Le bazooka de la BNB: un mauvais système?

© Belgaimage
Sebastien Buron
Sebastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Le système de garantie publique mis en place par le gouvernement pour soutenir les entreprises face à la crise expose trop nos banques, selon l’agence de notation Moody’s.

La garantie publique octroyée par l’Etat pour les prêts aux entreprises touchées par la crise du coronavirus serait moins solide que chez nos voisins. C’est du moins l’avis de Moody’s, qui estime que les banques belges prennent plus de risques que celles des pays voisins, et s’exposent à davantage de pertes.

Dans une analyse publiée ces jours-ci, l’agence de notation souligne que ” le système des tranches prévoit que les pertes soient entièrement couvertes par les banques, à moins d’un ralentissement économique nettement plus significatif qu’anticipé actuellement ” et que ” les banques du pays pourraient, de ce fait, être amenées à augmenter sensiblement leurs provisions pour risque de crédit “. Avec comme conséquence, souligne Moody’s, une mise sous pression de leur rentabilité.

Si la crise se prolonge…

Pour mémoire, le gouvernement fédéral a mis en place début avril une garantie publique qui doit permettre aux banques de soutenir les entreprises impactées par la crise. Par le biais de la Banque nationale, l’Etat s’engage ainsi à garantir 50 milliards de nouveaux prêts. C’est le fameux bazooka du ministre des Finances Alexander De Croo.

Contrairement à ce qui a été mis en place en France et en Allemagne, où les pouvoirs publics garantissent la quasi-totalité des nouveaux crédits aux entreprises, il a été convenu chez nous que la première tranche de 3 % de pertes ( first loss, dans le jargon bancaire) serait entièrement supportée par le secteur financier, soit un effort minimum demandé aux banques de 1,5 milliard d’euros (3 % x 50 milliards).

Comme le souligne Eric Dor, professeur à l’IESEG de Lille, ” ce n’est que si la crise se prolonge et que si davantage de dossiers de crédit tournent mal que l’Etat interviendra davantage “. C’est-à-dire lorsque les défauts seront compris entre 3 et 5 % du portefeuille de crédits : la moitié des pertes sera alors supportée par l’Etat et l’autre moitié par les banques. Au-delà, 80 % des pertes seront supportées par les caisses publiques et seulement 20 % par le secteur financier.

Paradoxe

En résumé, comme le dit Moody’s, ” la garantie belge est moins attrayante que la garantie française, confirme Eric Dor. On peut dès lors comprendre que nos banques soient moins enclines à prêter puisqu’elles n’ont aucune idée de l’intervention de l’Etat, laquelle pourrait d’ailleurs être nulle si les pertes restent peu élevées “.

Est-ce donc pour cette raison que le bazooka de la BNB démarre si lentement et que le nombre de nouveaux crédits accordés aux entreprises dans le cadre de ce régime de garantie publique reste jusqu’ici relativement limité ? Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce n’est pas impossible. D’autant que, comme le mentionnait la semaine dernière dans notre magazine le patron de la Sowalfin, Jean-Pierre Di Bartolomeo, bon nombre d’entreprises touchées par la crise ne voient pas dans un crédit-pont à 12 mois une solution de nature à soulager leur trésorerie et sont demandeuses d’une extension de la garantie à des prêts d’une durée plus longue (jusqu’à 36 mois, par exemple). Affaire à suivre…

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content