Thierry Miremont, CEO de Swissport Belgium: “Avec la crise, les compteurs doivent être remis à zéro”

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Le patron de Swissport Belgium n’avait pas pu trouver de financement pour restructurer l’entreprise. Ni les pouvoirs publics ni la maison mère n’ont accepté de participer à l’opération.

La faillite de Swissport Belgium, société d’assistance au sol active à l’aéroport de Zaventem, et sa filiale de nettoyage, n’est hélas pas une grande surprise. L’entreprise, qui occupe 1469 personnes, est en difficulté depuis plusieurs années, le coronavirus a rendu sa situation intenable.

L’an dernier, l’entreprise, qui assure notamment l’acheminement des bagages et la gestion des avions au sol pour plusieurs compagnies, dont Brussels Airlines, avait affiché une perte de 7,1 millions d’euros en 2019 sur un chiffre d’affaires de 97,6 millions d’euros.

Procédure en réorganisation judiciaire impossible

“Avec la crise, les compteurs doivent être remis à zéro” dit Thierry Miremont, CEO de l’entreprise. Ce manager de crise, qui a fait ses classes chez McKinsey, a retourné la question dans tous les sens, mais n’a pas pu trouver le financement d’un nouveau plan de relance, à travers une PRJ (procédure en réorganisation judiciaire). Il précise que l’activité cargo, logée dans une autre société, n’est pas concernée par cette situation. Elle continue à Zaventem et Liège.

Swissport n’avait pas droit à une aide publique

“Nous avons approché les pouvoirs publics pour un soutien financier, on nous a répondu que comme nous étions déjà en perte avant la crise, il était difficile de nous soutenir”. La maison mère, à Zürich, a pensé la même chose. “La crise actuelle force Swissport International AG, la maison mère de Swissport Belgium, à adopter une approche stricte concernant le financement des filiales en perte, pour préserver la santé financière du groupe” indique un communiqué. “En 8 ans, le groupe a injecté 45 millions d’euros dans l’entreprise” ajoute Thierry Miremont. “Il a considéré que le risque était trop important.

Swissport Belgium est le premier acteur du handling à Zaventem, il compte Brussels Airlines, Lufthansa, Alitalia, Finnair, Emirates, LOT et Swiss parmi ses clients, au total 16,2 millions de passagers par an avant la crise. Parmi les services proposés figure aussi l’accueil des passagers (check in). Il est concurrencé par le groupe belge Aviapartner, actif dans 39 pays, en meilleure forme, qui souffre aussi de la crise. Aviapartner a demandé une assistance financière aux pouvoirs publics pour passer le cap de l’ordre de 15 à 20 millions d’euros. D’autres acteurs du secteur ont reçu des fonds, comme Sabena Aerospace, Sonaca, Asco, généralement sous forme de prêts garantis, parfois de fonds propres.

Thierry Miremont.
Thierry Miremont.© DR

“Les conventions collectives ne permettent pas assez de flexibilité”

L’activité d’assistance au sol pour les vols de passagers est économiquement difficile à Brussels Airport. Y rentabiliser les opérations est particulièrement compliqué. “L’activité connaît des pics et des creux dans la journée, et les conventions collectives ne permettent pas assez de flexibilité“, qui ajoute qu” il faudrait annualiser le temps de travail” dit Thierry Miremont. Il y a deux pics dans la journée, puis une saisonnalité importante. “On a des prix qui ne nous permettent pas d’être rentables, on doit aménager les choses en interne, mais il faut reconnaître que les coûts salariaux en Belgique sont élevés.” D’autant que la part de la main-d’oeuvre “arrive à 75%” des charges.

Il ajoute que le métier n’est pas standardisé entre les compagnies, “ce qui n’a pas aidé.” La manière d’organiser le check-in change d’une compagnie à l’autre. “Avec l’aéroport on devrait imposer une standardisation à tout le monde.”

Thierry Miremont reconnaît que Swissport Belgium avait des soucis propres. Sa situation avait été fragilisée par un contrat historique avec Brussels Airlines, conclu à petit prix. La valse des managers n’a pas favorisé la continuité. “Je suis le 7ème ou le 8ème CEO en quelques années” note Thierry Miermont, lui-même arrivé en avril.

“Tout le monde doit y mettre du sien”

L’annonce de la faillite a abasourdi le personnel.“Quand je l’ai annoncée, on m’a demandé pourquoi ne pas continuer en recourant au chômage temporaire. Mais ça ne règle rien.” Il fallait du financement, et il n’y en avait plus. “Avec les prévisions de redémarrage de l’IATA, qui parlent d’une activité de 40% cette année (vs 2019 ndlr), 65% l’an prochain et 90% en 2022, on ne pouvait pas continuer comme ça.

La crise du coronavirus va obliger à redistribuer les cartes pour tous les secteurs. Chacun doit accepter d’y mettre du sien : clients, sociétés, syndicats, tout le monde.

Curateur cherche repreneur

Le dossier de Swissport Belgium va donc passer entre les mains d’un curateur, qui cherchera un repreneur. Les circonstances actuelles ne sont pas très favorables, avec la chute des voyages aériens, mais il y a une obligation légale de disposer, à Brussels Airport, d’un choix de deux prestataires de handling indépendants. Il y a donc des chances qu’une partie du personnel de Swissport Belgium puisse continuer à travailler à Zaventem, surtout que les vols, encore très peu nombreux, devraient repartir à partir du 15 juin. Brussels Airport espère accueillir 250.000 passagers en juillet (10% de la normale).

Brussels Airlines, de son côté, cherche des solutions pour assurer l’assistance au sol de ses vols qui reprennent le 15 juin, et ne modifie pas ses plans de reprise.

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