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Ces entreprises qui utilisent des devises alternatives
Si les placements de trésorerie en lingots ou en cryptos devaient se multiplier, cela pourrait signifier que la météo financière vire à l’orage.
Voici tout juste 50 ans, le président Nixon donnait le coup de grâce au système monétaire de Bretton Woods. Il abandonnait la convertibilité du dollar en or et permettait à l’économie mondiale de plonger, avec plus ou moins de bonheur, dans un système de change flottant. Désormais, en l’absence de l’étalon or, chaque devise peut bouger librement par rapport aux autres.
Mais jusqu’il y a peu, même fluctuant sur des mers parfois houleuses, ces devises avaient réussi à garder la confiance des acteurs économiques. Or, certains se demandent si c’est encore le cas aujourd’hui. Ces derniers mois, on a vu une grande société comme Tesla investir une partie de ses réserves en bitcoins, suivant l’exemple de Micro Strategy, un éditeur de logiciels d’aide à la décision, qui a investi plus de deux milliards de dollars dans la plus célèbre des cryptomonnaies. Micro Strategy continue de gonfler son portefeuille, même si les aléas des cryptodevises donnent des sueurs froides à ses comptables, puisque le groupe a récemment acté une perte de près de 690 millions de dollars sur ses bitcoins. Mais son CEO Michael Saylor n’en démord pas: il table sur une multiplication par 100 du bitcoin et transforme peu à peu son groupe en un fonds investi en cryptos.
Si les placements de trésorerie en lingots ou en cryptos devaient se multiplier, cela pourrait signifier que la météo financière vire à l’orage.
Voici quelques jours, c’est Palantir, le spécialiste des algorithmes permettant d’analyser de vastes champs de données (le big data), qui a annoncé investir dans l’or, et même plus précisément dans l’or physique. Oui, de vulgaires “lingots”, stockés quelque part dans le nord-est des Etats-Unis (non, on ne vous dira pas où). Certes, ce placement de Palantir, une cinquantaine de millions de dollars, est peu de chose par rapport à sa trésorerie (2 milliards de dollars), mais le groupe devrait poursuivre sa politique de diversification, et continuer à placer une partie de ses billes en or, mais aussi dans un portefeuille de cryptodevises.
Et puis vous le verrez en lisant l’étonnant article de mon collègue Frédéric Brebant, même une partie du salaire du footballeur argentin Lionel Messi, passé au Paris-Saint-Germain, lui sera versé en “PSG Fan Tokens”, des jetons numériques destinés à fidéliser la communauté des fans qui se négocient contre des devises traditionnelles sur le marché des cryptodevises.
Certes, derrière ces annonces, il y a souvent une action commerciale. Si Elon Musk, le fantasque patron de Tesla, a placé une partie de la trésorerie du groupe en bitcoins et a accepté le même bitcoin en paiement, c’est aussi pour s’adjuger une nouvelle clientèle et développer un système de paiement sans intermédiaire. Si l’entreprise Messi accepte des “PSG Fan Tokens”, c’est parce que le footballeur sait que cette simple annonce devrait doper la demande et le cours de ce token. Cela n’a d’ailleurs pas manqué.
Mais on restera attentif, ces prochains mois, à ce type d’initiatives. Car si elles devaient se multiplier, cela pourrait signifier que la météo financière vire à l’orage. Palantir justifie en effet cette diversification comme un moyen de se prémunir contre une perte de confiance soudaine dans la monnaie légale, en cette période où l’inflation montre à nouveau le bout de son nez et où les banques centrales continuent à émettre de la monnaie en veux-tu en voilà. Shyam Sankar, le COO du groupe, explique que “vous devez vous préparer à un avenir susceptible de générer davantage de cygnes noirs”. Peut-être. Mais est-ce que l’or ou le bitcoin constitueront le bon abri pour se protéger de ce sombre volatile?
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