Télétravail: stop ou encore?

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Gilles Quoistiaux Journaliste Trends-Tendances

Après un an de télétravail forcé, les collaborateurs aspirent-ils à reprendre le chemin du bureau? Une enquête, présentée en primeur dans “Trends-Tendances”, montre que l’attrait du travail à domicile commence à faiblir.

Depuis le premier confinement, décrété en mars 2020, de nombreux travailleurs belges se sont convertis au télétravail. Parfois de bonne grâce, parfois contraints et forcés, ils ont posé leur PC portable sur la table de la salle à manger… et ils n’ont plus mis les pieds au bureau, sauf en de rares occasions. D’après une enquête du SPF Mobilité et de l’institut Vias publiée en septembre dernier, 22% des actifs belges travaillent à domicile toute la semaine. Avant la crise, à peine 3% d’entre eux étaient en télétravail complet. Mais le travail à domicile concerne encore bien plus de monde: 45% des Belges actifs bossent de chez eux au moins un jour par semaine. C’est deux fois plus qu’en 2019, avant la crise sanitaire.

78%

des travailleurs se sentent plus impliqués lorsqu’ils sont au bureau.

Ce bouleversement est évidemment la conséquence des règles de distanciation sociale et de l’obligation de télétravail qui pèse toujours sur les entreprises où cette forme d’organisation du travail est possible. Le 9 juin prochain, cette obligation pourrait être partiellement levée. Si les chiffres de l’épidémie et de la vaccination le permettent, le retour en présentiel à concurrence d’un jour par semaine sera autorisé, moyennant le respect d’une jauge maximale sur le lieu de travail. A partir du 1er juillet, l’obligation de télétravailler pourrait se transformer en simple recommandation. Les travailleurs sont-ils impatients de reprendre le chemin de leur open space?

Une enquête, présentée en primeur dans Trends-Tendances, tente de répondre à cette question. La start-up eBloom a interrogé un échantillon représentatif de plus de 1.000 travailleurs belges sur leur perception du télétravail et du travail en présentiel. Active dans les ressources humaines, eBloom est spécialisée dans la transmission et le traitement d’informations provenant des membres du personnel: la start-up collecte le feedback sur le ressenti des collaborateurs concernant leur travail dans l’entreprise. Les mêmes questions ont été posées à deux moments clés: au début du premier confinement (avril 2020) et tout récemment (avril 2021), alors que les perspectives de déconfinement se rapprochent. Les répondants ont été confrontés à une quarantaine d’assertions (sur leur stress, leur santé, leur équilibre de vie, leurs performances professionnelles, leur motivation, la qualité de leur environnement de travail, etc.). Pour chacune de ces assertions, les répondants ont marqué leur préférence pour le télétravail ou pour le travail en présentiel. “L’objectif de l’enquête est d’évaluer l’impact d’un an de télétravail sur les collaborateurs: comment le vivent-ils, quelles conséquences cette situation a-t-elle sur leur épanouissement professionnel? L’idée est d’améliorer la compréhension générale du télétravail afin d’aider les employeurs à prendre des décisions éclairées en matière de bien-être au travail”, explique Margot Wuillaume, CEO d’eBloom.

Télétravail: stop ou encore?

La cote du bureau remonte

Premier constat, général: entre 2020 et 2021, les avis favorables au travail à domicile ont chuté tandis que les opinions favorables au bureau ont augmenté ( voir graphique). Les premiers pas dans le télétravail, au moment du premier confinement, se sont visiblement accompagnés d’une surévaluation des bienfaits du travail à domicile. La réalité du télétravail, que certains travailleurs ont vécu comme une contrainte, est moins rose qu’imaginée. “Le curseur s’est déplacé en faveur du bureau. Mais l’évolution n’est pas extrêmement marquée, tempère Margot Wuillaume. Il ne faut pas oublier non plus que l’enquête a été menée pendant une période de homeworking très intense, dans un contexte très particulier de crise sanitaire, qui n’est pas représentatif d’une situation de travail classique.”

Le côté forcé et exclusif du télétravail pendant de longs mois a amené certains travailleurs à faire pencher le balancier en faveur du retour au bureau. La situation inédite, extrême et désocialisante du travail permanent à la maison ne convient pas à grand-monde. A peine 6% des personnes interrogées plébiscitent aujourd’hui le télétravail à temps plein!

Mais il ne faut pas pour autant enterrer le télétravail qui conserve de nombreux atouts aux yeux des travailleurs. L’enquête d’eBloom montre que l’immense majorité des employés est favorable à une pérennisation du travail à domicile. Plus de neuf travailleurs sur dix souhaitent conserver au moins un jour de télétravail. La formule préférée? Pour 40% des actifs, ce serait trois jours au bureau, deux jours à la maison. “La tendance générale va en faveur d’une formule hybride, flexible. Cela permet au collaborateur d’avoir un rythme qui lui convient, qui respecte l’équilibre vie privée-vie professionnelle tout en gardant une connexion et une adhésion à l’entreprise”, explique Margot Wuillaume.

Le meilleur des deux mondes

Les travailleurs sont en fait partagés entre les deux formules de travail qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Ils votent en faveur du domicile pour certains éléments, comme le stress: 46% d’entre eux se sentent moins stressés quand ils sont chez eux, contre 25% quand ils sont au bureau. Ils se sentent plus autonomes à la maison (58%) qu’au bureau (15%). Par contre, le bureau est mis en avant pour l’esprit d’équipe, mieux préservé au bureau (74%) qu’à la maison (5%). Même chose pour l’esprit d’entreprise: 78% des travailleurs se sentent plus impliqués lorsqu’ils sont au bureau. Idem pour la motivation (50% sont plus motivés en présentiel) et même pour la qualité du travail, qui est plus souvent meilleure au bureau (38%) qu’à domicile (29%).

Dernière découverte de l’enquête: la perception du télétravail évolue avec l’âge. Les plus âgés semblent être de plus fervents adeptes du travail à domicile que les plus jeunes. En dessous de 25 ans, deux tiers des travailleurs votent pour le bureau. Passés les 35 ans, l’attrait du bureau se flétrit et tombe sous les 50% d’opinions favorables.

Reste une question: comment le retour progressif des collaborateurs dans les locaux des entreprises sera-t-il perçu par les équipes? Confrontés à nouveau au travail de bureau et à ses inévitables contraintes, les travailleurs vont-ils à nouveau faire pencher le balancier dans l’autre sens? Il faudra une nouvelle enquête, dans un an, pour le savoir.

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