Consigne sur les canettes : “Le système de scan numérique de Fost Plus est critiquable”

Manifestation de "pigeons ramasseurs" devant le parlement wallon à Namur. © Clean Walker Belgique/Facebook

Dans une lettre ouverte, onze organisations* représentant les agriculteurs, les consommateurs et le milieu environnemental (Fugea, Test-Achats, Greenpeace,…) demandent aux ministres de l’Environnement de mettre en place des décrets introduisant la consigne pour maximiser la lutte contre les déchets sauvages. Pour Tom Zoete, de l’Alliance pour la Consigne, les projets pilotes mis en place par Fost Plus ne servent qu’à retarder l’instauration de la consigne. Interview.

Le projet-pilote “Click ” de Fost Plus a été adopté dans plusieurs communes. Il offre des points virtuels à récolter via une application pour chaque déchet sauvage ramassé. Ce système est critiqué, expliquez-nous

Le projet-pilote “Click” est encore en cours dans quelques communes, mais il ne convainc pas. La ville d’Anvers a décidé de l’arrêter, car elle ne voyait pas de progrès sur la présence des déchets sauvages dans la rue. Le système est coûteux. La ville de Namur s’interrogerait aussi sur son efficacité.

Fost Plus propose maintenant un système de scan numérique des canettes, via une application. Que pensez-vous de cette “consigne digitale”?

Ce système de scan est critiquable sur de nombreux aspects. Il existe de nombreux obstacles à sa mise en oeuvre. Les consommateurs doivent installer une application sur leur GSM, chaque emballage doit être scanné individuellement, ainsi que la poubelle publique ou le sac bleu dans lequel il est jeté,…

Des questions d’ordre privé se posent aussi, car ce système collecte les numéros de GSM, les comptes en banque…Il y a un risque de fraude. Il est aussi nécessaire de posséder un smartphone alors qu’en Flandre, des statistiques disent que seulement 46% de la population disposent des compétences numériques de base. Si le scan est la seule manière de récupérer sa consigne, c’est interpellant.

Il ne va pas non plus aider à protéger les vaches de blessures et à éviter les déchets sauvages. Car, quelqu’un qui a l’habitude de lancer ses canettes par la fenêtre de sa voiture, il lui suffirait de déchirer le QR code pour contourner le système.

Ce système a-t-il déjà fait ses preuves ailleurs ?

Pour l’instant, on ne sait pas encore quand un tel système de scan pourrait être opérationnel. L’industrie indique qu’elle doit effectuer des recherches et des tests supplémentaires sur sa faisabilité. Cela prendrait nécessairement des années, car il s’agit de concevoir un système qui n’existe encore nulle part. Il n’est donc pas certain qu’un tel système numérique puisse être mis en place avant la fin de cette décennie.

Consigne sur les canettes :
© Clean Walker Belgique/Facebook

En s’obstinant à proposer des systèmes alternatifs à la consigne, est-ce une manière pour Fost Plus de retarder le projet d’instauration de la consigne ?

Tout à fait ! Fost Plus passe ici à la vitesse supérieure, car la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir (NV-A) a annoncé l’instauration prochaine de la consigne. Alors que le consensus politique grandit sur ce dossier, Fost Plus arrive avec une proposition qui instaure le doute. Ce qui est positif, c’est que Zuhal Demir se rend compte du piège et n’est pas dupe.

Si le texte législatif laisse le champ ouvert, on a peur que Fost Plus ne propose un système hybride entre le scan numérique et le retour en supermarchés. Et que, in fine, ce soit seulement l’app’ qui prenne le dessus

Que proposez-vous à la place ?

De ne pas compliquer les choses, de faire très simple, comme c’est déjà le cas pour le retour en supermarchés des bacs de bières, un système pratique et déjà connu par tous. Les consommateurs peuvent l’intégrer facilement dans leur routine, il n’y a pas de risque d’en être exclus, car ce serait trop complexe au niveau technologique…

Nous insistons fortement pour qu’il y ait une obligation légale dans les décrets sur l’instauration de la consigne pour que tous les points de vente et supermarchés soient obligés par la loi de reprendre les emballages et de restituer la consigne. Ce système de “return-to-retail” est la norme dans les pays où la consigne est un succès. Aucun pays ne parvient à atteindre 90 % de collecte sélective des emballages sans ce modèle.

Si le texte législatif laisse le champ ouvert, on a peur que Fost Plus ne propose un système hybride entre le scan numérique et le retour en supermarchés. Et que, in fine, ce soit seulement l’app’ qui soit mise en avant par l’ASBL, qu’elle prenne le dessus afin de protéger les importants investissements qui ont été réalisés pour le sac bleu.

L’obligation de collecte pour le commerce de détail est également importante pour réglementer clairement la répartition sur le plan juridique des responsabilités entre, d’une part, les producteurs de boissons et, d’autre part, les supermarchés et commerces de détail.

Vous êtes positifs pour l’instauration prochaine d’une consigne en Belgique ?

Oui, ces derniers temps, le consensus règne parmi les politiques. Les membres de la Commission Environnement sont revenus assez convaincus de leur visite aux Pays-Bas où ils ont pu se rendre compte du système efficace de consigne instauré chez nos voisins. Cela couplé avec la déclaration ferme de Demir fait avancer le dossier. Alexander De Croo s’est aussi positionné pour la consigne dans une émission de la RTBF. Et même si ce n’est pas de sa compétence directe, il peut donner l’impulsion pour que la Belgique l’adopte. En Wallonie, la ministre de l’Environnement Céline Tellier a l’air aussi convaincue. Olivier Maroy (MR), le seul opposé à la consigne, déclare maintenant qu’il peut l’accepter. Les Engagés (ancien-CDH) ont déposé leur proposition de décret et le PTB est pour. Mais, je ne serai tranquille que quand ce sera écrit au Moniteur belge.

*Algemeen Boerensyndicaat, Bond Beter Leefmilieu, Canal It Up, CC-CS, Fugea, Greenpeace, Herwin, Proper Strandlopers, Natuurpunt, Recycling Netwerk et Test-Achats ont signé cette lettre commune adressée aux ministres Zuhal Demir (Flandre), Céline Tellier (Wallonie), Alain Maron (Bruxelles), Zakia Khattabi (fédéral) et aux (vice)ministres-présidents des trois régions.Pour lire la lettre en entier, cliquez ICI

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