Sander van der Laan, CEO du discounter Action: “Il y a encore des possibilités de croissance en Belgique”

Sander van der Laan "Que l'économie se porte bien ou mal, nous avons toujours été dans un business en croissance." © belgaimage
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Effets de la crise, qualité des produits, e-commerce, ambitions en Belgique et en Europe, etc. Entretien exclusif avec le grand patron du discounter qui fait trembler le monde du “retail”.

Le Néerlandais Sander van der Laan est à la tête du discounter Action depuis 2015. Alors que sa chaîne connaît une croissance fulgurante et ne cesse d’ouvrir de nouveaux points de vente, il a accepté de revenir, en exclusivité pour Trends- Tendances, sur les défis qui attendent son groupe.

TRENDS-TENDANCES. Quels ont été les effets de la crise sur votre business?

SANDER VAN DER LAAN. Il a été significatif, particulièrement lors du premier confinement. Nous avons dû fermer 900 magasins en quelques semaines. Dans la seconde phase de la crise, à l’été 2020, nous avons connu une très forte reprise. Tous nos magasins ont pu rouvrir. Mais lors du deuxième confinement, la situation a été quelque peu différente. Dans la plupart des cas, nous n’avons plus été obligés de fermer complètement. Nous étions autorisés à faire du click & collect et à vendre en magasin nos catégories de produits jugés “essentiels”. Nous avons donc été capables de maintenir nos ventes d’une bien meilleure manière.

Il est temps de nous rapprocher des centres-villes. Nous voulons être là où les clients se trouvent.

Comment les affaires ont-elles redémarré depuis la réouverture complète?

Le terme “redémarré” n’est pas le plus adéquat. Dans la plupart des pays où nous sommes présents, nos magasins avaient déjà rouvert d’une manière ou d’une autre. Depuis la levée de la plupart des restrictions, nos ventes se portent très bien.

Diriez-vous que la crise que nous traversons est une période propice pour une enseigne comme la vôtre?

Depuis la création d’Action en 1993, nous avons connu une croissance chaque année. Pas seulement en ouvrant de nouveaux magasins, mais en augmentant le trafic dans nos points de vente existants. Que l’économie se porte bien ou mal, nous avons donc toujours été dans un business en croissance. Je pense que nous traversons correctement la crise actuelle. Mais dire que nous en profitons ne serait pas correct. Je n’aime pas ce mot. Je dirais plutôt que nous sommes bien positionnés.

La baisse de pouvoir d’achat d’une frange de la population est tout de même une opportunité pour vous, non?

Il est vrai qu’il y a une énorme demande. Plusieurs entreprises, dont Action, en bénéficient.

Vos prix planchers sont-ils compatibles avec la qualité?

Nous voulons offrir une bonne qualité, ou en tout cas une juste qualité, à très bas prix. Nous pensons que c’est tout à fait possible. Nous achetons des volumes très importants, ce qui génère une grande efficacité dans la chaîne logistique. Par ailleurs, nos marges sont relativement faibles par rapport à celles de nos concurrents. Nous pouvons nous le permettre car nous disposons d’une structure peu coûteuse. Nous ne louons pas les emplacements les plus onéreux, nous ne dépensons pas énormément d’argent en publicité, etc.

Vous ne livrez pas à domicile non plus. Le fait de ne pas disposer d’un site d’e-commerce n’est-il pas pénalisant?

Il est vrai que nous n’avons pas de webstore, mais notre groupe est très actif en ligne. En moyenne, chaque semaine, 7 à 8 millions de clients visitent notre site. Environ 11 millions de personnes visitent nos magasins, mais notre trafic en ligne augmente rapidement. L’un des points positifs de la crise est qu’elle a permis à notre entreprise de lancer de nouvelles initiatives pour digitaliser notre business. Nous avons été très actifs avec le click & collect et le shopping sur rendez-vous. Cela nous a aidés à stabiliser une partie de nos ventes. Par ailleurs, nous venons de lancer une webshop aux Pays-Bas. Nous y proposons cinq articles par semaine. Des articles différents de ceux proposés en magasin et qui ont également un niveau de prix différent. Alors que le prix moyen en magasin est de 1,75 euro, nous sommes à 20, 30, 40 ou 50 euros pour ces articles. Il s’agit d’un projet pilote que nous évaluerons pour la fin de l’année.

Comptez-vous lancer un jour un “webshop” complet?

Si vous me demandez si nous avons l’intention de vendre tout notre assortiment en ligne, la réponse est non. Ce n’est en tout cas pas dans nos plans pour l’instant. Nous pensons qu’il est plus judicieux de proposer un assortiment complémentaire à celui des magasins.

Si l’initiative néerlandaise porte ses fruits, pourrait-elle être étendue?

Rien n’est encore décidé. Elle vient d’être lancée et nous devons d’abord l’évaluer. Parallèlement, nous sommes très occupés à étendre notre business en ouvrant de nouveaux magasins. Nous avons l’intention d’inaugurer 300 nouveaux points de vente dans neuf pays cette année. Nous sommes donc concentrés sur cette stratégie.

Quelles sont vos ambitions en termes de nombre de magasins?

Nous sommes aujourd’hui présents dans neuf pays européens. En raison de la crise, nous avons dû retarder notre entrée en République tchèque ainsi que dans le nord de l’Italie mais désormais, nous y sommes. Et en début d’année prochaine, nous allons ouvrir notre premier magasin en Espagne, en Catalogne. C’est donc dans ces pays que nous comptons ouvrir le plus de points de vente dans le futur. Parallèlement, nous ouvrons un centre de distribution à Bratislava, en Slovaquie. Il fournira nos magasins autrichiens et tchèques.

Et en Belgique?

Nous comptons à ce jours 198 points de vente dans le pays, et nous allons y ouvrir notre 200e magasin cette année. Il y a encore des possibilités de croissance en Belgique. Nous avons commencé à nous focaliser un peu plus sur les grandes villes, particulièrement sur Anvers, Bruxelles, et Charleroi. Plus récemment, nous avons aussi commencé à ouvrir des magasins dans les centres commerciaux, ce que nous nous n’aurions pas fait il y a 10 ans. Les centres commerciaux ne nous auraient d’ailleurs pas pris en compte.

Les centres-villes, les centres commerciaux…, est-ce un changement fondamental de stratégie ou s’agit-il essentiellement d’opportunités?

Nous voulons être là où les clients se trouvent. La Région bruxelloise est composée de plusieurs communes et nous souhaitons disposer d’un magasin dans chacune d’elles. Il est clair que cela se révèle plus coûteux et plus compliqué d’un point de vue logistique. Mais comme nous disposons déjà de 200 magasins, il est temps de nous rapprocher des centres-villes si nous voulons en rajouter quelques-uns.

Comment gérer le prix des loyers?

Dans ces emplacements, les loyers ont baissé de manière très rapide. Je peux vous dire que nous négocions des tarifs très compétitifs. Il est important que ce soit de bons deals.

Action est la propriété du fonds d’investissement britannique 3i. Contrairement à ce que l’on pourrait parfois attendre d’un fond de “private equity”, celui-ci semble privilégier une stratégie de long terme. Est-ce parce que votre chaîne est pour lui une véritable machine à cash?

3i a investi dans Action il y a 10 ans. Et jusqu’à présent, nous sommes son investissement qui connaît le plus de succès. Il s’agit effectivement d’un investissement de long terme, le fonds n’a absolument pas l’intention de vendre dans un futur proche. L’an dernier, il a même acheté davantage de parts dans la chaîne. Il soutient à 100% notre stratégie d’expansion. Tous les investissements que nous avons proposés à notre board ces 10 dernières années – un board dominé par des membres de 3i – ont été approuvés. Il est vrai que nous générons de l’argent, et nous avons été capables de verser des dividendes à nos actionnaires. Mais 3i a en réalité réinvesti une part significative de ces dividendes dans le rachat de parts supplémentaires. La valeur de la société a énormément augmenté depuis 2011. Il ne s’agit donc pas uniquement de cash et de dividendes. Il est question de création de valeur sur le long terme.

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