“Les banques doivent être préparées à des scénarios difficiles”, selon la BNB

Daan Killemaes Economiste en chef de Trends Magazine (NL)

La pandémie du covid est à peine digérée que l’inflation en forte hausse et l’incertitude concernant la guerre en Ukraine soumettent les banques et les assureurs belges à un nouveau test de résistance. “Cette incertitude, plus grande que jamais, exige une attitude flexible et proactive de la part de nos institutions financières. Ils doivent être capables de calculer et d’absorber des scénarios difficiles”, déclare Jean Hilgers, directeur à la Banque nationale chargé de la surveillance du secteur financier.

Mais tout d’abord, la bonne nouvelle. Selon le nouveau test de résistance du secteur fait par la Banque nationale, les institutions financières belges seront en mesure de résister aux turbulences de l’année 2022. La solvabilité des banques et des assureurs est plus que solide. La rentabilité est également en bonne voie. En 2021, les banques ont enregistré un bénéfice net de 7,9 milliards d’euros, notamment grâces aux dispositions prises pendant la pandémie. Pour les assureurs, l’impact des inondations de l’année dernière a été limité car ils s’étaient réassurés. Banques et assurances ont donc une capacité suffisante pour absorber d’éventuelles pertes sans mettre en difficulté tout le système financier.

Un ralentissement important de la croissance en vue

Mais cette solide base n’est pas un luxe, car si l’économie est encore en pleine croissance, un ralentissement important se prépare, notamment à cause des factures énergétiques élevées avec lesquelles les entreprises et les ménages se débattent. “Le nombre de défauts de paiement semble être sous contrôle dans les entreprises. Toutefois, les banques doivent examiner chaque cas individuellement et intervenir de manière proactive si nécessaire. Plus tôt cela sera fait, mieux ce sera”, déclare Jean Hilgers. Pour les ménages aussi, l’impact semble être maîtrisé pour l’instant. La proportion de familles qui n’arrivent plus à joindre les deux bouts n’augmente pas pour l’instant, notamment grâce à l’extension du tarif social de l’énergie.

Hausse des taux

Outre le ralentissement de la croissance, les banques et les assureurs doivent également faire face à la hausse des taux d’intérêt, dans le sillage d’une inflation élevée. En principe, une hausse des taux d’intérêt est une bonne nouvelle pour le secteur financier. Les banques peuvent gagner une marge financière plus élevée lorsque les taux d’intérêt augmentent et les assureurs peuvent vendre davantage de polices d’assurance-vie. “Mais une hausse soudaine et trop rapide des taux d’intérêt peut être problématique”, précise Jean Hilgers. “Une hausse rapide des taux d’intérêt peut avoir un effet de gel sur l’économie, et donc c’est une mauvaise nouvelle pour les portefeuilles de prêts des banques. La hausse des taux d’intérêt pèse également sur la valorisation des actifs plus risqués des banques. Et les banques se financent à hauteur de 400 milliards d’euros par le biais des comptes courants et d’épargne. Si les taux d’intérêt augmentent, cet argent peut dès lors se déplacer aisément à la recherche du taux d’intérêt le plus élevé. Grâce à la numérisation, il est aujourd’hui facile de transférer son épargne d’une banque à l’autre.”

L’incertitude économique actuelle fait que la Banque nationale ne souhaite pas encore normaliser la politique macroprudentielle. Au début de la pandémie, le gouvernement fédéral a débloqué le “coussin” de fonds propres contracyclique, ce qui a donné aux banques une marge de manoeuvre supplémentaire pour maintenir les prêts aux entreprises et aux ménages. La Banque Nationale conseille au gouvernement de ne pas encore réintroduire ce coussin, précisément pour éviter que le ralentissement de la croissance ne soit amplifié par un ralentissement du crédit.

Un oeil sur le marché immobilier

Traditionnellement, la Banque nationale garde également un oeil sur le marché de l’immobilier, source de risques éventuels pour les banques. La dette hypothécaire des ménages a atteint des niveaux record, en même temps que les prix des logements, et ce, pandémie ou pas. Un quart du bilan total des banques belges est investi dans l’immobilier résidentiel ou commercial. Une correction sur ces deux marchés immobiliers pourrait donc nuire aux banques belges. La Banque nationale s’en tient donc à une politique consistant à demander aux banques d’améliorer la qualité de leurs portefeuilles de crédits hypothécaires, par le biais d’un certain nombre de recommandations. “Ces recommandations ont été bien suivies par le secteur. La part des prêts plus risqués a diminué, sans pour autant rendre plus difficile l’obtention d’un prêt pour les jeunes emprunteurs”, explique Jean Hilgers.

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La qualité du portefeuille de prêts hypothécaires est donc meilleure. Toutefois, en raison de la plus grande vulnérabilité financière des ménages, il est encore trop tôt pour soulager le secteur d’un “coussin” de fonds propres supplémentaire d’environ 2 milliards d’euros pour les banques, qui calculent leurs exigences minimales de fonds propres sur la base d’un modèle de risque interne. “Ces modèles de risque sous-estiment généralement le risque car la Belgique n’a jamais connu de crise immobilière. En cas de choc, les pertes potentielles seraient donc sous-estimées”, explique Jean Hilgers.

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