Ronnie Leten: “Je ne vois pas ce que j’aimerais faire d’autre”

Ronnie Leten © Belga

Bientôt ex-CEO d’Atlas Copco, Ronnie Leten s’est trouvé aux avant-postes pour la défense de l’industrie dans notre pays. Cela lui avait valu le titre de Manager de l’Année 2013, décerné par nos confrères de “Trends”. Revoici un portrait réalisé pour l’occasion en janvier 2014.

“Je veux être interactif. Lorsqu’on vit dans une tour d’ivoire, on ne sait rien”, a déclaré Ronnie Leten à l’occasion d’une visite au site d’Atlas Copco à Wilrijk (Anvers). Cette attitude a des conséquences ; cet économiste de 56 ans, basé à Stockholm, est accaparé en permanence. Ronnie Leten a un faible pour Wilrijk, on le comprend. Avec plus de 2.700 collaborateurs, c’est le quartier général mondial et la plus grande entité de production de la division Compressor technique, le principal pôle d’activité du groupe suédois. Entré chez Atlas Copco en 1985, Ronnie Leten a dirigé ce département avant d’être promu CEO du groupe, à la mi-2009.

Atlas Copco emploie quelque 40.000 collaborateurs de par le monde. En 2012, le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 10,5 milliards d’euros. Ronnie Leten est ainsi l’un des rares Belges à la tête d’une entreprise mondiale. Ce Limbourgeois espère y rester longtemps. “Je ne suis pas encore fatigué et je m’amuse. Et je ne vois pas ce que j’aimerais faire d’autre (il rit).”

De la souplesse et du ressort

Chaque année, Atlas Copco procède à une série de reprises. Déjà 10 cette année. “Nous voulons être leader du marché dans tous les secteurs où nous sommes actifs. Dans la plupart des cas, nous le sommes”, précise Ronnie Leten. Cet été, il a décaissé 1,2 milliard d’euros pour empocher le groupe britannique Edwards, sa principale reprise à ce jour. Ce spécialiste des technologies du vide conçoit des systèmes destinés à maintenir les environnements de production hors poussières. Ronnie Leten, qui lorgnait Edwards depuis déjà longtemps, a sacrifié ses vacances annuelles pour finaliser l’accord. “Avec la reprise d’Edwards, 2013 n’a pas été une année de transition, mais au contraire le point de départ du développement d’un nouveau pôle pour Atlas Copco. C’est une belle plume à notre chapeau, déclare Ronnie Leten. Nous disons rarement nous-mêmes que c’est bien. Ce n’est pas dans notre culture. Il y a toujours moyen de mieux faire.”

Ronnie Leten a la réputation d’être modeste, mais pas lorsqu’il évoque le potentiel de son entreprise. “Nous n’avons toujours pas 100 % de part de marché ! Il y a encore tant d’opportunités. Je suis heureux mais pas rassasié. Si mon caractère impatient occasionne des problèmes ? Je dois juste faire attention à ne pas rendre fous les gens qui travaillent avec moi.”

Mais même en comptant la reprise d’Edwards, 2013 a été une année difficile. “Cette année, l’industrie minière a reculé. Nous avons dû prendre des mesures, déclare Ronnie Leten, sans préciser davantage. Mais nous sommes en phase avec notre objectif : une croissance moyenne de 8 % de notre chiffre d’affaires. A long terme, je ne vois pas de problème. Cela montre la souplesse et le ressort de notre organisation. Nous nous adaptons rapidement.”

Innovation, production, compétitivité

Ronnie Leten utilise de plus en plus sa position de premier plan comme un levier pour jouer un rôle pionnier dans l’industrie de notre pays. Aussi parce qu’Atlas Copco ne peut que s’en porter mieux.

“Nous autres, industriels, sommes contraints de prouver que l’industrie a une importance capitale pour la Flandre et la Belgique. N’oubliez pas qu’un emploi dans l’industrie en crée deux dans les services. Un poste de travail qui disparaît dans l’industrie signifie donc la perte de trois emplois. A nous donc de nous montrer compétitifs. Sur ce point, je crois beaucoup au triangle d’or : innovation, production, compétitivité. Sans production, il n’y a pas d’innovation durable. Mais il est impossible de produire dans un environnement non concurrentiel. C’est pour cela que je me bats. Je suis responsable de 3.200 ménages en Belgique. Le pays est pour Atlas Copco une entité cruciale. Plus qu’une usine, c’est l’université de l’air comprimé.

En Belgique, les gens ne se rendent pas vraiment compte de la connaissance que nous avons accumulée.”

Changements structurels

“Il est difficile de préserver la compétitivité de cette usine. Pas seulement pour les coûts salariaux, mais également pour la politique en matière de permis et le cadre logistique.” Ronnie Leten mentionne explicitement les problèmes de mobilité. “Si mes collaborateurs de Wilrijk sont assaillis de problèmes logistiques, ils ne font pas leur vrai travail. Il est possible de faire autrement. Je le vois tous les jours en Suède. Les entreprises comme les pouvoirs publics doivent rechercher l’efficience pour améliorer notre compétitivité, analyse le patron. Pas une réglementation complexe à laquelle personne ne comprend rien et assortie de centaines d’exceptions. Heureusement, un consensus est en train d’apparaître dans les partis politiques. La compétitivité n’est plus un gros mot. Hélas, l’an prochain, il y a des élections. Cela provoquera, une nouvelle fois, le ralentissement de l’amélioration de notre compétitivité. Mais bon, mon regard est tourné vers l’avant. Cela n’a pas de sens de parler de choses qu’il aurait fallu faire il y a 10 ans. Mais nous devons procéder à des changements structurels, car le monde a sérieusement changé.”

Ronnie Leten recommande aux pouvoirs publics de communiquer avec une plus grande clarté. “Diriger exige de la transparence. Ici, on joue à des petits jeux. L’un veut augmenter la TVA et l’autre la baisser. Comment pouvez-vous emporter l’adhésion d’une population dans une confusion pareille ?”

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