Les vélos Cowboy veulent (vite) monter en puissance

A la faveur d’une levée de fonds à 80 millions de dollars, la scale-up bruxelloise refait parler d’elle. Entre les observateurs admiratifs et les sceptiques, la jeune pousse ne laisse pas indifférent. En quelques années, Cowboy a déjà réalisé un beau parcours. Mais l’aventure ne fait que commencer.

C’est au buzz qu’accompagne chacune de ses annonces que l’on voit combien Cowboy, la start-up bruxelloise de vélos électriques connectés, compte parmi les start-up en vue de sa génération. Sa récente levée de fonds à 80 millions de dollars a ainsi fait l’objet d’une large couverture médiatique scrupuleusement organisée: la presse européenne avait été mise au courant mais l’information était sous embargo afin que la nouvelle paraisse en même temps et crée le momentum. Et à part le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung qui a grillé cet embargo, l’opération s’est plutôt bien déroulée, tant en Belgique où toute la presse a relayé l’information en temps voulu qu’avec des médias français comme Les Echos, BFM TV, Le Figaro ou encore la référence numérique TechCrunch.

Une scale-up qui passionne

Il faut dire que la marque lancée en 2017 passionne le microcosme. Surtout en Belgique, où la firme est née. D’abord parce que son produit, un vélo connecté et électrique, est dans l’air du temps et qu’il se démarque de ses concurrents. Ensuite parce que les trois fondateurs n’en sont pas à leur coup d’essai et ont été très en vue dans l’écosystème des start-up avec leurs précédents projets (Djump, Take Eat Easy, etc.) lancés sur le créneau “polémique” de l’économie collaborative. Enfin parce que le projet de Cowboy compte parmi les plus ambitieux du moment: arriver à imposer une nouvelle marque et un produit physique dans un segment où la concurrence est forte. Et ce de manière globale, donc pas seulement en Belgique.

ADRIEN ROOSE (CEO)
ADRIEN ROOSE (CEO)© PG
Notre but consiste à devenir un acteur global.” – ADRIEN ROOSE (CEO)

Et force est de constater que le trajet des fondateurs a, jusqu’ici, de quoi étonner. Sans avoir l’expérience du développement d’un produit physique et sans maîtrise particulière du marché de la bicyclette, Adrien Roose, Tanguy Goretti et Karim Slaoui, les fondateurs, sont parvenus en un temps record (un an et demi) à créer un vélo au design spécifique dont des pièces majeures sont dessinées en interne (alors que beaucoup de vélos sont des assemblages d’éléments conçus par de grands constructeurs comme Bosch), et d’innover grâce à un écosystème propre, confirmant leur positionnement “d’Apple du vélo” ( lire l’encadré). Le tout en imposant un business model atypique: vente en direct au travers de leur site web essentiellement, sans passer par un réseau de revendeurs.

20.000 vélos vendus en 2021?

Et leur approche semble plaire. D’un côté, le vélo aligne quelques belles récompenses puisqu’il a notamment été lauréat de l’Eurobike en 2017 et qu’il a obtenu des prix aux Red Dot Design Awards en 2018, 2019 et 2021. D’un autre, le vélo Cowboy semble séduire toujours plus d’acheteurs, même si les responsables se montrent hyper-discrets sur les chiffres et se taisent dans toutes les langues quand on leur demande le nombre de vélos écoulés. Sur base des informations dont nous disposons, on peut néanmoins estimer le nombre de Cowboy vendus en 2021 à environ 20.000 exemplaires, ce qui semble cohérent par rapport à l’ambition (discrètement affichée) d’atteindre les 100.000 utilisateurs d’ici 2023, les volumes devant doubler chaque année. Face à ce chiffre, Adrien Roose, le CEO, se contente d’un “no comment”. Reste à comparer cette estimation au marché du vélo électrique en Europe qui aurait enregistré une croissance de plus de 40% pour atteindre en 2020, le nombre de 22 millions d’unités vendues… La part de marché de Cowboy serait donc infime à ce stade… même si elle n’en est qu’au début de son parcours, son premier modèle n’ayant été commercialisé qu’en 2018.

Cowboy ne dévoile par ailleurs pas non plus son chiffre d’affaires, mais à un prix compris entre 2.000 et 2.500 euros le vélo connecté, les revenus de la scale-up bruxelloise pourraient tourner autour de 40 millions d’euros. Un autre chiffre qui restera sans confirmation officielle…

Un modèle intensif en cash

Cela n’empêche pas l’entreprise d’être confrontée à son quota de sceptiques. “La firme brûle des millions chaque mois”, croit savoir ce responsable de start-up toujours très au fait de l’actu de l’écosystème. L’analyse des bilans de Cowboy ces dernières années laisse également perplexe Pascal Flisch, qui dirige la recherche chez Trends Business Information: “Les chiffres 2021 ne sont pas encore disponibles mais on sait que le résultat opérationnel s’enfonce chaque année, observe le spécialiste. Cowboy a perdu presque 25 millions d’euros en quatre ans dans des circonstances de marché pourtant favorables et perdait un million d’euros par mois en 2020.” Et de parier que durant l’année 2021 (dont les chiffres seront publiés plus tard cette année), la scale-up “n’aura fait qu’agrandir le trou et brûlé les moyens disponibles”. Ce que confirme la récente levée de fonds de 80 millions de dollars, portant à 120 millions le total du cash obtenu par Cowboy.

ECOSYSTÈME L'appli développée en interne dispose de nombreuses fonctionnalités: alerte vol, traçage, détection de chute, statistiques, itinéraires, etc.
ECOSYSTÈME L’appli développée en interne dispose de nombreuses fonctionnalités: alerte vol, traçage, détection de chute, statistiques, itinéraires, etc.

Cela n’a toutefois rien de très surprenant: la firme bruxelloise voit grand, très grand, et ne se contente pas d’un développement local. “Notre but consiste à devenir un acteur global, atteste Adrien Roose. Cowboy a toutes les cartes pour être l’une des entreprises les plus importantes de ce secteur en pleine croissance.” Depuis son bureau de Bruxelles, fort d’une centaine de personnes, elle pilote actuellement des ventes dans pas moins de 12 marchés, dont l’Allemagne, la France, le nord de l’Europe et, depuis fin 2021, les Etats-Unis. Parmi les priorités de Cowboy: l’intensification des ventes sur ces marchés et l’augmentation de la renommée de la marque. Mais aussi une meilleure maîtrise de la production chez ses partenaires. Ces derniers temps, comme la plupart des fabricants du monde, les retards ont été nombreux. “On veut renforcer nos compétences en termes de manufacture, de chaîne d’approvisionnement et de production, précise le CEO de Cowboy. Le monde a changé ces deux dernières années: alors qu’on parlait de production just in time, il faut à présent passer commande jusqu’à deux ans à l’avance. Nous devons nous assurer de nouer les meilleures relations possibles avec les fournisseurs.”

Contraintes

Les investisseurs y croient. Et pas des moindres: Exor (le fonds de la famille Agnelli), HCVC, Siam Capital, Tiger Global, Index Ventures, notamment. Pour cet expert du secteur du vélo électrique, rien d’étonnant à ce que Cowboy séduise: “En quelques années seulement, la start-up est parvenue à mettre au point un engin très qualitatif qui n’a rien à envier à Angell ou VanMoof, deux de ses concurrents. Grâce à l’augmentation de ses ventes, Cowboy (qui propose encore peu de modèles) est de plus en plus en mesure de bénéficier d’un effet d’échelle (minime pour le moment), d’améliorer la qualité de ses pièces et d’en créer sur mesure. De plus, elle est en train de développer un écosystème autour de son produit, par lequel elle se différencie et qui devrait à terme générer des revenus.” Mais le chemin est encore long et Cowboy n’est pas seul dans la course au vélo électrique: ses concurrents ont également levé pas mal d’argent. VanMoof avait attiré 128 millions d’euros en septembre 2021. “Ce business est très intensif en capital, nous confirme cet expert. La création d’un produit physique impose des tas de contraintes en termes de production, de création de moules, etc. Mais aussi au niveau réglementaire: il faut adapter le vélo aux réglementations sur les marchés où il est vendu. C’est très différent d’un business de logiciels.”

Le pari de Cowboy reste à gagner, mais la récente levée de fonds conduite par des investisseurs étrangers de renom témoigne des possibilités qui s’offrent et d’une vision, certes risquée, mais qui pourrait bien être payante si tout se déroule comme espéré. L’enjeu pour éviter la sortie de route sera désormais de grandir vite, tout en continuant à valider cette approche.

L’Apple du vélo?

La marque à la pomme semble inspirer les fondateurs de Cowboy qui, eux aussi, développent à la fois un produit physique, un logiciel et un écosystème. Jugez plutôt.

Produit. Depuis le départ, Cowboy s’emploie à créer un vélo au design spécifique doté de nombreuses pièces dessinées sur mesure.

Logiciel. Comme l’iPhone d’Apple, le vélo Cowboy tire toute sa force de son lien avec une application développée en interne. Le vélo dispose ainsi de nombreuses fonctionnalités innovantes: alerte en cas de vol, traçage de l’engin, détection de chute et, plus habituel aujourd’hui, enregistrement des statistiques, proposition d’itinéraires dont certains en lien avec la qualité de l’air.

Ecosystème. Pour proposer plus à ses cyclistes, Cowboy développe une couche de services payants pour le vélo et son application. Construite avec la scale-up belge Qover, l’assurance (10 euros/mois) permet d’obtenir un service d’alertes en cas de tentative de vol et une couverture. Depuis peu, Cowboy propose également Cowboy Care (20 euros/mois) permettant une assistance réparation et entretien illimitée, à l’adresse de son choix. Ces services servent à la fois à améliorer l’expérience des cyclistes, d’entrer toujours plus dans l’écosystème Cowboy et de générer des revenus. Car la moitié des nouveaux acheteurs souscriraient à l’assurance vol.

Politique de prix. Pour couronner le tout, on pourrait croire que la politique de prix de Cowboy s’inspire aussi d’Apple, laquelle s’est fait remarquer en proposant chaque nouveau modèle d’iPhone à un prix plus élevé. C’est aussi le cas pour le Cowboy dont le premier modèle se vendait à 1.790 euros, le deuxième à 1.990, le troisième à 2.290. Le dernier, le C4, affiche désormais 2.500 euros sur la facture.

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