Transition énergétique: un Belge à la pointe de l’architecture photovoltaïque
Ne les cherchez pas dans les codes d’urbanisme, vous ne les trouverez pas. Mais cela ne saurait tarder. Les machines solaires pourraient en effet devenir le symbole de la troisième révolution industrielle. Une révolution menée tambour battant par Jean-Didier Steenackers, fondateur du bureau belge Sunsoak…
Ce n’est pas tous les jours que l’on rencontre un architecte solaire. Normal, Jean-Didier Steenackers est probablement le seul. “J’étais pourtant bien parti pour dessiner des maisons quatre façades en Brabant wallon”, plaisante-t-il. Une mission ponctuelle dans un bureau d’ingénierie thermique a bouleversé le cours des choses. “Je me suis alors lancé un challenge, celui d’inventer un nouveau métier, ancré dans mon époque, qui allie architecture, énergie renouvelable et esthétisme.”
Sa carte de visite? Les machines solaires, un concept dessiné au départ par le célèbre architecte italien Renzo Piano et auquel Jean-Didier Steenackers prête régulièrement main-forte pour l’aspect technologique (comme en ce moment pour trois machines solaires sur le site du Cern, en Suisse). “L’équipe de Renzo Piano est la première à avoir compris que la source d’énergie d’un bâtiment doit être le bâtiment lui-même et non pas une centrale à distance”, confie le Belge. Sans mettre à mal pour autant le design du lieu!
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Les machines solaires sont compatibles avec des bâtiments neufs ou anciens. Ce sont des objets dissociés de l’édifice, comme “volant” au-dessus de celui-ci ou construits en façade. Une architecture propre – en bois, en métal, peu importe – dotée de matériaux solaires. Un bâtiment qui ne sert plus seulement à loger des individus mais qui est pourvu d’une toute nouvelle fonction: produire de l’énergie. Et donc améliorer l’efficience énergétique.
Tout en verre
Mais attention, rien de comparable ici avec les traditionnels panneaux photovoltaïques, souvent inesthétiques et incapables d’assurer les mêmes performances pour des endroits d’une telle envergure. Les machines solaires sont capables de répondre aux normes environnementales et de construction les plus strictes avec, en plus, une vraie signature architecturale. “Lorsqu’on se balade à Bruxelles, Paris ou Rome, on se rend compte que nos villes et leurs immeubles ne sont pas en phase avec la transition énergétique, note l’architecte solaire. Et ce n’est pas en mettant une dizaine de panneaux chinois sur les toits qu’on arrivera aux objectifs climatiques européens! Nous avons besoin de beaucoup plus de puissance énergétique, de mètres carrés, ce qu’offrent les machines solaires.”
Le matériau utilisé pour ces innovations architecturales est quasi exclusivement du verre. La cellule solaire qui capte la lumière est fragile, elle a donc besoin d’un matériau protecteur, très dur et très transparent pour être encapsulée. Une machine solaire est composée de deux couches de verre, “comme les pare-brises de voiture”, précise Jean- Didier Steenackers. Et l’architecte d’ajouter: “Pour nos projets, nous travaillons exclusivement avec des matériaux européens manufacturés et très esthétiques”.
Une aubaine pour le climat et les promoteurs
Depuis sa création en 2015, Sunsoak a conçu ou cocréé de A à Z une quinzaine de machines solaires et est intervenu sur plusieurs dizaines d’autres en tant que consultant. En France, en Belgique, en Europe francophone mais aussi désormais à Amsterdam et à Londres où deux projets sont en cours. Ses clients sont essentiellement des développeurs immobiliers. Comme dans le cadre du Bota Solar, place Rogier à Bruxelles, face au point de rendez-vous des marches pour le climat. “On aurait aimé qu’il soit terminé lorsqu’elles ont débuté, regrette Jean-Didier Steenackers. Il devrait l’être à la fin de l’année. C’est un concours que nous avons remporté en 2016. D’ailleurs, je dis souvent que les machines solaires sont des machines à gagner des concours et à obtenir des permis plus rapidement. Ce qui fait écho chez les promoteurs.” Le Bota Solar, propriété d’Immo Stephano, est plus qu’une machine solaire élégante. Il entre carrément dans la catégorie des “totems solaires”, ces constructions emblématiques qui offrent un changement de paradigme énergétique, comme les cheminées de briqueteries lors de la première révolution industrielle. “Aujourd’hui, nous sommes à la troisième révolution industrielle, indique Jean-Didier Steenackers, et beaucoup se demandent ce qu’elle laissera comme trace en ville. Chez Sunsoak, on est convaincu que ce seront, entre autres, les machines solaires, très visuelles et qui surhaussent les immeubles existants de parfois trois ou quatre étages. Vous savez, avant de devenir le Bota Solar, cet immeuble n’avait aucune visibilité architecturale. Là, on le fait sortir du lot grâce aux énergies renouvelables!”
Verrière haubanée, grâce à des profilés métalliques qui fonctionnent en traction comme des câbles, le Bota Solar sera capable de couvrir entre 25% et 30% de l’énergie nécessaire à son fonctionnement. Pas mal pour un bâtiment des années 1970 qui n’est plus aux normes énergétiques actuelles. “Aujourd’hui, dans la majorité des rénovations, le réflexe est encore d’agir en bon père de famille en améliorant l’isolation des édifices, souligne l’architecte solaire. Car le meilleur kilowattheure est celui qui n’est pas perdu. Mais c’est vrai à l’échelle d’une maison résidentielle, pas pour de grands bâtiments qui datent d’avant les années 1960 et qui constituent 80% du patrimoine des villes européennes. Surtout quand on connaît le contexte des promoteurs, qui ne peuvent pas se permettre les creux locatifs qu’engendre ce type de travaux coûteux et de longue haleine.” Les machines solaires permettent, elles, de prendre le problème à l’envers. On regarde plutôt quel est le potentiel énergétique du site au niveau du capital d’irradiation solaire et on essaie d’en capter le maximum. Résultat? Les chantiers sont courts, peu intrusifs (les locataires peuvent rester), tout se passe généralement en toiture et il n’y a aucun désordre, quel qu’il soit.
Pour les bâtiments neufs, les résultats sont encore plus bluffants. Les machines solaires offrent un bilan annuel énergétique quasi nul et une autoconsommation supérieure à 60% pour un immeuble de bureaux! Des valeurs que Sunsoak assure à ses clients, grâce à un logiciel et des clauses d’assurance spécifiques, au même titre qu’un ingénieur stabilité prend une assurance pour être sûr que ses calculs tiennent la route.
Le coût? Le retour sur investissement des machines et autres façades solaires ne se détermine pas sur l’ensemble de l’investissement mais sur l’option solaire. “On calcule la différence entre une machine solaire et un bâtiment qui ne l’est pas et c’est ce delta, cette différence de prix, qui fait le surinvestissement, l’option solaire, explique le fondateur de Sunsoak. A ce petit jeu, il est déjà arrivé que nos solutions atteignent un surcoût égal à zéro! Et comme le solaire, par nature, a la réputation d’être rentable, ça tire les prix vers le bas et il n’est pas rare que les matériaux solaires que nous préconisons soient moins chers que des matériaux ordinaires comme la pierre ou le bardage.”
Une question de survie
Mais l’architecture solaire n’est-elle pas juste une question de mode? “On n’en est plus à un phénomène de mode comme aux début des années 2010 et la COP21 où le solaire faisait vendre, assure Jean-Didier Steenackers. Ici, on ajoute une nouvelle fonction à l’art de bâtir. Et ça n’arrive pas tous les jours! Nous avons besoin de produire de l’énergie décentralisée, il n’est plus envisageable de concentrer la production en un seul point. Il faut répartir les risques. L’avenir des villes, de leurs immeubles, des hommes, passe par cette dissémination de la fonction purement énergétique. De plus, les normes environnementales sont de plus en plus ambitieuses. On ne peut plus se contenter de quelques panneaux posés sur les toits. C’est purement et bassement quantitatif. On aurait voulu que ce soit plus philosophique, mais au final ce sont les normes qui nous rattrapent. Comme l’a dit justement l’emblématique architecte britannique Norman Foster ‘L’architecture solaire n’est pas une question de mode, c’est une question de survie’.”
Solarbox, la mini machine solaire résidentiel
L’architecture solaire est aussi compatible avec l’immobilier résidentiel. Jean-Didier Steenackers a ainsi dessiné la Solarbox, un espace additionnel à la maison qui peut servir de véranda, de pergola, de bureau, etc., tout en se substituant à une installation photovoltaïque traditionnelle souvent peu esthétique.
L’architecte solaire a également imaginé une déclinaison de sa Solarbox pour Tesla: la Teslabox. “J’ai eu l’occasion de la présenter à Tesla France et dans plusieurs clubs Tesla, mais ce n’est pas allé plus loin, explique-t-il. Notre Teslabox aurait toutefois pu être une option pour alimenter les batteries murales domestiques, en plus de la recharge de voiture. Rien n’empêche cependant un propriétaire de Tesla de nous commander une Teslabox! Mais comme elle n’est pas industrialisée, standardisée, ce serait une pièce unique, à un certain prix.”
Un toit 100% solaire en zinc pour le résidentiel en 2021
Certains chantiers donnent des idées. Et ouvrent des opportunités. Celui du Marché couvert d’Anderlecht a permis à Sunsoak de déposer son premier brevet et d’innover une fois de plus. Dans le courant 2021, les premières toitures 100% solaires en zinc devraient être disponibles pour les particuliers.
“Le Marché couvert d’Anderlecht est une vieille construction d’avant 1900, raconte Jean-Didier Steenackers, fondateur de Sunsoak. Dans le cadre de sa rénovation, nous avons proposé de remplacer les 10.000 m2 de toiture posée sur une charpente classée par un toit à l’ancienne en zinc, élégant et solaire. Un projet hallucinant, le premier essai de toiture en zinc photovoltaïque! Très vite, on s’est dit qu’on tenait quelque chose. Un système facile qui pourrait intéresser les promoteurs résidentiels mais aussi monsieur et madame Tout-le-Monde. On a donc enregistré notre premier brevet pour le système de fixation. Notre toit est très différent des tuiles solaires Tesla. On assume la qualité purement photovoltaïque de notre matériau, on réalise quelque chose de plus simple, de plus immédiat, de moins coûteux et de très esthétique. Avec des temps de pose ultra-réduits et des détails hyper- architecturés.”
Sunsoak a d’ores et déjà trouvé un partenaire financier pour sa toiture solaire, Skysun, et plusieurs candidats sont en lice pour la commercialiser dans le courant 2021. Le prix? “L’objectif est clairement de rester dans le même budget qu’une solution photovoltaïque classique”, conclut Jean-Didier Steenackers.
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