Becarv vise la cour des grands: “le défi, c’est de maîtriser cette croissance, de grandir sans s’emballer”

fondée par Michaël Jeanty et son père Eric (ici de dos), Becarv a cons-truit sa réputation sur la conception et la fabrication d'équipements de biodécontamination, de stérilisation et de confinement. © Photos: PG
Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Cette PME basée à Rochefort fournit des équipements de stérilité et de confinement pour les géants de l’industrie pharmaceutique. Jean Stéphenne vient de rejoindre son conseil d’administration pour l’aider à grandir sereinement.

Michaël Jeanty n’a jamais eu peur de jouer dans la cour des grands. Quand il a créé le bureau d’engineering Becarv avec son père il y a 10 ans, il s’est directement orienté vers les géants de l’industrie pharmaceutique comme Pfizer ou GSK. “Quand elle est bien positionnée avec de bons produits, une toute petite entreprise peut devenir fournisseur de mastodontes, dit-il. Il ne faut pas avoir peur de travailler avec ces gros acteurs qui structurent le marché.” Becarv a construit sa réputation sur la conception et la fabrication d’équipements de biodécontamination, de stérilisation et de confinement. “Des mots que tout le monde connaît aujourd’hui, sourit Michaël Jeanty. Dans l’urgence, nous avons réussi à produire des équipements qui permettent de filtrer l’air et de confiner les appareils pour réaliser les tests covid de manière parfaitement stérile. Nous sommes une partie de l’équation pour répondre à cette crise et nous allons renforcer le positionnement de l’entreprise sur ce créneau.”

Nous sommes sur un marché très mouvant, avec l’arrivée de gros investisseurs américains en Wallonie.”

Michaël Jeanty, CEO de Becarv

Aujourd’hui, la PME rochefortoise réalise un chiffre d’affaires de deux millions d’euros et table sur une croissance de l’ordre de 15 à 20% pour les années qui viennent, grâce notamment à son savoir-faire technique pour la production de vaccins ou de thérapies cellulaires. Le défi, c’est de maîtriser cette croissance, de grandir sans s’emballer. “Nous ne vendons pas 1.000 petits appareils mais quatre grosses machines, explique le jeune CEO (36 ans). Nous dépendons donc des projets d’investissement de nos clients, il faut pouvoir assumer les bosses et les fosses inhérentes à ce business. Jusqu’à présent, notre carnet de commandes ne désemplit pas, cela montre que les clients sont satisfaits.” Revers de la médaille: quand vous avez, comme Becarv, de très gros clients, ceux-ci ont souvent de très gros besoins dans des domaines très variés et ils se tournent naturellement vers les fournisseurs qu’ils apprécient. “Il faut être vigilant et ne pas s’éparpiller chez le client, dit Michaël Jeanty. A nous de connaître nos limites et de garder le focus sur ce que nous faisons le mieux.”

Il y a quelques années, Becarv avait tenté de mettre un pied sur le marché de la biométhanisation. Du point de vue de l’ingénieur, les techniques mises en oeuvre ne sont pas très éloignées de celles utilisées dans les équipements de stérilisation de l’industrie pharmaceutique. La piste a toutefois été mise entre parenthèses pour vraiment concentrer toute l’expertise de Becarv sur ses créneaux pharmaceutiques de prédilection. “Mais nous gardons la green touch dans notre mode de fonctionnement, assure notre interlocuteur. Quand nous amenons une solution technique pour un client, nous devons toujours réfléchir à son impact environnemental.”

Un marché en pleine expansion

Si Becarv veut concentrer ses forces, c’est pour naviguer dans un marché en pleine expansion. Les petites biotechs ont aujourd’hui des produits en phase 2 ou 3 et doivent donc évoluer vers une étape industrielle, soit directement soit en passant par des sociétés de services (CDMO) qui confectionneront les produits pour elles. Ces CDMO se développent très rapidement en Wallonie, avec des noms comme Catalent, Univercells ou Thermo Fisher (ex-Novasep). “Il va y avoir un besoin croissant en équipements de stérilité et de confinement, poursuit Michaël Jeanty. Nous sommes fiers de faire partie de ces acteurs qui permettront de structurer ce marché, en développant des équipements produits en Belgique.” Cela implique de trouver le juste positionnement entre une production standardisée – nécessaire pour atteindre une certaine échelle – et la capacité d’adapter l’équipement aux besoins spécifiques du procédé de fabrication de tel ou tel médicament ou produit biotechnologique.

Michaël Jeanty, CEO de Becarv
Michaël Jeanty, CEO de Becarv

“Il faut bien comprendre le fonctionnement et les enjeux du marché pour se positionner efficacement”, résume le patron de Becarv. Le marché est très mouvant. Nous sommes loin du train-train avec des biotechs universitaires d’un côté et des multinationales de l’industrie pharmaceutique de l’autre. Aujourd’hui, de très gros investisseurs américains s’intéressent à ce qui se passe dans notre secteur en Wallonie. Pour bien mener ma barque dans un tel contexte, j’avais besoin de conseil.” Et comme il aime la cour des grands, Michaël Jeanty s’est tourné vers l’ancien patron de GSK Biologicals, Jean Stéphenne, et l’a invité à rejoindre le conseil d’administration de Becarv. “Nous nous étions déjà croisés, précise le CEO de Becarv. Nous avions commencé notre activité d’équipementier en répondant à de gros projets d’investissement de grandes entreprises. Cela avait attiré l’oeil des investisseurs et nous sommes restés en relation depuis.”

Le renouvellement du CA coïncide avec augmentation de capital d’un million d’euros, auprès de son partenaire historique Investsud et d’un nouvel actionnaire, l’invest liégeois Noshaq, très actif sur le secteur de la santé. Avec cet argent frais, Becarv compte donc structurer son offre de produits et financer de nouveaux programmes de recherche. L’entreprise réalise un tiers de son chiffre d’affaires à l’export, essentiellement vers la Suisse, un très grand marché pharmaceutique.

Mais le plus grand, c’est bien sûr les Etats-Unis. Michaël Jeanty y songe mais, fidèle à son tempérament, il ne veut surtout pas brusquer les étapes. “Notre projet suisse, nous l’avons développé avec un partenaire américain, explique-t-il. Je compte plutôt capitaliser sur ce partenariat – nous avons conçu ensemble des équipements que nous vendons en Europe – avant de plonger sur l’énorme marché américain.” L’entreprise devrait néanmoins participer à l’une ou l’autre mission économique, afin de sonder de nouveaux marchés et de croiser d’autres entrepreneurs. “Même si elles ne débouchent pas sur une augmentation du chiffre d’affaires, de telles missions nous apportent cette ouverture d’esprit dont nous avons cruellement besoin, confie Michaël Jeanty. Elles nous offrent, à nous patrons de PME, des opportunités uniques de rencontrer des dirigeants de grandes entreprises internationales.”

Un employeur qui s’implique pour la formation

Qui dit croissance, dit a priori création d’emplois (Becarv compte 22 ETP). Michaël Jeanty s’écarte ici du discours patronal classique par son regard positif. Il constate certes la difficulté à trouver les profils techniques et scientifiques dont il a besoin mais il tente, à son échelle, d’y répondre. D’une part, il s’implique dans la formation en accueillant des stagiaires et en encadrant des travaux de fin d’études. “On ne peut pas déplorer le fossé entre ce que nous attendons d’un collaborateur et ce que l’école attend d’un diplômé, et ne rien essayer pour améliorer les choses”, dit-il. D’autre part, il veille à entretenir de bonnes relations avec les acteurs de la formation (Forem, centres de compétences, etc.). “Les relations durables, il n’y a que cela qui marche, conclut Michaël Jeanty. Quand j’ai besoin de tel ou tel profil, je sais qui appeler.” Durant la pandémie, Becarv a ainsi accueilli un ingénieur du son et un monteur de scènes de spectacle qui avaient perdu leur job. “Aujourd’hui, quand on traverse l’atelier, la musique va un peu plus fort. Mais ils aiment ce qu’ils font et ils le font bien, c’est l’essentiel.”

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