait rien de prévu. Aujourd’hui, la banque m’accorde finalement le report, ce qui est une bonne nouvelle. Nous avons un report de crédit de six mois, crédit hypothécaire et emprunt professionnel.

Au niveau du crédit hypothécaire, le capital et les intérêts sont reportés de six mois si on le souhaite. Quant aux crédits professionnels, cela ne vaut uniquement pour le capital. Les intérêts doivent toujours être payés.

Au niveau du report des cotisations sociales, maintenant : on nous informe que le report est autorisé, et que nous serions informés des modalités dans le courant des quinze jours, et nous en sommes maintenant à la troisième semaine. Et c’est le flou total. J’ai pris contact avec l’UCM vendredi dernier, et le délai est aujourd’hui dépassé. On ne sait toujours pas où nous en sommes, que ce soit pour le report des cotisations ou pour le “droit passerelle”.

Aussi, reporter les cotisations sociales, c’est bien. Mais ce qu’on ne dit pas, c’est que pour nous, c’est une charge professionnelle : c’est-à-dire que ce que nous ne paierons pas en cotisations sociales, on le paiera sous forme d’impôt en fin d’année. Ils déplacent le problème ailleurs.

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