Sylvianne Portugaels (CHR de la Citadelle à Liège): “Nos équipes se sont surpassées”

© MICHEL HOUET

En première ligne depuis le début de la crise sanitaire, les hôpitaux ont répondu présent. Nous avons recueilli le témoignage de trois d’entre eux : le CHR de la Citadelle à Liège, le Grand Hôpital de Charleroi et le CHU Namur. Première étape, Liège, avec Sylvianne Portugaels, directrice générale du CHR de la Citadelle.

Fin 2019, l’assemblée générale du Centre hospitalier régional de la Citadelle valide son plan stratégique 2020-2025. Un plan qui intègre les défis notamment environnementaux que devra relever l’hôpital dans les années à venir afin de garantir et améliorer les soins de santé de la population. A cette heure, on ne parle pas encore du Covid-19 mais grâce à la réflexion qui a prévalu en amont de l’hôpital public liégeois, quand la crise a éclaté, le personnel du CHR a pu déjà appliquer certains axes stratégiques de ce plan. Notamment l’expérience ” patients usagers ” qui a pour objectif de développer une meilleure adéquation entre l’expérience attendue par le patient et celle délivrée par l’hôpital. ” Nos équipes ont fait preuve d’énormément de créativité afin de répondre à cette crise sanitaire, souligne Sylvianne Portugaels, directrice générale. Elles se sont surpassées et ont maintenu ce rythme et leur engagement dans la durée. Elles continuent à le faire aujourd’hui. ” Parmi les multiples initiatives prises au sein du CHR, la directrice générale donne trois exemples : le Labo Cita Drive, la conciergerie et le Smug.

Sylvianne Portugaels (CHR de la Citadelle à Liège):
© MICHEL HOUET

Rapprocher les patients de leur famille

Situé dans le parking souterrain, le Labo Cita Drive est un centre de dépistage mis en place par le CHR début mars. Il est destiné à tester son personnel soignant ainsi que celui d’autres hôpitaux et maisons de repos. ” Nous avons procédé à des tests et continuons de le faire pour des personnes de la province de Liège mais également provenant d’ailleurs, précise Sylvianne Portugaels. Ce système innovant permet de se faire dépister depuis sa voiture sans en descendre, réduisant ainsi le risque de contamination et le temps d’attente. Les analyses sont réalisées en interne et les résultats sont connus dans les heures qui suivent. Cela permet, en cas de contamination avérée, d’écarter les sujets à risque. ”

Ensuite, dans la foulée, le CHR a également mis en place une conciergerie. Avec le confinement, les visites aux patients ont été interdites dans les hôpitaux. C’est vrai non seulement pour les patients Covid-19 mais également pour ceux soignés à l’hôpital et dont le traitement ne pouvait pas être interrompu, et les patients amenés aux urgences pour d’autres pathologies que le Covid-19 (même si leur nombre a fondu de manière spectaculaire par rapport à la normale). Cette conciergerie a trouvé sa place au sein de ” La Petite Maison “, un espace santé et bien-être pour les patients atteints d’un cancer, qui propose habituellement des soins esthétiques, un accompagnement psychologique, des activités ludiques et artistiques, etc. ” Nous avons rapidement donné à ce lieu, qui est le siège de notre fondation, une nouvelle affectation, enchaîne Sylvianne Portugaels. Les proches des patients hospitalisés peuvent y déposer des colis (un dépôt par jour et par patient), de la taille d’une boîte à chaussure, qui seront confinés 24 heures avant d’être donnés aux patients. Par ailleurs, ils ont aussi la possibilité de se faire photographier grâce à un photomaton et ainsi ajouter la photo à leur colis. Dès le début de cette crise, notre personnel a été très ému par ces familles. Cette conciergerie leur apporte un soutien. Par ailleurs, nous avons également mis à disposition des patients des tablettes afin de leur permettre de communiquer avec leurs proches. Pour les personnes plus âgées, des téléphones ont également été mis à disposition. Enfin, il est possible qu’un membre de la famille puisse venir pour accompagner un patient en fin de vie. La situation actuelle est très dure émotionnellement pour les familles ainsi que pour le personnel soignant. ”

Sylvianne Portugaels, directrice générale du CHR de la Citadelle
Sylvianne Portugaels, directrice générale du CHR de la Citadelle ” Il y a quelque 200 métiers différents au sein de l’hôpital. Et dans cette crise, chacun a apporté sa pierre à l’édifice. “© MICHEL HOUET

Un nouveau service : le Smug

Enfin, devant les difficultés que rencontrent de nombreuses maisons de repos, qui concentrent une large part des décès attribués à cette pandémie, le CHR a lancé un service d’urgence qui leur est spécifiquement dédié : le Smug, pour service médical d’urgence gériatrique. ” Ce service a pour but de répondre à la détresse du personnel des maisons de repos et des résidents, explique la directrice générale. Nous avons décidé de les aider en mettant en place ce service avec une équipe d’intervention qui, outre un infirmier et un médecin urgentiste, comprend un gériatre. La maison de repos appelle le 112 et si cela concerne un malade du Covid-19, l’appel est orienté vers le Smug. Une équipe se rend alors sur place et évalue la situation avec le médecin coordinateur de la maison de repos afin de voir si le malade doit être hospitalisé. Nous proposons aussi un diagnostic d’ensemble de la maison de repos. Le but est de lui apporter notre aide et notre expertise. ” Ce service, qui est une première en Belgique, a été lancé il y a deux semaines.

Sylvianne Portugaels (CHR de la Citadelle à Liège):

Mais outre les maisons de repos, l’hôpital s’inquiète également des patients qui, depuis le début du confinement, ne se rendent plus à l’hôpital alors que leur état le nécessite. ” Par rapport à un mois d’avril classique, nous avons beaucoup moins de lits occupés, confirme la directrice générale. Il en y a actuellement entre 350 et 400 dont 120 pour le Covid-19, contre 650 à 700 habituellement. Nombre de patients n’osent pas venir à cause du Covid-19. Mais j’insiste sur le fait que ceux qui le nécessitent le peuvent et doivent le faire, par exemple les personnes qui souffrent de problèmes en cardiologie ou néphrologie. Je songe aussi aux enfants qui doivent être vaccinés. Je tiens à rassurer tout le monde, les trajets de soins sont bien séparés et ne se croisent pas. ”

Tous investis

Face à cette crise inédite et exceptionnelle à laquelle l’hôpital a dû faire face, Sylvianne Portugaels insiste sur le dévouement dont a fait preuve le personnel depuis le début, quelle que soit la fonction qu’il occupe au sein de l’institution. ” Il y a quelque 200 métiers différents au sein du CHR et chacun a apporté sa pierre à l’édifice : un ergothérapeute s’est transformé en brancardier, un chef ophtalmo a intégré la salle Covid, des gens de radiologie ont encodé des dossiers et je peux multiplier les exemples à l’envi. ”

Et de conclure en rappelant et en mettant en avant les valeurs de l’hôpital qu’elle dirige qui sont symbolisés par l’acronyme Care (” soin ” en anglais). ” C pour la créativité collaborative ; nous l’avons démontré avec la mise en place du Smug. A pour acteurs positifs ; nous engageons notre expertise et notre enthousiasme au service de la santé des patients. R pour respect 360° mais aussi pour la réactivité et la réorganisation, à tous les niveaux. Et E pour excellence mais également émotion, extraordinaire et ensemble. ”

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