L’industrie automobile européenne en retard sur l’électrique

© Stellantis via Getty Images

En pole position à l’ère des moteurs thermiques, les constructeurs automobiles européens sont en train de se laisser distancer par leurs concurrents d’autres régions avec l’avènement des véhicules électriques. Leurs actions plongent… ce qui offre des opportunités d’achat.

Les chiffres de vente sont formels : l’électrification se poursuit. Aujourd’hui, 17 % des nouveaux véhicules vendus dans le monde sont électriques ou hybrides (contre 14 % en 2022).

La Chine a encore remporté la palme de la production de véhicules électriques l’an dernier : quelque 65 % des véhicules rechargeables ont été produits par un constructeur chinois. Les véhicules fabriqués dans l’empire du Milieu sont destinés au marché intérieur, mais aussi à l’exportation. Ils inondent notamment le Vieux Continent. Craignant une concurrence déloyale, la Commission européenne a ouvert une enquête sur les importations de véhicules électriques chinois, qui bénéficient de subventions importantes susceptibles de faire baisser artificiellement leurs prix. Les droits de douane sur ces véhicules pourraient dès lors augmenter.

L’américain Tesla, qui avait été le premier à se lancer sur le segment, est passé à l’offensive en diminuant ses prix lorsque le chinois BYD lui a ravi la première place du palmarès des voitures vendues au quatrième trimestre de 2023. Elon Musk a aussi annoncé le licenciement de 10 % environ de ses effectifs. Contrairement à ses concurrents, cela fait déjà un certain temps que Tesla n’avait pas lancé de nouveaux modèles. Une guerre des prix peut être bénéfique aux consommateurs, mais jamais aux actionnaires.

Les constructeurs européens, eux, chouchoutent leurs actionnaires, en rachetant des actions propres et en versant des dividendes. Nous en passons quatre en revue.

BMW ne baisse pas ses prix

Le constructeur allemand de voitures de luxe, qui possède également les marques Mini et Rolls Royce et produit aussi des motos, a clos une bonne année 2023 : les volumes de vente ont augmenté de 6,4 %, à 2,5 millions de véhicules, et le mix produits a été favorable. Une fois de plus, BMW a consacré une enveloppe faramineuse (environ 8 milliards d’euros) à la recherche et au développement. La direction table sur une légère croissance pour 2024, car le lancement de nouveaux modèles devrait stimuler la demande de la part des consommateurs. La marge d’Ebit (bénéfice d’exploitation/chiffre d’affaires ou CA) devrait sensiblement égaler celle de 2023. L’entreprise s’est fixé pour objectif une marge de 8-10 %, soit moins que l’objectif à long terme d’au moins 10 %.

Les belles performances de BMW lui ont également permis de récompenser les actionnaires. La direction a proposé un dividende de 6 euros par action, qui correspond au ratio de distribution de 30 à 40 % visé par le constructeur, tout en offrant aux actionnaires un rendement supérieur à 5 %. Le président du conseil d’administration, Oliver Zipse, a récemment indiqué que BMW n’avait pas l’intention de baisser ses prix, dans la mesure où elle est l’une des marques automobiles les plus convoitées au monde et que le positionnement premium justifie de débourser plus.

Mercedes-Benz rétribue généreusement ses actionnaires

La marque allemande Mercedes-Benz est le leader du marché des voitures de luxe. Elle couvre aussi le segment sportif, avec sa marque AMG, et propose également des financements à ses clients. Si nous avons à plusieurs reprises vanté les mérites de Mercedes-Benz ces dernières années, force est de constater que le cru 2023 et le premier trimestre de 2024 incitent moins à l’enthousiasme. Heureusement, les actionnaires pourront à nouveau, comme attendu, bénéficier d’un dividende de 5,30 euros par action, soit un rendement d’environ 7 % au cours actuel. Le constructeur a par ailleurs annoncé un généreux programme de rachat d’actions, de 3 milliards d’euros (environ 4 % de la capitalisation boursière). La direction de Mercedes-Benz pronostique pour 2024 un CA stable et un bénéfice d’exploitation en légère baisse sur un an.

Stellantis a réussi sa fusion

Ce constructeur européen né de la fusion entre Peugeot et Fiat Chrysler Automobiles est principalement actif en Europe et en Amérique du Nord. Parmi les marques les plus connues de son portefeuille figurent Peugeot, Opel, Chrysler, Jeep, Dodge, Fiat, Alfa Romeo et Maserati. Stellantis a vu ses CA et bénéfices pulvériser leurs records, en 2023. Le groupe a vendu 6,2 millions de véhicules (+7 %) et profite toujours de synergies. Le bénéfice net a augmenté de 11 %, le cash-flow disponible, de 19 %. Les actionnaires sont choyés, avec un plan de rachat d’actions de 3 milliards d’euros, soit environ 4 % du flottant. Le rendement du dividende est supérieur à 6 %.

Volkswagen affiche un très bon bilan

Avec des marques telles qu’Audi, Porsche, Lamborghini, Bentley, Skoda et Seat, Volkswagen est le premier constructeur automobile européen. L’exercice 2023 s’est achevé sur des résultats corrects. A plus de 300 milliards d’euros, le CA a augmenté de 15 % sur un an. Volkswagen a livré 9,4 millions de véhicules (+10 % sur un an) et dégagé un bénéfice d’exploitation similaire à celui de 2022. Le bénéfice par action atteint près de 32 euros, soit environ 8 % de plus que lors de l’exercice précédent. Les actionnaires ont reçu un dividende de plus de 9 euros par action, soit un rendement de 8,4 %. Au vu de l’excellent bilan, ce rendement devrait pouvoir demeurer élevé. La division automobile comptait plus de 40 milliards d’euros de liquidités à la fin de 2023. La direction vise une croissance du CA de 5 % en 2024 : une gageure, après un premier trimestre décevant. Elle table sur un cash-flow de 4-7 milliards d’euros pour la division automobile. D’aucuns espéraient sans doute mieux, mais comme son concurrent BMW, Volkswagen investit encore beaucoup : 40 milliards d’euros cette année, puis 170 milliards entre 2025 et 2029. La diminution progressive des investissements à compter de l’an prochain devrait permettre au constructeur de renouer avec un cash-flow proche de 10 milliards d’euros.

Stellantis, notre nouveau favori

Stellantis prévoit de lancer une vingtaine de nouveaux modèles électriques en 2024, confirmant son positionnement de leader du marché européen des véhicules électriques. Le modèle Peugeot E-208, pour ne citer que celui-là, a remporté un franc succès. Le titre du constructeur s’est bien apprécié l’an dernier mais reste attrayant, à un ratio cours/bénéfice estimé à 4 pour 2024. Carlos Tavares, le CEO, compte parmi les dirigeants les plus compétents et respectés du secteur. C’est pourquoi Stellantis devient notre constructeur automobile favori en Europe.


A un rapport cours/bénéfice estimé à 6 pour l’année en cours, l’action BMW est elle aussi loin d’être onéreuse. Elle atteindra selon nous prochainement un étiage, parce que les investissements du groupe dans les véhicules électriques devraient culminer cette année.


A l’instar des autres constructeurs automobiles traditionnels, Mercedes-Benz va encore devoir investir massivement dans l’électrification de sa flotte au cours des prochaines années. Par conséquent, les investisseurs ne doivent pas nourrir d’attentes démesurées en ce qui concerne la croissance du bénéfice par action à court terme. L’action nous semble toutefois présenter un beau potentiel, au vu du rapport cours/bénéfice estimé à 6 pour 2024, du rendement du dividende correct, du cash-flow généré par l’entreprise et des programmes de rachat d’actions que la direction semble prête à mettre en place.


Volkswagen souffre de la concurrence chinoise, plus encore que les autres constructeurs automobiles européens. Contrairement à BMW et Mercedes, l’entreprise tire en effet la majeure partie de son CA des véhicules de milieu de gamme, un segment également prisé des constructeurs chinois. De quoi relativiser le rapport cours/bénéfice a priori très bas, à 5, et expliquer pourquoi nous n’allons pas au-delà d’une recommandation “conserver/attendre” pour Volkswagen. Notre prudence résulte aussi des différentes poursuites judiciaires (le “dieselgate”, notamment) dont Volkswagen fait toujours l’objet.

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