Pourquoi le “Blue Monday” est une belle arnaque

Ce lundi 15 janvier est qualifié de “jour le plus déprimant de l’année”. Ce qui ne serait, au final, qu’une supercherie marketing. Explications.

Chaque année, le 3e lundi du mois de janvier est estampillé de “Blue Monday”, soit le jour “le plus déprimant” de l’année. Il ferait sombrer dans une déprime pas toujours justifiée de nombreux employés de bureau.

Historiquement, le “Blue Monday” est né au milieu des années 2000. La désignation de cette date comme étant le jour “le plus morose de l’année” est censée être fondée sur une équation complexe basée sur des facteurs subjectifs, retrace le journal français Les Echos. Présentée sous la forme d’une formule mathématique alambiquée, elle tient notamment compte du manque de lumière, de la météo, du blues associé à la fin de la période des fêtes de fin d’année, ou encore de la pression suscitée par les bonnes résolutions souvent intenables. A l’heure actuelle, aucune étude sérieuse n’est venue confirmer ou infirmer le fait que ce jour précis de l’année serait le plus déprimant.

Pourquoi le
© PG

Car, derrière le concept inventé de toutes pièces, on retrouve surtout des motivations commerciales. Ainsi, comme le rappelle le quotidien Les Echos, Cliff Arnall, l’homme qui aurait mis au point le concept de “Blue Monday” en 2005 fut un temps présenté comme psychologue à l’université de Cardiff. En réalité, il n’a jamais publié de recherches, et aurait prêté son nom à une agence de relations publiques qui travaillait pour le compte de l’agence de voyages britannique Sky Travel. Il est revenu en 2018 sur l’invention du “Blue Monday”, en expliquant qu’on lui avait demandé de déterminer la période de l’année à laquelle les consommateurs étaient le plus susceptibles de se pencher sur la réservation de leurs prochaines vacances. En résumé, faire croire aux individus que cette journée sera particulièrement morose peut générer un tel sentiment et les pousser à chercher à s’en échapper, en organisant, entre autres, leurs prochaines vacances.

Réservation de voyage et dépenses compulsives

Le “Blue Monday”, encouragerait ainsi aux dépenses compulsives. Selon une étude conduite par l’institut britannique Money and Mental Health Institute, sur 5 500 personnes souffrant de troubles mentaux, 9 personnes sur 10 dépensent en effet plus d’argent lorsqu’elles ne se sentent pas bien.

Notons encore pour la petite anecdote que ce même professeur a aussi découvert le jour le plus heureux de l’année”. Il s’agirait du troisième vendredi de juin. Sauf que cette fois l’étude lui avait été commandée par… une marque de glace, rapporte La Voix du Nord.

Des psychologues reprochent au Blue Monday de venir renforcer cette morosité déjà ancrée dans la société. D’autres psychologues lui reprochent de minimiser les effets de la véritable dépression, en sous-entendant qu’elle peut être liée à des causes conjoncturelles et passagères, alors qu’il s’agit en réalité d’un état clinique à prendre en charge de manière durable et sérieuse.

“Ce genre de calculs menace la compréhension que le public a de la science et de la psychologie. C’est également irrespectueux envers les personnes qui souffrent de vraie dépression, car cela sous-entend qu’il s’agit d’une expérience temporaire et mineure, dont tout le monde souffre”, avertit le chercheur en neurosciences Dean Burnett dans The Guardian

Méthode Coué

Il s’avère cependant que le concept fonctionne telle la méthode Coué. La “sagesse populaire” adore y adhérer. La Libre relaie à ce sujet une étude du psychologue Nicolas Pinon, chargé de cours à l’UCLouvain. Une véritable étude sociologique menée sur une cohorte impressionnante de 340 000 Américains en 2012 s’est attachée à corréler jour de la semaine et humeur. Il en ressort que le vendredi est véritablement un jour où l’humeur (ou le moral) est boostée par l’arrivée du week-end, et ce chez les femmes comme chez les hommes et les actifs, les jeunes comme les retraités , détaille le chercheur. En revanche, du lundi au jeudi, l’humeur ne varie pas : “Les résultats ont rapporté une fluctuation égale de l’humeur, positive ou négative et une perte de plaisir globale ces 4 jours-là. “

En conclusion, aucune raison de se laisser vaincre par la morosité en ce lundi. Et que les lecteurs au petit moral se rassurent : dès que ce jour “maudit” sera passé, tout ne peut qu’aller mieux en 2024…

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