D’une passion à une profession, la bicyclette donne des idées

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Le vent pousse le marché du vélo, surtout en Flandre et à Bruxelles. La vogue de la bicyclette d’entreprise lui donne du tonus. Elle attire de nouveaux entrepreneurs qui convertissent une passion en métier, parfois en salon, comme Bike Brussels.

Le moment sera symbolique. Une concession BMW de la capitale, située avenue Leon Grosjean, à Evere, va laisser la place, début 2020, à un vaste magasin de vélos, le vélociste IPM Bike. Un déménagement dû à la croissance du marché, dopé par les vélos électriques. L’enseigne, qui occupe actuellement 600 m2 à quelques encablures de là, va passer à 1.600 m2.

” Nous manquons de place, explique Isabelle Parmentier, cogérante du magasin et présidente de la section francophone de Traxio Vélo, la fédération belge du secteur du vélo. Nous travaillons actuellement à trois endroits différents. Le développement du marché — le vélo se décline dans des formes de plus en plus variées — et la croissance de la demande nous poussent à déménager. ” IMP Bike conservera son show-room actuel pour le spécialiser dans les vélos cargos.

L’arrivée de “concept stores”

C’est un cas parmi d’autres. Le secteur voit apparaître des concept stores dans des dimensions qui étaient plutôt l’apanage des constructeurs d’automobiles. Comme Cycle Passion, récemment ouvert le long de la chaussée de Haecht, à Melsbroek, face à l’aérogare militaire.

Autre signe de l’engouement pour ce mode de transport doux : la troisième édition du salon Bike Brussels, qui s’est tenu à Tour & Taxis du 20 au 23 septembre, lors de la semaine de la mobilité. L’événement a fait la part belle aux vélos mais aussi aux trottinettes. ” Un salon s’impose à la troisième édition, estime Etienne Bertrand, general manager de Bike Brussels, salon soutenu, entre autres, par Trends-Tendances. La première attire des convaincus, presque des militants, qui roulent par tous les temps. A la troisième édition, nous voyons arriver le grand public, qui s’intéresse de plus en plus au vélo et aux mobilités alternatives ; des parents qui emmènent leurs enfants à l’école en voiture et qui souhaiteraient le faire en vélo ; des fonctionnaires internationaux, souvent plus ouverts à d’autres mobilités. Le salon incluait un colloque sur “la mobilité dans la ville de demain”, plutôt orienté vers les entreprises.

Croissance dans l’usage et dans les ventes

Côté chiffres, tout est à la hausse, même s’il est difficile d’évaluer avec précision le poids du marché, car les vélos ne sont pas immatriculés, exception faite pour les speed pedelecs (vélos électriques allant jusqu’à 45 km/h). Les données de la DIV, relayées par Traxio, montrent que ce type de vélo s’est immatriculé à 9.590 exemplaires en 2018, contre 5.538 en 2017.

Quelques indications reflètent la progression du vélo. Le secrétariat social Acerta a publié le 15 septembre une étude mesurant qu’en Belgique, le nombre de travailleurs allant à vélo au bureau ou à l’usine a doublé en cinq ans. La part a surtout grimpé en Flandre, de 7,3% des travailleurs en 2013 à 15,2% en 2018. Progression notable à Bruxelles, de 2% des travailleurs à 3,7%. En Wallonie, cela reste infinitésimal, même si ça monte de 0,5% à 0,9%.

L’Observatoire du vélo à Bruxelles, organisé par Pro Velo, notait une augmentation du nombre de cyclistes dans la capitale, à savoir 16% entre 2017 et 2018. Il estime la croissance annuelle moyenne à 13% depuis 2000.

Le business connaît une croissance grâce aux vélos électriques. ” Ils représentent facilement 60% des ventes de vélos mais, en valeur, la proportion est nettement plus élevée “, précise Guy Crab, secrétaire général de Traxio Vélo. Les vélos électriques se vendent facilement à 2.000 euros et davantage.

L’impact du vélo d’entreprise

” L’élément important, surtout en Flandre et à Bruxelles, c’est le vélo d’entreprise. En Wallonie, il est moins courant “, poursuit Guy Crab. Un statut fiscal avantageux encourage les entreprises à fournir des vélos. ” A Bruxelles, l’intérêt pour le vélo a progressé avec retard sur la Flandre, mais ça vient. L’établissement de la zone à basse émission, les limitations à 30 km/h, etc. Beaucoup d’éléments encouragent de jeunes familles à s’intéresser au vélo, parfois même à abandonner la voiture “, assure Isabelle Parmentier.

Un marché qui bouge attire aussi l’attention de nouveaux entrepreneurs. Des passionnés du vélo qui se disent que le vélo électrique et parfois connecté ouvre la voie à de nouveaux produits et services. Bike Brussels en comptait une série, dont deux start-up belges très connues, à savoir Cow Boy, qui propose des vélos électriques connectés, et Ahooga. Nous en épinglons quelques autres, moins connus ( voir encadrés).

Quelques nouveaux entrepreneurs du guidon

” J’ai toujours aimé le vélo “, assure Julien Jamar qui a lancé à Liège Kameo Bike, une entreprise proposant des vélos en leasing et un système de gestion de flotte. ” Mon rêve est de concevoir mon propre vélo “, avance ce jeune ingénieur industriel, qui a fait beaucoup de vélo dans des mouvements de jeunesse. Il a préféré se centrer sur les services, c’est là qu’il a vu un marché porteur. ” Mais, un jour, je concevrai mon vélo “, promet-il.

Certains y viennent après une belle carrière dans une multinationale, comme Pierre Detry. Il a occupé différentes fonctions chez Nestlé, notamment celle de CEO de Nestlé Pologne et pays baltiques, et habite toujours en Pologne. ” Je suis un fan du vélo. En tant qu’expatrié dans de grandes villes, j’ai toujours souffert d’être pris dans le trafic en auto. Alors quand j’ai vu le vélo électrique arriver, je me suis demandé comment ajouter quelque chose. ” Il a misé sur un vélo électrique très léger, vendu en direct. Dont le cadre, soudé artisanalement, est conçu par un ingénieur, Pawel Matuszynski, ” un ancien champion cycliste de vélo de descente “. Le vélo, fabriqué dans un atelier de 11 personnes à Katowice, est vendu en Allemagne et en Belgique. La bicyclette, c’est aussi l’Europe…

Quatre initiatives

Yoda, un vélomoteur qui ressemble à un vélo
Yoda, un vélomoteur qui ressemble à un vélo© pg

“Trends-Tendances” a épinglé quatre nouveaux acteurs dans le monde du vélo (et même un peu au-delà). Tous très différents, en général autofinancés. Découverts au salon Bike Brussels, qui s’est tenu à Bruxelles, à Tour & Taxis, du 20 au 23 septembre 2019.

1. Yoda, un vélomoteur qui ressemble à un vélo

Qui ? Quentin Van Overmeere et Armand Chariot.

Où ? Bruxelles.

Quoi ? Le duo lance un vélomoteur électrique qui ne ressemble pas à un vélomoteur. On dirait même un vélo électrique, mais il n’y a pas de pédales, pas de chaîne ni de courroie. Juste un moteur au milieu de la roue arrière. Il pèse 27 kg, le poids d’un gros vélo électrique. ” Pour une partie du public, le vélomoteur est intimidant, paraît énorme, lourd, avance Armand Chariot, cofondateur de Yoda City. Nous proposons un vélomoteur électrique qui ressemble à un vélo, mais roule à 45 km/h. ” Il a le statut de vélomoteur, avec toutes les obligations qui vont avec : assurance, casque, permis. Il est connecté, une appli indique quand il faut remplacer les plaquettes de frein ou vérifier le gonflage des pneus.

Comment ? La société YodaCity, en constitution, est autofinancée pour le moment et fabrique son vélomoteur à Ixelles. Elle a lancé un programme ” pre-order ” à 2.990 euros, pour livraison au printemps 2020. Il y aura un point de vente et d’entretien à Bruxelles.

Et demain ? Quentin Van Overmeere et Armand Chariot étudient l’idée de proposer le Yoda en vélomoteur partagé, en free-floating.

http://www.yoda-city.com

2. BZen, des vélos électriques qui n’en ont pas l’air

BZen, des vélos électriques qui n'en ont pas l'air
BZen, des vélos électriques qui n’en ont pas l’air© pg

Qui ? Pierre Detry. Ancien cadre du groupe Nestlé, qui a fait de sa passion, le vélo, un métier, celui de fabricant de bicyclettes.

Où ? Sprimont et Katowice (Pologne).

Quoi ? Less is more, disait un célèbre architecte. Pierre Detry, fondateur de Bzen, a imaginé des vélos électriques artisanaux très légers (8 à 10 kg de moins que la moyenne). Il faut avoir un oeil exercé pour distinguer qu’ils sont électrifiés. Ils pèsent 14 à 15 kg. ” Je voulais un vélo qui ressemble à un vélo, pas à un vélo électrique “, explique Pierre Detry, qui propose trois modèles : l’Amsterdam, le vélo de ville à guidon relevé, le Milan, plus sport, et le Bruxelles, tout nouveau, situé entre les deux, à moins de 3.000 euros.

BZen, des vélos électriques qui n'en ont pas l'air
BZen, des vélos électriques qui n’en ont pas l’air© pg

Comment ? L’entreprise dispose d’un atelier qui fabrique le cadre en aluminium, par soudure, à Katowice, quasiment à la demande. Le Milan et l’Amsterdam utilisent une courroie en carbone (gain : 1,2 kg). La batterie, invisible, est dissimulée dans le cadre. Pour avoir la plus grande légèreté possible, la motorisation est installée sur le moyeu arrière. Le vélo est en vente directe sur Internet. Pour l’essayer, l’entreprise dispose de deux ” ambassadeurs” en Belgique, et confie l’après-vente à Bike your City, à Uccle. La même approche est utilisée en Allemagne.

https://bzenbikes.com

3. Kameo Bike, pour gérer des flottes de vélos d’entreprise

Kameo Bike, pour gérer des flottes de vélos d'entreprise
Kameo Bike, pour gérer des flottes de vélos d’entreprise© pg

Qui ? Julien Jamar, et trois associés, Pierre-Yves Adant, Antoine Lust et Thibault Mativa.

Où ? Liège, mais actif en Wallonie et à Bruxelles. Issu du VentureLab (incubateur ULg).

Quoi ? La jeune entreprise a démarré avec le leasing, pour profiter de la vogue des vélos d’entreprises. ” Les entreprises préfèrent le leasing, tout compris, par facilité de gestion “, précise le fondateur. C’est pourquoi Kameo Bike a conçu une plateforme pour proposer aux entreprises la gestion de flottes. Avec une application, un boîtier automatisé. ” Nous avons de plus en plus de demandes pour ce système, puis il y a moins de concurrence que dans le leasing “, explique Julien Jamar.

Comment ? Kameo Bike a un partenariat avec une série de fabricants de vélos (Orbea, Victoria, Conway, etc.) dont deux belges : Ahooga et BZen, qu’il propose en leasing et/ou pour la gestion de flottes. Pour ce dernier service, la plateforme permet d’organiser la réservation des vélos, lesquels sont accessibles par des clés contenues dans un boîtier automatisé.

Et demain ? Kameo Bike souhaite étendre territorialement ses activités.

https://www.kameobikes.com/

4. Une bière pour cyclistes et un livre

Une bière pour cyclistes et un livre
Une bière pour cyclistes et un livre© pg

Qui ? Pascal Mageren.

Où ? Bruxelles et partout.

Quoi ? Une bière pour cycliste, ça paraît curieux, mais un passionné de la petite reine, Pascal Mageren, en distribue. Elle est ” riche en sel minéraux tels que calcium et magnésium “, et est surtout recommandée pour l’après-balade. Velosophe fait 4,9 degrés d’alcool, et a été imaginée par Damien Bisetti, un Suisse qui tient un magasin de vélo à Genève. Pascal Mageren la vend via son blog. Il organise par ailleurs des expositions de vélos surprenants, créatifs, dont il a fait un livre. Dans le civil, il travaille dans une agence de communication.

Comment ? La bière est produite pour le moment en Allemagne, dans une brasserie artisanale, ” mais sera bientôt brassée en Belgique “, assure Pascal Mageren. Pour son ouvrage La créativité liée au vélo, il a patiemment contacté des dizaines de concepteurs de vélos très particuliers, des constructeurs automobiles, des créatifs ayant imaginé des vélos en acajou, en bambou, en plastique recyclé, même des curiosités comme un tandem à une seule roue. Ou un vélo au cadre transparent, appelé Clarity bike.

Et demain ? Il organise régulièrement des expositions de vélos curieux avec l’aide des créatifs qui ont nourri son livre.

https://velosophe.be

Pascal Mageren, ” La créativité liée au vélo – Bike inspired creativity “, 182 pages.

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