Samy Chaar (Lombard Odier): “En 2023, nous devrions éviter le scénario du pire”

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Au lendemain de la décision de la Banque centrale européenne de relever ses taux de 50 points de base, décision accompagnée d’un discours vigoureux de lutte contre l’inflation, nous avons rencontré à Genève deux responsables de la banque Lombard Odier, le chief investment officer Stéphane Monier et le chief economist Samy Chaar.

“Globalement, pour ces prochains mois, nous avons un terrible défi dans chacun des trois grands blocs économiques, note d’emblée Samy Chaar. Aux États-Unis, nous avons une inflation tirée par la demande domestique, qui a poussé la Réserve fédérale américaine à avoir des niveaux de taux très élevés ; en Europe, il y a la crise énergétique qui alimente l’inflation ; et en Chine, il faut piloter la réouverture de l’économie et apaiser les tensions dans le marché immobilier. Ce sont trois défis très différents. Ils ne vont pas se résoudre dans les semaines qui viennent. Mais il me semble que dans chacun de ces défis, nous sommes en train d’éviter le scénario du pire”, ajoute le chief economist. Voici quelques mois, on parlait encore de possible choc énergétique disruptif en Europe, de fermeture prolongée de l’économie chinoise et d’une inflation toujours agressive aux Etats-Unis, rappelle-t-il.

Ce relatif apaisement porte la banque suisse à présenter des prévisions un peu moins pessimistes que ses consoeurs. Pour l’an prochain, Lombard Odier table en effet sur une croissance de 0,7% aux Etats-Unis et de 0,4% pour la zone euro. Le consensus prévoit plutôt une croissance de 0,4% aux Etats-Unis et une récession de 0,1% en Europe.

Un premier semestre marqué par l’effort

“Cela va dans la bonne direction, même si la première partie de 2023 va être marquée par l’effort, poursuit Samy Chaar. Car les banquiers centraux veulent s’assurer que l’on ne passe pas trop rapidement à une phase de reprise”. Mais ce souci s’exprime différemment selon les banques centrales.

Les États-Unis semblent en effet avoir passé la première phase, qui était de remonter les taux pour combattre l’inflation, et semble désormais s’acheminer vers la deuxième : un maintien des taux à un niveau élevé pour étouffer tout réveil de la hausse des prix.

En Europe, en revanche, on est toujours en “phase un”, celle du resserrement. Le conseil des gouverneurs de la BCE a annoncé jeudi non seulement porter le taux directeur européen à 2,50% mais aussi prévoir de nouvelles hausses en février et en mars. En Chine, la configuration est totalement différente : pour empêcher une crise immobilière, et accompagner la sortie de confinement de l’économie pour faire en sorte que la croissance du pays retrouve une moyenne de 4%, les taux sont plutôt en phase de relâchement.

C’est surtout la décision de la BCE qui étonne un peu Samy Chaar. L’économiste souligne en effet que les prix du gaz se sont assagis, que les stocks européens sont pleins et que dans un hiver trop rude, les capacités européennes devraient aborder l’été prochain avec encore 50 à 60% dans les réservoirs (alors que les années précédentes, le niveau était plutôt à 20%). La BCE aurait donc pu être un peu plus “cool”.

Obligations de qualité

Quelles sont les implications de tout ceci en matière d’investissement ? “L’année 2022 a vu une performance à la fois négative en actions et en obligations, ce qui n’était arrivé que deux fois depuis 1929, souligne Stéphane Monier : en 1931 et en 1969”. Et si l’on regarde l’histoire, les années qui ont suivi ont vu au moins une classe d’actifs rebondir : en 1932 les obligations repartaient de l’avant, et en 1970, c’étaient à la fois les actions et les obligations qui affichaient à nouveau des performances positives.

Même si le scénario du pire s’éloigne, le baromètre économique mondial de Lombard Odier reste encore dans une zone de contraction l’an prochain. “Et quand l’activité décélère, les obligations, en général, surperforment”, note Stéphane Monier. La stratégie de la banque restera donc prudente, en privilégiant les crédits de qualité et en sous pondérant encore les actions, avec une exception : les actions pharmaceutiques et les actions bancaires, ces dernières étant généralement sous-valorisées. Et puis les mois qui viennent devraient encore être ceux du dollar : Lombard Odier estime que le billet vert devrait encore s’apprécier de 4 à 5% au premier semestre de l’an prochain.

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