Une anomalie qui dure

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Danny Reweghs
Danny Reweghs Journaliste

Presque toutes les crises financières de ces deux dernières décennies trouvent leur origine dans le monde dit développé. Simultanément, peu d’investisseurs pensent à aller voir du côté des émergents, qui n’ont pourtant plus connu de problèmes fondamentaux depuis des décennies.

Alors que le monde financier est confronté à de graves problèmes de liquidité ou de solvabilité, voire, pire, à une crise à part entière, peu d’investisseurs s’intéressent aux marchés émergents – qui n’ont, eux, pas connu de crise financière significative depuis les années 1990. C’est pour le moins étonnant. Certes, tout le monde se souvient de la crise asiatique, née en Thaïlande en juillet 1997; le taux de change s’étant effondré, les taux d’intérêt se sont envolés pour tenter de sauver ce qui restait de la monnaie, étouffant l’économie locale. La débâcle s’est ensuite propagée à la quasi-intégralité de l’Asie, puis à l’Amérique latine. Mais depuis, à l’exception de quelques marchés “frontaliers”, comme l’Argentine ou la Turquie, le monde émergent n’a plus vécu de vraie crise financière.

Cette myopie de l’investisseur nous a toujours intrigué, et nous fascine à présent totalement. Prenant tout le monde par surprise, la Silicon Valley Bank s’est récemment effondrée et Credit Suisse n’a survécu que grâce à sa fusion avec UBS. Des centaines de milliards de capitalisation boursière sont partis en fumée. Voici donc un nouvel exemple de crise survenue dans des pays développés. Or, que constate-t-on? Que le secteur bancaire des pays émergents ne connaît toujours pas de problèmes fondamentaux.

Chaos occidental

Presque toutes les crises financières de ces deux dernières décennies trouvent leur origine dans le monde dit développé. Sur des continents industrialisés riches comme les Etats-Unis et l’Europe, les cas de fraude se sont succédé. La grande crise financière de 2007-2009 avait elle aussi débuté aux Etats-Unis. La spéculation effrénée sur des produits dérivés du marché immobilier américain avait fait imploser les bilans de nombreuses institutions financières occidentales. La faillite de l’emblématique Lehman Brothers, en 2008, avait annoncé la crise financière la plus grave de l’histoire de l’après-guerre. Le renflouement des banques européennes “indestructibles” est encore dans toutes les mémoires. S’est ensuivie la crise de l’euro, qui a fait plonger les pays du Sud de la zone en récession. Encore un fiasco dont l’épicentre se trouvait en Occident…

Pendant ce temps, la bulle japonaise des années 1990 se dégonflait lentement, après que des surcapacités gigantesques et la spéculation boursière et immobilière eurent mené à des excès dans le secteur financier tokyoïte. Là encore, le chaos touchait un pays développé.

Ecart de valorisation

On le voit: la grande majorité des crises de ces 20 dernières années ont pris naissance dans le monde industrialisé. Simultanément, les investisseurs restent prêts à payer des valorisations extrêmement élevées pour des entreprises occidentales cotées en Bourse. L’indice américain S&P 500, par exemple, affiche un ratio cours/bénéfice moyen de 18. Or c’est dans les pays émergents, où le rapport cours/bénéfice est de l’ordre de 11 en moyenne, que se trouve la vraie valeur. L’investisseur bénéficie donc là d’une décote significative sur son panier d’actions par rapport à son équivalent occidental.

Longtemps, cette décote a été justifiée par la faiblesse des bilans de nombreux gouvernements et entreprises et donc, par les risques de crise. Aujourd’hui, la situation est totalement inversée: les résultats de l’Occident, au niveau tant des Etats que du secteur financier, laissent à désirer. Pour en revenir à eux, rappelons que les Etats-Unis présentent un déficit public abyssal et une balance des paiements des plus déséquilibrée. De ce point de vue, l’écart de valorisation par rapport aux émergents nous semble plutôt difficile à expliquer. L’investisseur peut tirer profit de cette anomalie en augmentant le poids de ces marchés dans son portefeuille. En optant par exemple pour le tracker iShares Core Emerging Markets ETF (27,49 euros; Euronext Amsterdam: ticker EMIM NA, code ISIN IE00BKM4GZ66).

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