Société de Bourse indépendante de Belgique: “Goldwasser, un label de qualité”

La troisième génération au pouvoirDe gauche à droite: Raphaël et Alexandre Goldwasser, Alain Guigui et Jonathan Goldwasser. © DANN

Depuis trois générations, la famille Goldwasser accompagne ses clients dans la gestion de leur épargne, en bon père de famille. Si le métier a évidemment évolué depuis les débuts du patriarche, la société de Bourse n’a pas changé son ADN pour autant: elle met toujours la relation humaine au centre de ses activités.

L’histoire débute à Anvers dans le quartier des diamantaires au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Adolf Goldwasser, dit Dolly, est comptable et responsable administratif auprès de plusieurs diamantaires. Il est alors contacté par la maison Drogné, un agent de change bien connu de la place bruxelloise, qui souhaitait bénéficier de sa réputation d’intégrité et de rigueur pour développer une activité dans la Métropole. Dolly Goldwasser devient ainsi agent de change et se lance à Anvers dans le commerce des devises et de l’or. Rapidement, le bureau local prend de l’ampleur. Dolly devient associé chez Drogné.

“Au début des années 1980, mon papa m’a demandé de le rejoindre, se rappelle André Goldwasser. Moi, à l’époque, je travaillais chez IBM après avoir obtenu mon diplôme d’ingénieur civil à l’ULB. Les associés envisageaient de prendre leur retraite et il fallait préparer la suite. J’ai donc rejoint le bureau bruxellois, y ait fait un stage afin de décrocher le titre officiel et obligatoire d’agent de change. De fil en aiguille, le départ des associés a donné naissance, en 1986, à Goldwasser Exchange.”

Trente-six ans plus tard, Goldwasser Exchange est toujours là, avenue Demeur à Saint-Gilles, et même en pleine expansion. De nos jours, les sociétés de Bourse indépendantes comme celle-là se comptent pourtant sur les doigts des deux mains. Un déclin qui est dû à l’évolution de la régulation. “Auparavant, les agents de change avaient le monopole de l’ordre en Bourse, se souvient André Goldwasser. Beaucoup de sociétés ou d’agents de change indépendants avaient dès lors les banques comme clientes. Ce qui n’a jamais été notre cas. Quand ces banques ont été autorisées à opérer elles-mêmes, ce fut la fin des agents de change en personne physique. Pour subsister, il leur aurait fallu monter une structure administrative et financière. Beaucoup en ont été incapables.”

Sous certains aspects, nous fonctionnons comme une banque. Sauf que nous sommes petits et qu’il faut pouvoir assumer…

Quand il a créé Goldwasser Exchange en 1986, André Goldwasser a donc choisi d’étendre les activités historiques aux transactions boursières et à la gestion de fortune. Il est parti d’une base de clients fidèles, à Anvers. Dans la cité portuaire, il était coutumier d’entendre “In Dolly, we trust!“, par analogie à la devise officielle des Etats-Unis, imprimée sur chaque dollar.

Goldwasser était un label de qualité, se souvient André Goldwasser. Le nom inspirait confiance. Le fait que je sois le fils de Dolly et que j’aie travaillé quelques années avec lui m’a ouvert bien des portes. Les clients qui avaient toute confiance en lui sont restés. Certains sont d’ailleurs toujours là. Ou alors leurs enfants. A Anvers, tout marchait à la confiance. La relation personnelle était cruciale. Les clients étaient intéressés par l’humain, pas par la structure qu’il y avait derrière. Cela s’est imposé aussi à mes fils et mon neveu quand ils sont entrés dans la société.”

Spécialisation

En effet, le début des années 2000 voit arriver la troisième génération. Celle qui va propulser l’entreprise familiale dans une autre dimension. Alexandre est le premier à rejoindre son père après avoir décroché son diplôme en droit à l’Université Bar-Ilan dans la banlieue de Tel-Aviv. Il sera suivi par son frère Raphaël dès l’obtention de son diplôme à l’Ichec en 2004. Aujourd’hui, ce dernier est responsable de la partie financière de Goldwasser Exchange: comptabilité, comptabilité des clients, investissements, gestion discrétionnaire, etc. “Quand je suis arrivé, nous avions un petit bureau dans le quartier des diamantaires, se souvient Alexandre. Nous avons développé petit à petit d’autres activités comme les titres. A l’époque, la FSMA (l’autorité belge des services et marchés financiers, Ndlr) nous avait bien fait comprendre que pour une petite société comme la nôtre, c’était plus intelligent de se spécialiser. Nous nous sommes alors focalisés sur les obligations. Elles étaient prisées par notre clientèle qui aimait prendre des risques professionnels mais voulait un produit sûr pour l’épargne. En 2008, nous avons ainsi lancé Oblis.be, un site d’information sur les obligations. Sa fréquentation demeure très élevée aujourd’hui. Cette spécialisation, qui nous a protégés de la crise de 2008, a attiré des gens qui n’avaient rien à voir avec notre milieu. C’est ce produit-là qui a permis, au début, d’élargir l’horizon de Goldwasser Exchange.”

Dolly et André GoldwasserC'est quand le fils a rejoint le père, en 1986, que la société a pris son envol.
Dolly et André GoldwasserC’est quand le fils a rejoint le père, en 1986, que la société a pris son envol.© PG

En 2013, André Goldwasser va un cran plus loin. Il décide d’ouvrir le capital à deux autres personnes. D’abord son neveu Jonathan Goldwasser. Ce diplômé de l’école polytechnique de l’ULB travaillait depuis sept ans chez Engie (centrales électriques, éolien onshore, etc.). Il a apporté à la direction la compétence IT qui lui faisait défaut. Ensuite, Alain Guigui, ancien copain de classe de Jonathan et avocat fiscaliste chez CMS-De Backer, qui est donc passé du barreau aux aspects juridiques et de compliance de la société de Bourse.

Goldwasser Exchange est une société sous statut, confie ce dernier. L’agrément comme société de Bourse n’est pas facile à obtenir. Etre dépositaire est un sérieux atout. Depuis 1902, année de création de ce statut, la réglementation n’a fait que s’amplifier. Sous certains aspects, nous fonctionnons désormais comme une banque. Sauf que nous sommes petits et qu’il faut pouvoir assumer… Cette régulation et la digitalisation galopante ont parfois été dures à avaler pour certaines structures. Ce qui nous a sauvé, c’est que nous avions toutes les compétences dans le comité de direction. Désormais, Goldwasser Exchange ne dépend plus de personne.” “Le régulateur est puissant et pointilleux, renchérit André Goldwasser, mais il est juste et correct. L’épargne est bien protégée chez nous.”

Multiplié par 40

Aujourd’hui, Goldwasser Exchange emploie 13 personnes. La société gère 460 millions d’euros. En 2004, c’était 12,5 millions… L’entreprise a donc sérieusement diversifié sa clientèle. “Il y a toujours les clients intéressés par les obligations, poursuit Alexandre. Mais quand leur taux a baissé, il y a eu une transformation avec des clients plutôt axés sur la gestion discrétionnaire avec une approche plus traditionnelle. Vu la persistance des taux bas et l’incertitude, cette gestion a pris de l’ampleur car elle rassure et tranquillise. Le marché de l’épargne est grand en Belgique. Il y a de la place pour tout le monde. Nous ne sommes pas dans le créneau des ultra-riches même si on les accueille avec plaisir! (Rires) Je m’explique: quand vous avez une grosse fortune, vous allez être bien accueilli partout. On va vous inviter à Francorchamps ou à Roland-Garros. Quand on est un ‘simple’ épargnant avec 500.000 euros par exemple, il semble qu’on ne retrouve plus aujourd’hui un vrai service auprès d’une banque. C’est ce que des clients récemment arrivés nous expliquent. Ils sont perturbés par le côté déshumanisé des banques avec leur call center, le gestionnaire qui change tout le temps, etc. Ce que nous proposons, les banques ne le font plus la plupart du temps. Un vrai lien, un vrai niveau d’accessibilité, un échange d’idées, une facilité de passer des ordres sans trop de contrainte, etc. La plupart sont d’ailleurs passés directement par téléphone. Nos clients aiment parler à un être humain qui connaît leurs besoins et impératifs. Et comme nous faisons tout nous-mêmes, nous avons la réponse à tout ce qui se trouve sur le bordereau. Des services financiers à visage humain, cela a toujours été la marque de fabrique de la famille.”

Le marché de l’épargne est grand en Belgique. Il y a de la place pour tout le monde.

“Nous n’avons qu’une seule stratégie, renchérit Raphaël. C’est la gestion en bon père de famille. C’est parfois compliqué à comprendre quand les Bourses sont bonnes. Mais dans des années comme celle que nous vivons, cela permet de rester zen. Personne ne nous a demandé de vendre quoi que ce soit jusqu’ici. Ce qui nous importe c’est que le client profite des hausses, certes plus modérément, mais soit protégé des baisses et évite de céder à la panique.”

Un visage humain, donc, mais avec une solide infrastructure informatique derrière, pour remplir son rôle de dépositaire et assurer un back-office performant notamment via Goldwasser Online, une interface qui permet aux clients de consulter l’évolution de leur portefeuille sur tous les supports et même de visualiser les intérêts d’obligations et les dividendes d’action à venir.

Et demain?

Comme bon nombre d’institutions financières, Goldwasser Exchange est toutefois frappée par la pénurie des talents. De son aveu, trouver du personnel qui allie de vraies qualités humaines et des compétences financières et techniques dans le marché est un véritable défi. Parti en pension l’esprit serein en 2017, André Goldwasser ne se montre cependant pas trop inquiet pour la suite, attendant de voir émerger la quatrième génération.

“Vu tout ce qui a été accompli, maintenir le même esprit serait formidable, conclut-il. Il y a beaucoup d’enfants mais il est beaucoup trop tôt pour les imaginer dans l’entreprise. Et il n’existe pas de pacte d’actionnaire en ce sens. Mais ce qui me touche, c’est que ce soit une société familiale qui porte le nom de la famille. Ce nom, c’est devenu un label.”

“On me demande parfois comme se gère la situation d’outsider dans une société familiale, sourit Alain Guigui. En fait, je ne le ressens pas comme ça. Nous sommes dans une situation apaisée entre professionnels qui connaissent leur métier sur le bout des ongles. Nous avons créé un climat favorable pour les clients mais aussi pour nous. Franchement, c’est une situation idéale pour permettre aux enfants de continuer.”

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