Ces start-up qui luttent contre le Covid-19

Alain Mampuya (BeWell Innovations) devant un de ses kiosques: "Notre solution permet de désengorger les urgences." © PG
Jérémie Lempereur Journaliste Trends-Tendances - retail, distribution, luxe

Elles ont fait évoluer leur solution ou ont créé un nouvel outil de toutes pièces. Les jeunes pousses de l’e-santé ne sont pas en reste dans la lutte contre le Covid-19. Agiles et collaboratives, elles nous racontent comment elles ont imaginé de nouvelles applications dans l’urgence.

En cette période difficile, chaque acteur de l’économie y va de son initiative pour soutenir ” l’effort de guerre “. Les start-up ne font pas exception. Même si les jeunes pousses se trouvent aujourd’hui dans une situation plus que délicate, certaines d’entre elles lancent de nouvelles applications bien utiles dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Nombreuses sont en effet les start-up qui proposent des solutions concrètes aux médecins et hôpitaux.

Fondée en 2010, la start-up anversoise BeWell Innovations a, par exemple, mis en place, en collaboration avec l’UZ Gent, un questionnaire de pré- screening destiné à filtrer les patients avant que ceux- ci ne se rendent à l’hôpital. Le nom de sa plateforme ? Covid@Home. Chacun d’entre nous peut, depuis son canapé, remplir un questionnaire anonymisé à l’issue duquel nous recevons une évaluation du risque de contamination. En fonction de cette évaluation, il nous est conseillé de ne rien faire, de contacter notre médecin ou de nous rendre aux urgences. ” Jusqu’à présent, en l’absence d’indications, de nombreux patients se rendaient à l’hôpital, explique Alain Mampuya, CEO de l’entreprise. Notre solution permet de désengorger les urgences. ”

Le fait d’être une start-up nous a permis de réagir en quelques jours. ” Xavier Rouby, CEO d’Opal Solutions

Le responsable estime à plus de 10.000 le nombre de questionnaires remplis depuis le lancement de la plateforme, fin mars. Une plateforme créée en une semaine top chrono. ” Nous avions déjà de très bonnes bases, reconnaît Alain Mampuya. Nous avons, du coup, été capables de faire des adaptations très rapidement. ” C’est que BeWell Innovations n’est pas partie de rien. La start-up a mis au point, il y a plusieurs années déjà, une plateforme aidant les médecins à suivre, à domicile, leurs patients atteints de maladies chroniques. ” Il peut également s’agir de patients ayant subi une opération et qui doivent être suivis après être rentrés chez eux, ajoute le directeur général. Avec notre solution Well@Home, ils reçoivent chaque jour un petit questionnaire à remplir, dont les réponses sont disponibles sur le tableau de bord de leur médecin traitant à l’hôpital. ” BeWell Innovations a également créé des kiosques de self-testing médical. Ils permettent de trier les patients qui se présentent aux urgences.

Quand l’épidémie s’est déclenchée, l’entreprise a donc pu très rapidement confectionner un questionnaire spécifique pour le Covid-19, adapter sa plateforme et installer un deuxième kiosque de self-testing aux urgences de l’UZ Gent.

Suivi des malades à domicile

Allant un pas plus loin, l’outil développé par l’incubateur de start-up liégeois The Faktory, en étroite collaboration avec les Réseaux Santé wallon et bruxellois ainsi que la Société scientifique de médecine générale, permet de surveiller les patients atteints du Covid-19 à domicile (on ne parle plus uniquement d’un pré- screening). Son nom ? SafeLink. ” Il permet aux médecins généralistes et, depuis quelques jours, aux médecins présents dans les centre de tri, d’inscrire leurs patients et de déclencher ainsi un processus de suivi “, explique Simon Alexandre, directeur général de l’incubateur. Concrètement, chaque patient atteint du virus à domicile doit remplir minimum deux fois par jour un petit questionnaire permettant à son médecin de suivre l’évolution de la maladie. En fonction de toute une série de paramètres dont l’âge, les comorbidités et les réponses aux questions, le médecin reçoit un SMS lorsque son patient atteint le stade critique.

Xavier Rouby, CEO d'Opal Solutions
Xavier Rouby, CEO d’Opal Solutions© PG

Le projet a été mis sur pied ” en mode commando “, d’après les termes de notre interlocuteur. ” Tout s’est fait en 10 jours durant lesquels nous avons très peu dormi, dit-il. Mais il fallait faire quelque chose. Nous couvons des start-up dont la vie est ralentie, il fallait mobiliser les énergies. En discutant avec ma belle-soeur urgentiste et le président de la Société scientifique de médecine générale, le docteur Thomas Orban, nous nous sommes dit qu’il y avait plus prioritaire que de soulager les généralistes avec du pré-diagnostic, ce qui était notre idée de départ. Il fallait plutôt gérer les patients atteints à domicile et les orienter à temps quand leur situation devient critique. ”

L’incubateur a en réalité repris le projet open source d’une start-up française active dans l’e-santé et qui a développé une solution similaire en région parisienne. ” Il se fait que l’une des start-up que nous couvons, Fotostudio, maîtrisait la technologie utilisée par ce composant open source, explique le responsable. Alors que la santé n’est pas du tout son core business ( elle développe un CRM pour les photographes professionnels, Ndlr), elle a pu agilement opérer un pivot temporaire lié à sa compétence technologique. Par ailleurs, notre atout est d’avoir très rapidement constitué une équipe multidisciplinaire. Le Collège de médecine générale francophone nous a fourni toutes les informations médicales nécessaires à la création de l’algorithme, nous nous sommes directement inscrits dans les processus de gestion des Réseaux Santé wallon et bruxellois et avons pu bénéficier de leur services d’authentification, etc. Nous avons été lean au sens strict du terme, nous avons directement impliqué les clients utilisateurs, à savoir les médecins, dans le processus. ”

Gestion dynamique du personnel

Enfin, une troisième start-up belge – néo-louvaniste – est, quant à elle, active dans les hôpitaux mêmes. Sa solution, le Covid-CareBoard, permet aux établissements hospitaliers de recenser en temps réel les cas de Covid-19 et d’ajuster le personnel et le matériel nécessaire en fonction de prédictions. ” Grâce au tableau de bord de pilotage que nous avons créé, nous pouvons commencer à faire du prédictif “, confirme en effet Xavier Rouby, CEO d’Opal Solutions. Quand l’afflux de patients est exponentiel et que des cas se déclarent dans différentes zones de l’hôpital, notre plateforme permet d’organiser les équipes de manière efficace. Le fait de prédire l’évolution du nombre de cas doit en outre permettre d’anticiper notamment l’ouverture de nouvelles unités Covid.”

La start-up a toujours été active dans les hôpitaux. Sa solution phare, CareBoard, est en fait un outil de gestion de la charge de travail, en particulier au sein des départements infirmiers. Il s’agit de permettre une gestion dynamique des ressources, ou comment combiner au mieux ressources et besoins. L’outil a été développé en partenariat avec le CHU Saint-Pierre (Bruxelles), mais il est aujourd’hui également utilisé à l’hôpital Erasme et à la clinique Saint-Luc de Bouge (Namur).

” Lorsque l’épidémie a fait son apparition, les travailleurs ont commencé à se structurer différemment et à mettre en place de nouvelles pratiques, explique Xavier Rouby. Nous nous sommes rendu compte qu’ils étaient quelque peu démunis. Tous les jours, ils devaient faire le tour des différentes salles, etc. Nous avons donc cherché à faire évoluer notre outil et avons créé un premier module Covid. Nous avons passé une semaine à passer des coups de fil dans tout notre réseau et à mener des réunions. En 24 heures, nous étions déjà en train de formuler des propositions de valeur. En une semaine, nous avions développé la première version de notre module Covid. ”

Le responsable en est persuadé : cette agilité aurait été impossible dans un environnement corporate. ” Le fait d’être une start-up nous a permis de réagir en quelques jours, dit-il. Notre prise d’infos a été très lean. Par ailleurs, notre équipe n’est pas uniquement composée de geeks. Une infirmière travaille notamment avec nous. Elle connaît le fonctionnement des hôpitaux comme sa poche. Cela aide ! “

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