Les diamants russes dans la tourmente

Un vent de polémique souffle sur les horlogers et bijoutiers qui continuent à s’approvisionner en diamants et pierres précieuses originaires de Russie.

La Russie est le plus grand producteur au monde de diamants. En 2021, Anvers a importé pour environ 1,8 milliard de dollars de diamants bruts de Russie, rapporte La Libre. “Cela représente 25 % de l’ensemble des diamants importés à Anvers”, précise au quotidien francophone Tom Neys le porte-parole de l’AWDC qui représente le secteur anversois.

Les pierres précieuses proviennent essentiellement des mines de l’entreprise Alrosa, détenue à hauteur de 33 % par l’État russe, précise La Libre. Ces pierres précieuses sont actuellement exemptes des sanctions occidentales. De quoi faire penser que certains diamantaires d’Anvers et d’autres pays d’Europe financent indirectement la guerre en continuant d’en acheter.

“C’est totalement absurde”, s’insurge le porte-parole de l’AWDC à cette évocation. “Le secteur du diamant est très différent de celui du gaz ou du pétrole. Sanctionner la Russie aurait eu un effet nul pour le pays – qui aurait immédiatement revendu ses diamants en Inde plutôt qu’à Anvers – et très important pour l’Europe. Alrosa est une entreprise responsable qui investit la quasi-totalité de ses bénéfices dans ses infrastructures minières.”

A la question de savoir si le secteur a fait du lobbying intense pour être préservé, Tom Neys répond : “Non, les responsables européens savent bien que ce type de sanctions n’aurait pas eu d’effet pour la Russie, mais bien pour l’Europe. Nous avons simplement rappelé que le secteur du diamant pesait près de 30.000 emplois en Belgique.”

“Ethiquement, ce n’est tout simplement pas raisonnable”

En Suisse, pays réputé pour son horlogerie de luxe, les diamants russes sont également un sujet de préoccupation dans le milieu des horlogers et bijoutiers et suscitent davantage de questions éthiques. Les sanctions et les risques liés à une mauvaise réputation dans l’utilisation de ces pierres précieuses provenant d’un pays en guerre leur compliquent le travail. Ils se doivent de changer leurs sources d’approvisionnement, rapporte le journal suisse Le Temps.

Les diamants russes dans la tourmente
© Getty images

Les acheteurs essaient désormais trouver des alternatives pour déjouer les complications logistiques et éviter de s’exposer à des risques réputationnels, selon différents spécialistes. “Ethiquement, il n’est tout simplement pas raisonnable de continuer à s’approvisionner en Russie”, constate Oliver Müller, fondateur et directeur général de LuxeConsult, une société de conseil spécialisée dans le secteur du luxe, interviewé par l’agence de presse économique et financière suisse AWP. Il rappelle que certaines marques ont déjà cessé de s’approvisionner dans des pays en proie à des conflits, comme cela a été le cas pour les rubis de Birmanie, en raison des persécutions menées contre la minorité Rohingya.

Actuellement c’est la panique dans tout le secteur, car nous ne voulons plus nous approvisionner auprès d’Alrosa”

Les bijoutiers et horlogers se tournent désormais vers d’autres fournisseurs dans le monde, avec des défis logistiques plus importants. “Actuellement c’est la panique dans tout le secteur, car nous ne voulons plus nous approvisionner auprès d’Alrosa”, indique à AWP une spécialiste des achats pour une grande marque horlogère, figurant parmi les “Big Four” en mains privées. “Nous avons du stock pour tenir jusqu’au mois de juin et nous étudions différentes options pour la suite, allant du changement de fournisseurs à la réévaluation du nombre de diamants sur nos montres”, explique-t-elle, sous couvert d’anonymat. “Mais même sans diamant, nous vendrons nos montres”.

Les diamants plus chers

Autre conséquence de la guerre entre la Russie et l’Ukraine : à court terme, le prix des diamants devrait augmenter. Ce qui, combiné à la hausse récente de l’or et de l’énergie posera d’autres difficultés pour le secteur et une augmentation généralisée des coûts de fabrication de ces produits de luxe. Toutefois, dans le très haut de gamme, l’impact d’une hausse des prix des métaux et pierres précieuses est à relativiser, car ces éléments ne représentent qu’une faible proportion du coût final. La société russe Alrosa décriée dans le milieu fournit principalement les petits diamants ronds utilisés pour le sertissage des montres. De là l’importance de ne pas écorner son image de marque en décidant de ne plus se fournir en Russie.

Les difficultés d’approvisionnement pourraient également relancer l’attractivité des diamants de synthèse, ajoute encore Le Temps. Pour ces pierres fabriquées en laboratoire, qui ne peuvent être distinguées des diamants naturels à l’oeil nu, la traçabilité et l’éthique sont en effet beaucoup plus transparentes.

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