Les hôpitaux se réinventent : Infirmier, un métier à revaloriser

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Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Pour éviter la saturation des soins intensifs, ne suffit-il pas d’ouvrir davantage de lits? La solution est souvent avancée depuis deux ans. “Ce n’est pas aussi simple, coupe Gauthier Saelens (Grand Hôpital de Charleroi). Le principal problème, c’est que nous n’avons pas les bras. Ouvrir des lits, cela n’a aucun sens.”

“Nous manquons de personnel qualifié, tranche encore Gauthier Saelens, directeur général du Grand Hôpital de Charleroi. Cela veut dire qu’il faut rendre le métier attractif. Imaginons même que vous ayez une baguette magique pour y arriver, vous en avez au minimum pour quatre ans, le temps de la formation de base, avant d’avoir un effet positif à l’hôpital. Des petits pas ont été faits avec le Fonds Blouses Blanches mais il y a des paramètres qui doivent encore être améliorés au niveau des heures de prestation irrégulières, la nuit et le week-end. Les sursalaires sont plus importants dans le privé.”

“Les études montrent que ce sont à peu près six millions d’infirmiers qui manquent à l’appel dans le monde, du moins dans les pays qui le recensent, appuie Renaud Mazy, CEO des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles. Nous avons un nombre important de lits qui sont fermés, environ 3.500 au niveau belge, à peu près 180 lits de soins intensifs. Des soins sont reportés dans tous les hôpitaux, qui auront malheureusement des conséquences sur les citoyens.” “Etant donné le manque d’infirmières, nous sommes à la limite du modèle, ajoute le patron de Saint-Luc. Cela nécessitera une réflexion au moment de la sortie de crise: quel modèle va-t-on utiliser pour la gestion des unités de soins dans le futur puisque l’on sait que nous n’aurons pas spécialement d’infirmières en plus dans les prochaines années? Ce serait mentir de dire que cela irait mieux dans six mois: la pénurie est profonde. Elle est anticipée par les autorités flamandes avec des plans d’attractivité mais force est de constater que, globalement, on n’a rien fait de majeur.”

Sylvianne Portugaels, directrice générale du CHR Citadelle à Liège, acquiesce par l’exemple: “Au bloc opératoire et aux urgences, il y a une pénurie d’infirmières spécialisées. Or, seules une dizaine sortent chaque année des écoles de la région. Certains hôpitaux sur Liège ne parviennent même pas à en obtenir. Ce que nous faisons, c’est engager les infirmières de dernière année à un tiers temps, payé comme un mi-temps, et on leur donne la possibilité de suivre cette spécialisation. Avec l’espoir qu’elles restent chez nous”. Les départs, à la Citadelle, demeurent dans la moyenne en dépit de la crise: une quinzaine de démissions en 2021. “Mais nous craignons davantage la fin de la crise, précise la directrice. Quand elles auront le temps de la réflexion, nos infirmières penseront peut-être à une réorientation. Lorsqu’une équipe atteint son objectif dans une entreprise, il y a déjà une période de deuil, même s’il s’agit d’un événement heureux. Alors, imaginez après les deux années que nous venons de vivre…”

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