Ann Larosse (ALD Automotive): “Nous constatons une croissance spectaculaire du leasing de vélos”

Ann Larosse (ALD Automotive): "Les jeunes travailleurs sont sensibles à l'environnement. Ils veulent une voiture émettant le moins possible de CO2." © FRANKY VERDICKT

Ann Larosse travaille depuis 22 ans chez ALD Automotive, leader européen de la location de véhicules de société. Elle a donc été aux premières loges pour suivre l’évolution de ce marché. Avec elle, nous avons parlé voitures diesel jadis toutes puissantes, installation de bornes de recharge à domicile et même éventualité d’un permis de conduire pour les “speed pedelecs”.

Ann Larosse a démarré chez ALD Automotive en 1999, quand le moteur diesel était encore roi. “A l’époque, se souvient-elle, on ne posait même pas de question sur le type de véhicule ou de moteur. On demandait simplement au client: “Que voulez-vous? Une VW Passat? Une Opel Astra?”. Et ces voitures fonctionnaient au diesel. C’est seulement en 2010 que les incitants fiscaux relatifs aux émissions de CO2 – c’est-à-dire les premiers pas vers une flotte plus écologique – ont fait leur apparition. Bien sûr, à l’époque, une voiture de société était déjà fiscalement intéressante, mais uniquement en tant qu’avantage salarial pour le travailleur”.

TRENDS-TENDANCES. Et puis soudain, il y a eu septembre 2015. Le groupe Volkswagen a dû avouer qu’il trafiquait la mesure des normes d’émissions.

ANN LAROSSE. Ce fut le point de basculement. A partir de 2015, le diesel n’a cessé d’être remis en question tandis que les véhicules électriques suscitaient un intérêt croissant. Mais le changement ne s’est pas limité aux voitures. Les travailleurs ne demandent pas que cela. Ils veulent aussi d’autres solutions en matière de mobilité. Jusque-là, ALD Automotive ne fournissait que des voitures. Nous avons donc dû reconsidérer notre business model, explorer d’autres pistes. C’est ainsi que j’ai évolué du rôle de consultante en leasing à celui de responsable du développement et de l’innovation et que nous avons créé un département de consultance distinct pour toutes les questions relatives à la mobilité. Nous avons également lancé une formule pour le leasing de vélos: ALD Bike, ce que j’appelle la “voiture plus”. Ce produit a démarré vers 2016 et nous continuons à l’améliorer en permanence.

Les jeunes travailleurs sont très sensibles à l’environnement. Ils veulent une voiture émettant le moins possible de CO2.

Vous limitez-vous aux vélos électriques?

Non. Nous donnons le libre choix. Il ne faut pas pousser les clients dans une direction spécifique car cela réduit vos chances de succès. Le principal, c’est que les gens optent pour le vélo. Peu importe qu’il s’agisse d’un vélo standard, d’un vélo électrique roulant à 25 km/h ou d’un s peed pedelec pouvant atteindre les 45 km/h. Le plus important, c’est que le trajet domicile-travail s’effectue de manière écologique. Et le leasing de vélos est un succès sur toute la ligne: nous sommes passés de 175 vélos début 2016 à 4.600 au début de cette année.

Cette évolution est peut-être aussi imputable aux plans cafétérias, qui permettent de rétribuer partiellement les travailleurs en nature?

En effet, le vélo est considéré comme un avantage salarial supplémentaire. Certaines entreprises l’intègrent donc dans leur stratégie RH, où il devient un avantage pour tous les travailleurs, qu’ils aient ou non une voiture de société. Le potentiel est considérable car cela peut concerner tout le personnel. Je l’ai dit, nous constatons une croissance spectaculaire de ce type de leasing. Et certaines entreprises ne nous louent plus de voitures mais seulement des vélos. Deux clients nous en ont d’ailleurs pris plus de 1.000.

Proposez-vous aussi un cours de conduite pour le “speed pedelec”?

En tous les cas, nous le recommandons. Un permis de conduire B suffit mais le speed pedelec est dangereux car on ne l’entend pas arriver. En outre, certains clients n’ont plus fait de vélo depuis 20 ans. Est-il bien judicieux de leur confier un s peed pedelec ? Faut-il une assurance particulière? Une chose est sûre: nos conseils sont beaucoup plus sollicités qu’il y a 20 ans.

Le domaine devient aussi beaucoup plus complexe, non?

Ce n’est plus du tout comme il y a 20 ans. Nous nous sommes réinventés. Nous devons évidemment connaître la fiscalité sur le bout des doigts. Nous devons aussi conseiller nos sociétés clientes pour leur transition vers une flotte verte. Nous les familiarisons aux voitures électriques et leur expliquons comment installer une infrastructure de recharge chez leurs collaborateurs.

Voyez-vous aussi une différence entre les travailleurs jeunes et leurs collègues plus âgés?

Absolument. Tout dépend de la situation familiale. Pour leur premier emploi, les jeunes fraîchement diplômés restent souvent dans la ville où ils ont fait leurs études. Ils n’ont alors pas besoin de voiture. Ils peuvent parfaitement se débrouiller avec les transports publics et le vélo.

Jusqu’à ce qu’ils fondent une famille…

En effet. Il faut en outre tenir compte de la crise sanitaire et du télétravail. Ceux qui doivent travailler chez eux veulent plus d’espace. Une terrasse et un jardin. Et ces jeunes fondent une famille après quelques années. Ils quittent la ville et ont alors besoin d’une voiture. Faire chaque jour 40 km aller/retour en vélo, c’est tout de même pousser le bouchon un peu loin. Ils envisagent donc une voiture mais ils veulent le modèle le plus écologique. Les jeunes travailleurs sont très sensibles à l’environnement. Ils veulent une voiture émettant le moins possible de CO2.

Quel sera l’effet du coronavirus sur le long terme?

Nous ne pouvons pas encore en estimer l’impact global. Mais les voitures de société parcourent moins de kilomètres. Cela ne pose pas de problème en soi car elles coûtent ainsi moins cher par mois à l’employeur. Je m’attends à un maintien de cette réduction du kilométrage. Le télétravail est désormais bien ancré. Je pense que les gens continueront à télétravailler deux jours par semaine. Avant, c’était plutôt un seul jour.

La vente de voitures électriques, surtout pour les véhicules de société, est en forte augmentation. Comment ALD Automotive réagit-elle à cette tendance?

Les entreprises jouent un rôle pionnier. Elles veulent montrer qu’elles font de leur mieux pour l’environnement. En 2016, le choix était encore assez limité. Il y avait la BMW i3, la Renault Zoe et la Tesla. C’était à peu près tout. Aujourd’hui, l’offre s’est considérablement étoffée. Elle ne demeure restreinte que dans le milieu de gamme, c’est-à-dire tout ce qu’il peut y avoir entre une Audi e-tron, le nec plus ultra, et la Renault Twingo, le modèle plus abordable. Nos deux voitures les plus louées l’année dernière étaient la Polestar 2 et la Tesla modèle 3.

Quels sont les éventuels problèmes pour la tarification des voitures de leasing électriques?

La détermination du prix de revient n’est pas si simple. Le calcul du loyer et de la valeur résiduelle ne pose guère problème mais il faut y ajouter un service supplémentaire: la recharge. On ne trouve pas des bornes partout et cette recharge n’est pas toujours rapide. Elle peut durer quatre à cinq heures dans certains cas. Voilà pourquoi la solution la plus évidente réside dans la recharge à domicile. Mais vous entrez alors dans la sphère privée du travailleur. Où habitez-vous? Avez-vous un garage? Comment votre installation électrique est-elle configurée? Nous avons déjà bien progressé en la matière. Nous avons une voiture électrique et une solution pour la recharge. Mais comment allons-nous gérer les données de recharge?

Ann Larosse (ALD Automotive):
© FRANKY VERDICKT

Pourquoi est-ce important?

Avant, nous calculions un tarif de leasing pour une période donnée. Par exemple, une voiture en leasing pour cinq ans. Aujourd’hui, nous parlons plutôt du coût total d’utilisation. Le prix de revient de l’électricité est un autre facteur non négligeable mais le coût de la recharge diffère selon qu’elle s’effectue à la maison, sur le réseau public ou au travail. Ces données sont collectées et doivent être traitées via une plateforme centralisée. Nos clients doivent savoir si leurs collaborateurs rechargent leur voiture aux endroits adéquats. Ils doivent pouvoir consulter ces informations en toute simplicité. Où l’utilisateur a-t-il effectué sa recharge et combien cela a-t-il coûté? Les prix de la recharge sont en effet extrêmement variables. Si les travailleurs rechargent toujours leur voiture via le réseau public, cela coûtera aussi cher qu’un moteur diesel. Le prix d’un kilowatt-heure peut varier de 30 centimes à domicile à 70 centimes à une borne publique. Nos clients, les entreprises, veulent pouvoir mesurer et, si possible, ajuster cette tarification.

Déterminer le prix de revient n’est pas si simple. Le calcul du loyer et de la valeur résiduelle ne pose guère problème mais il faut y ajouter un service supplémentaire: la recharge.

Combien de bornes de recharge privées ALD Automotive a-t-elle installées l’année dernière?

Nous avons deux systèmes de recharge. Pour les voitures de type plug-in hybride, nous utilisons des câbles de recharge intelligents. Vu l’autonomie de 50 à 100 kilomètres maximum, une borne n’est pas nécessaire. La recharge via le câble dure en moyenne sept heures. Elle mesure en outre l’électricité chargée, de sorte que nous pouvons rembourser le travailleur pour ce coût à domicile. L’année dernière, nous avons installé 1.000 câbles et 400 bornes de recharge.

Que proposez-vous pour les transports en commun?

Nous avons la formule MaaS ( Mobility as a Service). Une application à installer sur votre appareil mobile vous permet d’acheter des titres de transport ainsi que de planifier votre trajet. Cela dit, elle ne remporte pas encore un franc succès et ne compte qu’une poignée d’utilisateurs. La balance penche toujours pour la voiture plus le vélo et non la voiture plus MaaS. Difficile de concurrencer une voiture qui est toujours garée dans l’allée et prête à démarrer. Même si vous avez une application qui indique quand vous devez partir et détermine le meilleur trajet. On est toujours obligé de marcher jusqu’à l’arrêt, d’attendre et de côtoyer d’autres personnes dans les transports en commun. C’est moins confortable, même si vous rendez l’application la plus conviviale possible.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content