L’azote va-t-il étouffer l’aéroport de Zaventem ?

L’aéroport national doit bientôt renouveler son permis environnemental. Ce qui aurait pu être une procédure standard semble connaitre quelques accrocs, au point de mettre en danger ses plans de croissance, voire sa survie économique ? Le débat fait rage en Flandre.

L’aéroport de Zaventem va d’ici quelques mois devoir renouveler son permis environnemental puisque l’actuel expire en juillet de l’année prochaine. Ce renouvellement semble d’ores et déjà promis à de nombreuses discussions si l’on en croit la première version du rapport d’impact environnemental révélé par De Standaard. Ce dernier est particulièrement négatif envers l’aéroport qui vise d’ici 2032, le doublement du volume de marchandises et un cinquième de passagers supplémentaires. Concrètement cela signifierait “des avions plus nombreux et plus grands, et un flux supplémentaire de camions (+43 %) et de voitures particulières (+9 %)” précise encore le quotidien.

De quoi aussi provoquer une augmentation substantielle des émissions de CO2 et de NOx. Or le NOx, une forme d’azote réactif, plonge l’aéroport au coeur du débat déjà houleux sur l’azote en Flandre. Il se trouve que plusieurs zones naturelles protégées se trouvent à proximité de l’aéroport et qu’elles sont déjà en mauvais état. Les émissions de l’aéroport sur ces zones Natura2000 sont déjà trop élevées et ce serait encore pire si l’aéroport continue sa croissance comme il l’espère.

L’azote, le dossier empoisonné de Zuhal Demir

Le renouvellement de permis environnemental a donc relancé et élargi le débat de l’azote qui fait rage depuis de nombreux mois en Flandre. Un dossier qui s’est mué au fil du temps en dossier empoisonné pour la ministre de l’Environnement flamande, Zuhal Demir. Il faut dire que le sujet y est sensible, car il y a trop d’azote en Flandre. Celui-ci risque de polluer les nappes phréatiques et peut être une source en particule fine quand celui-ci se transforme en ammoniac. Cette région est même le plus mauvais élève d’Europe à ce niveau. On estime que pas moins de 80% des zones naturelles du nord du pays renferment un niveau trop élevé d’azote dans leur sol. Si la Flandre veut respecter la législation européenne et assurer un environnement sain à ses habitants, elle n’a d’autre choix que de prendre des mesures. Et c’est pourquoi elle a élaboré un plan drastique pour réduire la concentration d’azote en Flandre. Ce dernier souhaite interdire les exploitations intensives tout près de sites naturels Natura 2000. Une quarantaine d’exploitations devraient revoir leur copie et ainsi pour la plupart perdre les gros investissements injectés dans ces fermes.

Autant dire que depuis des mois ce plan déchaîne la colère des agriculteurs flamands, en particulier ceux qui ont des élevages de porcs, dont le lisier et l’élevage hors champs est une importante source d’azote. Des éleveurs porcins influents puisque l’élevage porcin représente pas moins d’un quart de la valeur totale de la production de l’agriculture flamande. Loin de s’en tenir à quelques échanges musclés, les attaques ont même pris par moment un tour personnel obligeant la ministre à faire l’objet d’une surveillance policière.

Un gel du permis de l’aéroport ?

En attendant, il n’y pas encore d’accord global en ce qui concerne l’azote et ce blocage pourrait bien avoir des répercussions variées, par exemple le gel de projet majeur tel que l’aéroport de Zaventem qui avec ses dizaines de milliers d’employés, l’aéroport est le deuxième pôle économique du pays.

Cela n’a rien d’une hypothèse fantaisiste puisque pas plus tard qu’en décembre dernier le Conseil des litiges relatifs aux permis a annulé le permis de Broeklin – le successeur du complexe commercial Uplace à Machelen – en raison d’émissions excessives d’azote dans des réserves naturelles.

Pour l’aéroport les autorités compétentes et les municipalités environnantes avaient jusqu’à cette semaine pour soumettre des avis. Celles-ci seront traitées, après quoi le dossier sera mis à l’enquête publique. D’ici la fin de l’année, le ministre de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA) doit se prononcer sur le permis dit encore De Standaard.

En attendant, les divers acteurs ont mis un coup de pression ces derniers jours dans les médias flamands, chacun y allant de son petit commentaire et déclenchant au passage une petite tornade politique. L’un pour défendre son projet d’expansion, l’autre pour la défense de l’environnement et encore d’autre pour faire remarquer que chacun doit faire sa part et pas seulement les agriculteurs.

Du côté de Zuhal Demir, c’est par contre le silence qui domine puisqu’on se borne à dire qu’on attend le rapport final.

Si le flou actuel laisse aux importants émetteurs d’azote, comme l’aéroport, un espace pour polluer davantage, le scénario de croissance de l’aéroport n’est de toute façon pas réaliste selon Jasper Wouters, responsable Bond Beter Leefmilieu (BBL) (l’union pour un meilleur cadre de vie) interviewé par De Standaard. “L’écart entre le scénario de croissance de l’aéroport et les objectifs climatiques et environnementaux du gouvernement est tout simplement trop important. Il n’est pas non plus justifié que l’aéroport s’en tire à bon compte alors que les agriculteurs doivent faire des efforts considérables”. D’autant plus que toujours selon Wouters, les aéroports urbains de Paris, Berlin, Zurich et Francfort prouvent que l’exploitation avec des restrictions, telles que peu ou pas de vols de nuit, peut effectivement être rentable et ce n’est donc pas, pour eux, un argument valable. La BBL a fait savoir qu’elle contestera la licence si elle viole la législation environnementale.

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