Filtrage des investissements: le risque d’une “tuyauterie belge”

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

La Belgique va filtrer les investissements étrangers. Objectif? Eviter que des pays hostiles ne mettent la main sur des sociétés présentant des intérêts stratégiques.

La législation belge relative au mécanisme de filtrage des investissements étrangers doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Bien des domaines sont concernés: énergie, eau, santé, communications médias, aérospatiale, défense, infrastructures électorales ou financières, technologies, etc.

Jean-Quentin De Cuyper, avocat associé au sein du cabinet Willkie Farr & Gallagher LLP à Bruxelles, y voit une nécessité stratégique mais craint que la complexité belge ne constitue un désavantage concurrentiel face aux autres pays européens. “Personne ne conteste la nécessité d’imposer un filtrage de ce type d’investissements, dit-il. Vu ce qu’il s’est passé ces derniers mois, c’est une réglementation qui s’imposait d’autant plus. Par contre, le régime en projet, caractérisé par la complexité institutionnelle belge, soulève quelques doutes.”

Dans les sept pays ayant déjà mis en oeuvre un tel système (France, Allemagne, Italie, etc.), Jean-Quentin De Cuyper constate que cela n’a guère posé de problème, d’après le dernier rapport européen: “1.793 dossiers avaient été examinés mais seuls 2% d’entre eux ont finalement été interdits et 7% ont été abandonnés par les investisseurs pour des raisons diverses. Le nombre de dossiers traités est important mais le filtrage final est réduit”.

Six mois de délai?

Chez nous, la “tuyauterie” sera plus complexe. La Belgique va créer une Commission de filtrage interfédéral (CFI) composée des neuf entités pour superviser le tout. L’avocat regrette qu’il n’y ait pas de délai prévu pour le premier examen du dossier et jusqu’à cinq mois pour évoquer les problèmes éventuels entre les différentes entités. “En France, tout doit être réglé en 75 jours ouvrables. Si, comme le prévoit le texte actuel, on peut aller au-delà de cinq ou six mois chez nous, je crains que cela ait un impact négatif sur les investissements étrangers en Belgique.”

Le risque le plus important? Un litige entre les différents niveaux de pouvoir. “Imaginez qu’un investisseur étranger souhaite racheter une usine d’armement, que les Flamands approuvent et que les Wallons s’insurgent, cela pourrait tout bloquer, conclut-il. C’est sur ce point-là que je suis le plus sceptique.”

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