En désarmant les mécanismes de défense du client, le rappel de la liberté agit comme un baume
Petits mots, grands effets. Voici trois leviers simples et naturels pour fluidifier vos ventes, en respectant les besoins inconscients qui conditionnent la création de la confiance chez les clients. Attention : comme tous les outils de persuasion, il est indispensable de n’en faire usage qu’avec éthique et bienveillance.
Pour qu’on se rappelle qu’elles sont bien ouvertes, certaines portes méritent d’être régulièrement enfoncées. C’est le cas de la question de la liberté de choix. Certes, aucun vendeur ne peut forcer qui que ce soit à acheter, à choisir tel modèle plutôt qu’un autre. L’achat n’est pas une injonction externe et son “moteur” reste la prérogative exclusive du client. Pourtant, la pression existe bel et bien, dans l’enfer de la consommation. L’influence, la persuasion, le matraquage, la manipulation et l’agression quasi permanents des marchés que sont devenus nos espaces publics et numériques nous amènent à nous considérer comme des victimes. On nous inflige des désirs qui nous affligent, dit Alain Souchon. Sollicités de toutes parts, constamment invités à prendre, bénéficier, acheter, cliquer, nous engager, nous avons développé une forme de résistance, de méfiance et parfois de paranoïa à l’égard de toute tentative de pression commerciale.
C’est là qu’interviennent ces quelques mots magiques : “vous êtes absolument libre de décider” et “c’est vous qui choisissez”. Bien sûr, le néocortex sait que tout consommateur est libre de ses choix et même, parfois, de se tromper sans conséquences, tout protégé qu’il est par un arsenal juridique de plus en plus étoffé. Pourtant, quiconque prononce, à bon escient, la formule magique de la liberté, se voit instantanément nimbé de l’auréole de la probité professionnelle !
Cette réaction s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs, dont la réduction de la réactance, soit la tendance à se rebeller contre ce qui contraint. En désarmant les mécanismes de défense du client, le rappel de la liberté agit comme un baume sur ce réflexe. Le consommateur qui se souvient qu’il détient le pouvoir de choisir se sent moins assiégé et plus disposé à écouter, ce qui satisfait son besoin d’autonomie et d’autodétermination. En rappelant explicitement au client que la liberté de choix lui appartient, le vendeur répond directement à ce désir. Enfin, quand la liberté de choisir est mise en exergue, toute démarche effectuée par la suite par le consommateur porte la marque de son engagement personnel, ce qui rend ses décisions plus satisfaisantes puisqu’elles sont alors perçues comme pleinement volontaires, implicitement consenties.
La restriction des choix
Pouvoir choisir ne signifie pas pour autant que cela soit facile ! C’est ici que se noue un autre paradoxe commercial : nous adorons avoir du choix, mais détestons choisir. Cette contradiction illustre la manière dont un excès d’options peut paralyser plutôt qu’émanciper et provoquer l’inconfort, voire la fatigue décisionnelle. Face à une foule de possibilités, l’individu est submergé, ce qui pèse sur sa capacité à prendre des décisions éclairées. Ce phénomène, loin d’être anodin, constitue à lui seul une forme d’ironie en notre ère de surabondance : plus les options sont nombreuses, plus il est difficile de trancher, ce qui conduit à la paralysie de l’indécision, au regret de n’avoir pas opté pour toutes les possibilités et, dans certains cas, à un mal-être profond. D’où l’importance de simplifier les choix et de guider le consommateur vers des décisions qui favoriseront son bien-être et sa satisfaction.
Ainsi un client appréciera-t-il, sans s’en rendre compte, qu’un commercial le guide, quitte à fortement restreindre ses choix, pour lui en faciliter l’accès plutôt que de l’abandonner à une surabondance de possibilités toutes plus frustrantes les unes que les autres. Vous pourrez donc aider l’acheteur à éliminer des options, en rendant la comparaison plus contrastée, plus nette, et orienter avec délicatesse son désir. L’important est qu’il reste maître de sa décision, pourvu qu’elle soit facile à prendre.
“Sollicités de toutes parts, nous avons développé une forme de résistance, de méfiance et parfois de paranoïa à l’égard de toute tentative de pression commerciale.”
L’anti-vente
Instinctivement, le client s’attend à ce que vous lui présentiez vos produits et services sous leur meilleur jour, quitte à les embellir. Il est préparé à affronter grandes promesses et habiles bonimenteurs. C’est là qu’un soupçon d’honnêteté le désarme, surtout si celui-ci incite le vendeur à s’auto-dénigrer ou à égratigner son produit (à condition que cette critique ne constitue pas un frein à la volonté d’achat). Ainsi, avouer que l’entreprise a fait fausse route par le passé sur un segment de clientèle, qu’une clause doit être éliminée du contrat ou qu’un produit premium n’apporte pas, à vos yeux, la plus-value qui justifie son prix, va provoquer inconsciemment chez le client un regain de confiance dans votre capacité à le guider en fonction de ses intérêts et non des vôtres ou de ceux de l’entreprise.
En “dévendant”, vous devenez subitement son allié, à l’image de cette récente campagne publicitaire française financée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, où l’on voyait un “dévendeur” conseiller de préférer à l’achat d’un bien de consommation courante la réutilisation, la réparation ou la location, provoquant le doute puis la sympathie du client ainsi pris au dépourvu. Retenez toutefois que c’est la dose qui fait le poison. Ne passez pas votre temps à médire de vos produits ou de votre entreprise : une simple allusion, rapidement diluée dans un conseil judicieusement orienté, suffira.
Chacun de ces leviers peut être utilisé seul, à n’importe quel stade de la transaction commerciale, à condition que vous restiez à la fois subtil, sincère et respectueux de l’intérêt du client. Ils ont aussi la particularité de pouvoir se combiner et se compléter l’un l’autre. Ainsi écouterez-vous à l’avenir d’une oreille bien plus experte une tirade comme celle-ci : “Alors, pour votre machine à expresso, vu les besoins et le budget que vous m’avez décrits, je ne vois que trois modèles possibles. Enfin, trois, c’est beaucoup dire. Vous allez me trouver bien piètre vendeur mais je vous déconseille celui-là. Vous payerez plus cher un design qui n’amène aucune qualité réelle par rapport aux deux autres et l’esthétique n’était pas votre première priorité. Quant à ces deux-là, ma foi, vous êtes absolument libre de votre choix. L’une est un peu plus chère pour quelques options intéressantes, l’autre les sacrifie pour un prix plus bas et un fonctionnement plus simple, plus intuitif. Les deux sont d’excellents achats, vous ferez de toute façon un bon choix. J’ai personnellement un coup de cœur pour la plus évoluée, parce que j’aime varier la force et l’amertume de mes cafés mais c’est tout à fait personnel, c’est vous qui décidez.”
Vous êtes donc totalement libre d’utiliser ces trois outils pour accélérer vos ventes. Je vous déconseille cependant d’y recourir si vous n’êtes pas absolument convaincu du bien-fondé de la démarche, dans l’intérêt souverain du client, sans quoi vous passeriez de l’influence positive à la tentative d’escroquerie pure et simple. Mais c’est vous qui choisissez, n’est-ce pas ?
Retrouvez la chronique de Laurent De Smet, alias Dr Sales, spécialiste dans l’expérience commerciale, managériale et marketing B to B, tous les deuxièmes jeudis du mois dans Trends-Tendances.
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