Taxe sur les plus-values pour la crypto : la Belgique entretient le flou fiscal, encore une occasion manquée

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Carte blanche

La saga fiscale belge autour des cryptoactifs a pris une tournure aussi inattendue que décevante.

Ce qui semblait être une occasion historique de clarifier enfin le traitement fiscal des plus-values sur les cryptomonnaies s’est soldé par une occasion manquée lors du dernier cycle de négociations de l’accord de coalition De Wever I. Les espoirs d’une « contribution de solidarité », uniforme de 10 %, sur tous les bénéfices, qu’ils proviennent d’une gestion normale ou anormale de patrimoine privé, ont été anéantis à la dernière minute.  

 À défaut d’avoir pu consulter le texte légal, les rapports disponibles laissent entendre que la distinction entre gestion normale et anormale est maintenue, de même que le taux de 33 % applicable aux plus-values considérées comme spéculatives. En tant qu’avocat fiscaliste, je vois déjà arriver les premiers dossiers, mais en tant que citoyen, je ne peux que regretter cette occasion manquée de sécurité juridique. Les projets de texte qui donnaient espoir début 2025 promettaient une simplification bien nécessaire. Une contribution de solidarité de 10 % sur les plus-values à partir du 1er janvier 2026, indépendamment de la gestion normale (anormale), mettrait enfin fin à l’ambiguïté sur ce qui est exactement imposable en tant que « gestion normale » par rapport à « gestion anormale ».

Cette distinction, qui est en pratique aussi vague que le brouillard d’un matin de novembre, a causé de la frustration parmi les investisseurs en crypto pendant des années. Est-il spéculatif de trader quelques fois par an ? Et si vous mettiez une partie importante de vos actifs en crypto ? Ou si vous effectuez une transaction intelligente qui rapporte un profit substantiel ? Personne ne le sait exactement, car il n’y a pratiquement pas de jurisprudence qui offre des indications. L’administration fiscale, toujours en quête de recettes supplémentaires, a donc carte blanche pour qualifier les plus-values de spéculatives à volonté et exiger 33 %. 

Le gouvernement était confronté à une occasion unique d’éliminer cet arbitraire. Un taux uniforme de 10 % – sauf pour ceux qui agissent professionnellement et qui relèvent des revenus professionnels – aurait non seulement apporté une sécurité juridique, mais aussi une confiance dans le système fiscal belge. Au lieu de cela, le gouvernement opte pour un statu quo qui ne fait qu’alimenter la cupidité des autorités fiscales. Ceux qui déclarent soigneusement leurs plus-values à 10 % risquent une évaluation dans laquelle les autorités fiscales réclament avec désinvolture 23 % supplémentaires, arguant que la transaction était « spéculative ».   Les 10 % comme outil de contrôle.  Le résultat ? Un flot potentiel de discussions et de procédures fiscales sur la question de savoir s’il faut ou non agir normalement. Une tâche presque impossible, puisque les critères sont si flous que l’interprétation en pratique équivaudrait à l’arbitraire du responsable du traitement. 

Le maintien du taux de 33 % pour la prise en charge anormale n’est pas une décision neutre ; c’est un choix qui perpétue l’insécurité juridique et creuse le fossé entre les citoyens et les autorités fiscales.

Les politiciens ne semblent pas comprendre les conséquences pratiques de leurs choix de compromis. Le maintien du taux de 33 % pour la prise en charge anormale n’est pas une décision neutre ; c’est un choix qui perpétue l’insécurité juridique et creuse le fossé entre les citoyens et les autorités fiscales. En pratique, cela entraînera plus de litiges, plus de stress pour les investisseurs et, avouons-le, plus de travail pour les avocats comme moi. Mais ce qui profite à la profession de fiscaliste, c’est l’ensemble de la société qui le perd. La certitude juridique est la pierre angulaire d’un régime fiscal équitable, et en s’en tenant à une distinction désuète et vague, le gouvernement gâche cette occasion.  

L’investisseur en crypto se retrouve dans une zone grise et incertaine du droit fiscal, où chaque transaction est un champ de mines potentiel. Les contrôles plus stricts qui viendront à partir de 2026 en raison de la directive européenne DAC8, qui oblige les plateformes de crypto-monnaies à déclarer les transactions, ne feront qu’augmenter la pression. L’administration fiscale reçoit plus de données, mais en l’absence de règles claires, il reste à savoir ce qui est imposé à 10 % et ce qui est imposé à 33 %.  Le résultat est un système qui semble non seulement complexe, mais aussi fondamentalement injuste. En tant que citoyen, je ne peux m’empêcher d’être indigné. C’était le moment de démêler l’enchevêtrement fiscal autour des cryptoactifs. Au lieu de cela, le gouvernement opte pour une solution timide qui laisse la porte grande ouverte aux discussions et aux procédures. Les seuls gagnants ? Les avocats qui seront autorisés à lutter contre les contentieux fiscaux dans les années à venir.  

Mais pour l’investisseur en crypto en Belgique par rapport aux autres États membres, c’est une pilule amère à avaler. Cela aurait pu être différent, et cela aurait dû être autrement. 

Dave van Moppes, associé et avocat chez Tuerlinckx Tax Lawyers 

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