Contre les taux d’intérêt négatifs… Épargnants, rebellez-vous !
Nouveaux produits, nouveaux services, efforts d’information: les banques ne ménagent pas leurs efforts pour convaincre les épargnants de se rebeller contre les taux négatifs et franchir le pas de l’investissement.
Bonne nouvelle pour tous les clients de Belfius qui en ont marre de voir leur épargne ne rien rapporter. Depuis quelques jours, ils peuvent placer une partie de leurs économies en Bourse grâce à une toute nouvelle plateforme de courtage en ligne.
Toutes les banques aujourd’hui chassent dans la même direction: la vente et la gestion de produits de placement.
Baptisée Re=Bel (lisez Rebel) et totalement intégrée dans l’appli de la banque, celle-ci leur donne accès à pas moins de 40.000 actions et plus de 300 ETF (fonds qui répliquent des indices) sur plus de 25 marchés boursiers. “Une première en Belgique, voire en Europe et au monde, lance Olivier Goerens, directeur du marketing private banking & wealth de Belfius. Tous nos clients y ont accès gratuitement. Avec elle, ils peuvent investir dans des thématiques durables telles que les énergies renouvelables, la mobilité ou encore l’égalité des genres. Il suffit de quelques clics pour acheter des actions.”
Différence stupéfiante
Acheter des actions plutôt que de laisser “rouiller” son argent sur un compte d’épargne. Le message est clair. “Les clients doivent comprendre que s’ils n’investissent pas, ils perdent du pouvoir d’achat à cause des taux d’intérêt négatifs et de l’inflation, poursuit Olivier Goerens. Notre ambition est de démocratiser l’investissement en Bourse en le rendant plus compréhensible. La plateforme est particulièrement innovante de ce point de vue-là. Il y a un concept éducatif. Des experts expliquent ce qui motive leurs investissements, un moteur de recherche intuitif permet de trouver une action sur la base de simples mots-clés. Le mot ‘batterie’, par exemple, renseignera les actions Tesla et Umicore.” Côté tarif, aucun seuil d’entrée n’est imposé et aucun droit de garde n’est facturé. Pour les achats jusqu’à 2.500 euros, des frais de 6 euros (et 3 euros pour les actions cotées sur Euronext Bruxelles) seront prélevés.
Arrivant avec un outil se voulant différent et très compétitif, Belfius n’est du reste pas la seule à encourager ses clients à se rebeller contre la politique menée par la Banque centrale européenne (BCE). Première officine du pays, BNP Paribas Fortis invite également ses clients à passer à l’action. “L’extrême faiblesse des taux d’intérêt rend improductifs les comptes d’épargne où dorment pourtant des sommes colossales. Le contexte est donc particulièrement propice à un passage de l’épargne à l’investissement, explique Valéry Halloy, porte-parole francophone de BNP Paribas Fortis. Nous posons dès lors les questions suivantes à notre client: Quels sont vos revenus? Quel montant pouvez-vous épargner chaque mois? Etes-vous propriétaire ou locataire de votre habitation? Quels sont vos objectifs financiers à court/moyen/long terme? Ces informations donnent une image claire de la situation personnelle et financière. C’est sur cette base entre autres que nos conseillers déterminent quels placements ils peuvent recommander. Pour encourager nos clients à investir de manière responsable, nous pouvons également leur montrer que le pouvoir d’achat de leurs avoirs d’épargne diminue au fil des années suite à l’inflation qui dépasse le taux d’intérêt garanti. A long terme, le différentiel entre un capital investi et un capital sur le compte d’épargne peut s’avérer stupéfiant”, précise-t-il.
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Décourager les dépôts
Au-delà des exemples de Belfius et BNP Paribas Fortis, toutes les banques aujourd’hui chassent à vrai dire dans la même direction: la vente et la gestion de produits de placement. Si les applications digitales aident à franchir le pas, auxquelles le coronavirus a par ailleurs dopé l’usage, “des freins subsistent, note Renaud Deschamp, porte-parole chez ING Belgique. Il y a des craintes et des idées reçues, parmi lesquelles l’impression qu’il faut disposer de beaucoup d’argent pour investir, ou encore qu’investir nécessite un suivi permanent des marchés boursiers”.
En fait, nos dépôts n’intéressent plus les banques! Pourquoi? Parce qu’elles croulent sous les liquidités des épargnants et que le virus n’a rien arrangé. Privés de restaurants et de voyages, les Belges ont en effet épargné 20 milliards d’euros en plus en 2020. Et cela continue. Rien que sur les quatre premiers mois de l’année, les sommes parquées sur les comptes d’épargne chez KBC/CBC ont encore progressé de plus de deux milliards. Le problème, c’est que les banques n’arrivent plus à remplacer tous ces dépôts par des crédits. Le volume des dépôts qui entrent excède celui des crédits qui sortent. Avec comme conséquence qu’elles sont obligées de parquer ces excès de liquidités auprès de la BCE à des taux négatifs. D’où cette volonté de décourager les épargnants et l’afflux de dépôts. Car plus les banques arrivent à convaincre leurs clients d’activer leur épargne, plus elles dégagent d’autres sources de revenus et moins elles sont dépendantes des taux d’intérêt.
Dernièrement dans notre magazine, le CEO de Deutsche Bank Belgium, Olivier Delfosse, ne s’en cachait d’ailleurs pas. Il indiquait que ceux qui étaient attachés aux carnets d’épargne fortement rémunérés de la banque n’avaient probablement plus de raison aujourd’hui d’être clients chez elle plutôt qu’ailleurs, et qu’il n’était pas dans ses intentions de relancer de tels carnets d’épargne à haut rendement. Au contraire, “il est clair que si toutes les grandes banques venaient à imposer des taux négatifs sur les dépôts d’épargne, nous serions probablement dans l’obligation de suivre”, disait-il.
Appétit croissant
Conséquence de tous ces efforts? “Nous constatons une forte augmentation des investissements en 2021“, observe-t-on chez ING. Chez KBC/CBC, la plateforme de trading Bolero enregistre une hausse de 40% des transactions sur les six premiers mois de l’année tandis que le cap des 20 milliards d’euros investis dans des fonds durables et socialement responsables vient ainsi d’être franchi. Chez BNP Paribas Fortis, “les investissements programmés via notre solution Flexinvest, accessible dès 30 euros par mois, sont très populaires, indique Valéry Halloy. Un appétit croissant pour les fonds et les assurances branche 23 au détriment des obligations et les assurances branche 21 est aussi à noter dans les tendances actuelles. Quant à notre robot Lucy, il a enregistré une croissance de 80% en nouveaux contrats au cours des six derniers mois”. Chez Belfius aussi, les nouveaux fonds axés sur l’avenir qui investissent dans des problématiques telles que celles liées au climat ou à la lutte contre le cancer connaissent un beau succès. Si bien que Re=Bel ne s’articule pas sur des catégories classiques d’actions (finance, distribution, etc.) mais autour de plusieurs thématiques sociétales (mobilité du futur, égalité des genres, etc.). Et si une action ne se retrouve pas dans l’une de ces différentes thématiques durables (comme celle du géant du tabac Philip Morris, par exemple), un message apparaîtra sur l’écran de votre smartphone pour vous mettre en garde, sans toutefois empêcher l’achat du titre. “Fonctionner de la sorte et avec des thématiques sociétales permet de faire résonner chez le client quelque chose qui le concerne et rend l’investissement plus accessible“, conclut Olivier Goerens.
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