Axa invente l’indexation plafonnée des salaires

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Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

L’assureur Axa n’indexera pas les salaires au-delà d’un plafond de 5.400 euros. Une décision qui pourrait en inspirer d’autres, selon l’avocat Herman Craeninckx, spécialiste du droit du travail.

Quand le monde politique tourne en rond, ce sont souvent les initiatives des entreprises qui ouvrent la voie. Nous le voyons avec les solutions technologiques dans la lutte contre le réchauffement climatique et nous l’entrevoyons peut-être aussi avec les adaptations de notre mécanisme d’indexation automatique des salaires. Axa a en effet annoncé que les salaires de ses employés ne seront pas indexés au-delà des premiers 5.400 euros bruts. L’assureur prend ainsi l’initiative – et c’est plus que symbolique puisque cela concerne un quart de ses effectifs – sans attendre un très hypothétique accord gouvernemental sur une révision de l’indexation des salaires.

Un employeur peut-il déroger unilatéralement à l’obligation d’indexer les salaires? “Cette obligation ne porte que sur les salaires barémiques, répond Herman Craeninckx, avocat spécialisé dans le droit du travail au cabinet Strelia. Il était certes d’usage de l’appliquer à l’ensemble des salaires, y compris donc à ceux qui sont supérieurs à ces barèmes, mais il me semble parfaitement légal de dénoncer cet usage pour revenir à la convention collective du secteur.” Côté syndical, l’interprétation juridique n’est pas la même, notamment quant au poids de l’usage par rapport à la lettre d’un texte légal.

Des recours seront sans doute introduits quand la mesure entrera en vigueur en janvier prochain. Le ministre de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne (PS) est également remonté contre l’assureur. “C’est une gifle au visage des travailleurs qui se dépensent chaque jour sans compter pour leur entreprise et voient aussi augmenter leurs coûts, a-t-il déclaré au Parlement. Compte tenu des profits importants d’Axa, je ne pense pas que les clients ou les travailleurs doivent supporter la hausse des coûts de l’entreprise.”

Herman Craeninckx est, lui, convaincu que l’initiative fera tache d’huile. “C’est une sorte de détonateur, dit-il. En voyant l’option prise par Axa, de nombreuses entreprises se posent la question de l’indexation des hauts salaires. En soi, l’indexation est une bonne chose pour soutenir le pouvoir d’achat. Mais à partir d’un certain niveau de rémunération, faut-il vraiment adapter le salaire à l’évolution du coût de la vie?”

Je préconise une autre piste: défiscaliser l’indexation au-delà d’un certain seuil.” – Herman Craeninckx (Strelia)

Atténuer le coût

Tous les secteurs ne pourront pas s’engouffrer dans la brèche. Certaines commissions paritaires ne limitent en effet pas l’indexation automatique aux seuls salaires barémiques. Il existe malgré tout des possibilités d’en atténuer le coût pour les entreprises, par exemple baisser la base de calcul de l’indexation en transformant une partie de la rémunération en avantages extralégaux. “Je préconise une autre piste: défiscaliser l’indexation au-delà d’un certain seuil, dit Herman Craeninckx. Si l’on tient compte, d’une part, des cotisations patronales et, d’autre part, des cotisations personnelles et du précompte professionnel, une indexation de 10%, c’est 5-6% net pour le travailleur mais un coût de 12,5% pour l’employeur.” La différence entre ce coût réel et l’indexation nette, c’est toutefois ce qui finance la sécurité sociale. Mais si cette sécurité sociale doit payer plus d’allocations de chômage car les entreprises restructurent, personne ne sortira gagnant du bras de fer.

Herman Craeninckx (Strelia)
Herman Craeninckx (Strelia)© PG

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