Poussée de fièvre sur les taux d’emprunt face aux besoins de réarmement

Les taux d’emprunt des États européens grimpent en flèche sur les marchés, Allemagne en tête, face aux dépenses colossales qui se profilent pour financer les projets de réarmement du continent.

Partout en Europe, les taux sur le marché obligataire, où s’échange la dette déjà émise, ont connu mercredi une poussée fiévreuse rarement vue sur une séance.

Que se passe-t-il sur le marché de la dette ?

Le taux auquel emprunte l’Allemagne sur dix ans, appelé le Bund, a connu mercredi sa plus forte progression depuis la réunification en 1990.Jeudi, il continuait de grimper à 2,86% vers 14H30 GMT. Le rendement des obligations françaises à 10 ans a bondi à 3,57% jeudi en séance.

Fin décembre, ils évoluaient respectivement à environ 2,35% et à 3,20%.”Ce qui a causé cette réaction est l’accumulation de nouvelles: les annonces sur les plans de relance économique et de défense en Allemagne et puis le plan pour réarmer l’Europe de 800 milliards d’euros annoncé par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, après tous les éléments géopolitiques survenus dès vendredi avec le +clash+ entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky”, explique Philippe Tranchet, directeur de la gestion obligataire de Mandarine Gestion.

Pourquoi les taux flambent-ils ?

Pour financer l’augmentation des dépenses, les États se tourneront vers les marchés, où “il va falloir trouver des acheteurs”, explique Aurélien Buffault, gérant obligataire de Delubac AM. Pour cela, “il faut offrir aux investisseurs une rémunération supplémentaire, c’est pour cela qu’on voit les taux monter”.

Pour le gérant de Delubac, le changement politique de l’Allemagne implique également un changement de référentiel pour les marchés financiers européens. “Le taux allemand est la référence sur les marchés financiers”, le pays étant la première économie européenne et un très bon élève en matière de dette, ce qui en fait jusque là un placement sûr et rassurant pur les investisseurs, explique M. Buffault.

“Si la France avait pris cette décision de manière isolée, on n’aurait probablement pas eu un mouvement de cette ampleur-là dans la zone”, poursuit le gérant obligataire.”Les investisseurs deviennent globalement plus prudents”, mais “je ne pense pas que le statut de +valeur refuge+ des emprunts d’État allemands soit menacé”, avance Andreas Lipkow, analyste indépendant.

Selon lui, la Banque centrale européenne (BCE) continuera à jouer “un rôle essentiel” dans l’évolution des taux.

Les pays européens ont-ils les moyens d’emprunter plus cher ?

Face au mur des dépenses qui se présente, tous les pays en Europe n’ont pas les même capacités. “Si l’Allemagne peut se permettre de s’endetter davantage, pour la France c’est plus compliqué”, compte tenu de ses difficultés à contenir son déficit public, commente Aurélien Buffault.

Le président de la République Emmanuel Macron a laissé entendre mercredi qu’un nouvel effort budgétaire difficile attendait les Français, avec “des réformes, des choix, du courage”. En Allemagne, toutes les dépenses de défense dépassant le seuil de 1% du produit intérieur brut (PIB), ne seront plus décomptées dans le dispositif constitutionnel du “frein à l’endettement”, d’après le projet présenté par le futur chancelier Friedrich Merz mardi soir.”

Le fait de pouvoir sortir toutes les dépenses de la défense du déficit budgétaire donnera des marges de manœuvre supplémentaires”, explique Philippe Tranchet.Du côté de la Commission européenne, le plan présenté par sa présidente Ursula von der Leyen pour “réarmer l’Europe” évoque la possibilité pour les États membres d’accroître sensiblement leurs dépenses militaires sans que cela soit pris en compte dans leur déficit.

Cela aura-t-il des conséquences sur les finances des citoyens ?

Ce resserrement des conditions financières intervient alors que l’activité de la zone euro reste faible et que s’ajoute la menace de droits de douane brandie par Donald Trump.En Europe, “les conséquences sur les consommateurs dépendront ainsi des politiques de rigueur qui seront menées”, commente Aurélien Buffault.

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