Salons de tatouages: “Nous ne sommes pas indispensables sauf pour payer des taxes”

L'équipe de Meritus Tattoo à Waremme. © Meritus Tattoo

Les métiers de contacts doivent refermer boutique pour 4 semaines, telle est la décision du Comité de concertation. Une décision qui ne fait pas l’unanimité et qui ne suscite que l’incompréhension, tant ces métiers ont investi du temps et de l’argent pour garantir la sécurité de leurs clients.

Une incompréhension encore plus grande chez les tatoueurs. Interview de Shao Ki, tatoueur et propriétaire du Meritus Tattoo à Waremme.

En effet, les mesures d’hygiène qu’ils s’imposent et qui leur sont imposées sont parmi les plus draconiennes et fort semblables aux précautions prises dans le milieu médical. De plus, aucune étude n’indique à l’heure actuelle que les salons de tatouages et de piercing soient des lieux de contaminations

Dans le cas de votre secteur d’activité, comprenez-vous cette décision de refermer à nouveau ?

On a un gros sentiment d’injustice ! Je sais bien que le politique doit composer avec les chiffres de l’épidémie, mais une fois ils disent oui, puis non, et au final il ne se passe pas grand-chose…

Un sentiment d’injustice car nous n’avons pas compris pourquoi les coiffeurs pouvaient rouvrir et pas nous. Alors qu’en termes de risque de contamination, un grand salon de coiffure peut faire au moins 60 clients par jour. Nous on est quatre à travailler et une grosse journée, c’est maximum 10 personnes ! Mais nous avons accepté que les coiffeurs rouvrent mi-février avant nous, en nous disant que cela sera un test. Ce que je ne comprends pas, c’est le fait qu’ils mettent tout le monde (kinés, esthéticiennes, coiffeurs, tatoueurs, …) dans le même panier alors que les conditions de travail ne sont pas du tout les mêmes ! Nous ne sommes pas indispensables sauf pour payer des taxes et l’ONSS…

Nous, on était super heureux de reprendre le boulot début mars après quatre mois d’inactivité forcée. Et puis on nous annonce qu’on doit refermer après seulement trois semaines… On a vraiment le sentiment qu’on est juste bon à payer ! Et ce qui m’énerve, c’est que ceux qui travaillent au black continuent, eux. En attendant, moi je paye un loyer pour un magasin qui est vide…

Les éventuelles contaminations dans votre profession justifient-elles ces mesures ?

Je voulais me faire tester, mais sans symptôme c’est souvent refusé, j’ai dû insister. Comme je suis négatif, je ne comprends pas que je ne peux plus travailler. Le magasin est grand, nous travaillons à quatre mais avec des espaces cloisonnés, chacun le sien. Les conditions d’hygiène recommandées pour la réouverture des métiers de contact, on les appliquait déjà bien avant. Il n’y a pas de clusters chez nous, on a toujours travaillé dans des conditions “médicales”. Et c’est ce qui est frustrant : les kinés peuvent par exemple travailler mais nous pas, alors que toutes les précautions sont prises et que ce sont les mêmes pour ainsi dire.

Cela fait longtemps qu’on travaille dans des conditions médicales, en terme d’hygiène, de désinfection. Or, le prix de tous ces produits (gants, masques, désinfectant, …) a grimpé en flèche avec le confinement et les mesures imposées à tous les métiers de contact. Pour nous, c’est une grande partie de notre matière première, de notre “outil” de travail. Hors de question de travailler sans!

Les mesures financières de soutien aident-elles vraiment?

Je ne suis pas le plus à plaindre, même si j’ai toujours un loyer à payer pour le shop, les taxes etc. Dans mon cas, le double droit passerelle a bien limité les dégâts. Seulement, on ne sait pas comment on sera mangé pour les impôts… Mon comptable m’a dit de mettre directement un tiers de côté afin d’éviter les mauvaises surprises. Mais pourquoi ne pas ponctionner à la base la partie pour les impôts ? Cela serait plus facile si on avait un montant net pour s’organiser ? Mais dans mon cas, je ne suis pas à plaindre, il y a eu un suivi, même si cela a pris du temps, on a été soutenu. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde…

Quelles mesures supplémentaires pourraient être prises ?

Ce qui est vraiment dommage dans notre profession c’est qu’on n’a ni syndicat, ni rien. Comme je l’ai déjà dit on est tous mis dans le même panier, mais il n’y a pas de reconnaissance de la profession proprement dite. On est contrôlé, on doit rendre des comptes mais on n’est absolument pas considéré ! A cause de cela, la moitié des tatoueurs travaillent au black, pas toujours dans de bonnes conditions, pas toujours correctement. Nous, on a pignon sur rue, on est quatre tatoueurs déclarés à travailler, et toutes les semaines on doit faire des recouvrements pour corriger les erreurs des autres. Tant qu’il n’y aura pas une reconnaissance de la profession, ce n’est pas près de s’arrêter. Ce manque de considération est décourageant.

Pensez-vous que les tests rapides pourraient être une solution ?

Oui, je pense que les tests salivaires rapides pourraient être une solution, mais à condition que leur résultat soit fiable. Or cela ne semble pas toujours le cas… Mon but est qu’on arrête la propagation de ce virus et que les contaminations ne soient pas chez moi. Alors si les tests rapides peuvent contribuer à cela, pour moi c’est oui.

J’ai des clients de toutes les professions, et tous sont dépités. Je comprends que les gens en ont marre. C’est tout ce système qui est à revoir…

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