AB InBev… et après ? Les conséquences pour les investisseurs

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Vincent Degrez Journaliste

Si personne ne trouble la cérémonie, AB InBev et SABMiller convoleront en justes noces dans la seconde moitié de 2016. Cette mégafusion est-elle vraiment une bonne nouvelle pour les investisseurs ?

L’offre est désormais bouclée, les deux géants brassicoles se sont accordés sur son montant : AB InBev compte débourser 112 milliards d’euros pour s’offrir son concurrent SABMiller. Tout n’est évidemment pas encore joué. Les autorités de régulation, par exemple, doivent encore approuver cette méga-fusion, la 3e de l’histoire en taille.

AB InBev, SABMiller et la question chinoise à 1 million de dollars

De ce point de vue, “AB InBev a bien préparé les choses“, estime Ken Shea (Bloomberg Intelligence). “La vente des 58% de MillerCoors détenus par SABMiller, à Molson Coors, devrait largement apaiser les régulateurs américains. Car la part de marché d’AB ne changera guère aux États-Unis, aux alentours de 45%.”

Le problème sera plutôt de contenter les régulateurs chinois, prévient Ken Shea : “AB InBev y détient une part de marché de 14%, qui grimperait à 37% avec SABMiller. Que fera le nouveau géant ? C’est la question à 1 million de dollars. AB InBev a déjà annoncé qu’il travaillerait avec les régulateurs chinois pour trouver une solution. Il pourrait conserver sa part de marché mais donner une part majoritaire aux Chinois. Ou vendre des marques.”

Signalons à ce sujet que le portefeuille combiné d’AB InBev et de SABMiller atteint pas moins de 158 marques de bière, de Budweiser à Spykes pour le premier, et de 2M à Zubr pour le second. Compléter son portefeuille de marques est évidemment l’une des deux raisons majeures expliquant l’opiniâtreté d’AB InBev à racheter le n° 2 mondial, l’autre étant d’améliorer son positionnement géographique.

Comment AB InBev pourra-t-il encore créer de la croissance ?

Cette fusion est-elle seulement bonne pour l’investisseur ? “Elle est aujourd’hui excellente pour l’actionnaire“, répond Francesco Curto (Deutsche Asset & Wealth Management), interrogé par Bloomberg.

Et pour l’avenir ? Francesco Curto fait part de ses doutes : “Voici un groupe qui détiendra 30% du marché mondial de la bière. Il est pour l’instant très difficile de voir comment l’entreprise pourra encore faire croître ses activités, son business, et aller de l’avant. Or, si les actionnaires ne voient plus de croissance, l’entreprise pourrait bien devenir un ‘dividend yield play’.”

Le “dividend yield play” est une stratégie d’investissements assez populaire. Elle consiste en gros à se baser sur le versement des dividendes pour acheter ou vendre les actions d’une entreprise donnée.

“Parfois, le management ne se préoccupe pas de protéger les intérêts des actionnaires, mais de construire des empires”

En outre, que nous enseigne l’histoire en matière de méga-fusions, lorsqu’une entreprise en arrive à détenir une énorme part de marché ? “Voyez General Motors voici vingt ans, ou encore Tesco”, cite le spécialiste interrogé par Bloomberg. “Les entreprises nées d’une mégafusion commencent à s’interroger sur la façon de dépenser leur cash.” Une montagne de liquidité souvent dégagée avec de vastes et inévitables opérations de réduction des coûts.

“Parfois, ces entreprises ne rendent pas cet argent à leurs actionnaires. Or, si je suis un ‘value investor’ (investisseur qui achète des actions qu’ils juge sous-évaluées par le marché, NDLR), je veux que le meilleur management possible protège et serve mes intérêts. Parfois, pourtant, le management ne se préoccupe pas de protéger les intérêts des actionnaires, mais de construire des empires. C’est un souci du point de vue de l’investisseur.”

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