Danny Reweghs

Solution de facilité

Danny Reweghs Journaliste

A l’expérience de l’impôt sur la fortune avait succédé celle de la taxe sur la spéculation. Les investisseurs ayant massivement adapté leur comportement, la taxe a été supprimée. Le troisième essai aura-t-il été le bon?

En pleine crise, nous sommes agréablement surpris de pouvoir accueillir tant de nouveaux investisseurs, surtout jeunes. Bienvenue! La constatation est d’autant plus réjouissante que les nouveaux venus en Bourse se sont faits rares ces dernières années. Le traumatisme provoqué par la crise bancaire a longtemps découragé l’épargnant d’investir en actions; mais plus de 10 ans se sont écoulés depuis, et le spectre de ces années noires s’estompe désormais.

L’on sait combien le Belge est sensible à l’aspect fiscal, y compris en ce qui concerne ses investissements. Pour l’attirer vers la Bourse, la dichotomie qui consiste à avoir d’une part une exonération du compte d’épargne et d’autre part, une taxation spécifique des investissements (en actions), pour tenter d’alimenter le Trésor, n’aide évidemment pas.

Un peu d’histoire

A l’expérience de l’impôt sur la fortune, qui ne s’est jamais vraiment concrétisé, avait succédé celle de la taxe sur la spéculation, c’est-à-dire l’imposition des plus-values sur les actions, la spéculation étant décrite comme l’achat et la revente d’actions dans les six mois. Les plus-values étaient imposées à 33%, alors que les moins-values n’étaient jamais compensées. Les investisseurs ayant adapté leur comportement, la taxe a été supprimée. Le troisième essai aura-t-il été le bon? Non car l’an dernier, la Cour constitutionnelle a annulé (sans effet rétroactif, hélas) la taxe de 0,15% l’an sur les comptes-titres de plus de 500.000 euros, laquelle n’est plus d’actualité pour les revenus de 2020.

L’on pourrait s’attendre à ce que le gouvernement ait tiré les enseignements de ses précédentes tentatives, qui avaient provoqué beaucoup d’agitation et bien des difficultés pour un rendement limité et un résultat purement symbolique. Or il revient sur son idée de taxe sur les valeurs mobilières; pour tenir compte des observations de la plus haute juridiction, l’impôt resterait fixé à 0,15%, mais il frapperait les comptes-titres de plus d’un million d’euros.

Equité

La communication marketing est au point, puisque la taxe, dont le produit annuel est estimé à 300 à 400 millions d’euros, est vendue comme une “contribution de solidarité” des plus riches aux soins de santé. Jamais dans l’histoire, la dette publique n’a autant augmenté en un an qu’en 2020. La pandémie aurait pu être (nettement) mieux gérée et la facture, dès lors, beaucoup plus limitée, mais elle aurait existé de toute façon. On comprend donc cette quête de fonds. Ce que l’on comprend moins, en revanche, c’est que la solidarité soit unilatérale: qui a investi trois millions d’euros dans l’immobilier, l’art ou les ancêtres, est manifestement dispensé de se montrer solidaire envers le secteur de la santé. Nous plaidons en faveur d’une fiscalité équitable, en ce compris sur les investissements. Mais ce point ne semble pas être à l’agenda de la Vivaldi qui, comme tant de ses prédécesseurs, opte pour la solution de facilité.

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