Les producteurs de puces américains à la fête grâce à l’IA

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Le secteur mondial des semi-conducteurs a évolué à deux vitesses l’année dernière. Si les marchés des puces mémoire (y compris celles destinées à l’électronique grand public) et des semi-conducteurs pour applications industrielles ont souffert de la nécessaire réduction des stocks, celui des puces destinées au secteur automobile s’est bien porté et celui des puces d’intelligence artificielle (IA) a été en plein essor. Voici nos recommandations pour cinq actions américaines du secteur.

L’indice PHLX Semiconductor (SOX), qui est le sous-jacent de nombreux ETF axés sur les semi-conducteurs, a gagné 50 % en 2023 et 16 % cette année, en grande partie grâce aux entreprises spécialisées dans l’IA. Si la croissance vigoureuse des sociétés technologiques reposait au tournant du siècle sur des espoirs, ce qui avait mené à l’éclatement de la bulle internet, cette fois, c’est sur des investissements bien réels. L’an passé, elles ont consacré quelque 200 milliards de dollars à l’IA générative, soit moitié plus qu’en 2022. Cette année, ce marché devrait encore croître de moitié, et avoir sextuplé en 2030, à 1,8 milliard de dollars. OpenAI, qui a conçu ChatGPT, entend lever cinq milliards de dollars pour développer de nouvelles plateformes d’IA.

NVIDIA : “la plus importante de la planète”

Si Goldman Sachs la considère actuellement “la plus importante de la planète” et que nombre d’analystes estimaient ses récents trimestriels “les plus importants du dernier lustre, sinon de la décennie”, c’est tout simplement parce que NVIDIA domine le secteur des puces d’IA. L’entreprise détient désormais 80 % du marché des puces haut de gamme, offrant une grande puissance de calcul pour traiter des quantités massives de données, qu’utilisent Meta, Amazon, Alphabet et Microsoft. Les derniers chiffres trimestriels et annuels de NVIDIA ont dépassé les attentes, déjà élevées, et ce sera probablement le cas également de ceux de l’actuel trimestre. La demande de puces de NVIDIA est telle qu’il existe une (longue) liste d’attente. L’entreprise ne pourra pas accroître sa capacité de production avant le second semestre. Un triplement de son chiffre d’affaires (CA) en 2024, à l’instar de l’an passé, n’est sans doute plus de l’ordre du possible. Le consensus table sur une croissance de pas moins de 76 %, à plus de 100 milliards de dollars, de son CA et sur plus qu’un doublement de son bénéfice par action.


La valorisation des actions du secteur de l’IA, dont celles de NVIDIA, peut poser question, mais il est important, ici aussi, de remettre les choses en perspective. La capitalisation boursière de NVIDIA a franchi le seuil des 2.000 milliards de dollars après la publication de ses trimestriels. Elle est énorme, et supérieure à la capitalisation boursière combinée des 23 entreprises qui composent l’indice S&P 500 Energy, qui inclut ExxonMobil, Chevron, Halliburton et Schlumberger. La demande, les commandes, le chiffre d’affaires, etc., sont bien réels. Les capitalisations boursières sont beaucoup plus élevées que celles qu’affichaient les sociétés internet il y a 25 ans. Le problème, c’est que ces entreprises sont valorisées comme si elles allaient pouvoir maintenir inchangés leurs taux de croissance ainsi que leur positionnement sur le marché actuels tout le reste de la décennie. Or la situation va inéluctablement changer : la concurrence rongera la part de marché de NVIDIA, qui verra ses marges nettes (actuellement proches de 56 %) s’éroder. C’est pourquoi nous recommandons désormais de vendre son titre, devenu purement et simplement trop onéreux.

AMD : un second choix tout aussi coûteux

Advanced Micro Devices (AMD) se profile comme le principal concurrent de NVIDIA dans le segment des puces d’IA. Mais si chez NVIDIA c’est le segment le plus porteur, ce n’est pas le cas chez AMD. L’essentiel de son CA provient des microprocesseurs pour PC – segment dans lequel il a détrôné Intel –, des puces pour jeux (GPU) et des puces pour serveurs. AMD a par ailleurs investi considérablement en recherche et développement. Non seulement sa nouvelle puce Instinct MI300X offrirait des performances supérieures à la puce comparable de NVIDIA, mais elle est aussi moins chère. Microsoft, par exemple, l’utilise dans sa plateforme Azure. Pour autant, il n’est pas réaliste de penser qu’AMD puisse être une menace pour NVIDIA à court terme. Le segment Datacenter d’AMD, dont font partie les puces d’IA, s’adjuge encore moins d’un tiers du CA consolidé. Pour 2024, une croissance de 14 % est attendue pour le CA, et de 40 % pour le bénéfice. A plus de 50 fois le bénéfice projeté, l’action AMD est actuellement plus chère que celle de NVIDIA ! Notre conseil passe donc à “vendre”​​​​​​​ pour AMD également.

Broadcom : le roi des acquisitions

Au cours de la dernière décennie, l’acteur de petite taille Broadcom est devenu l’un des plus grands producteurs américains de semi-conducteurs. Tant sa croissance externe qu’interne ont bondi. Broadcom fabrique des puces pour le haut débit, le stockage, la mise en réseau et la connectivité sans fil. Il compte également une branche logiciels, étendue depuis qu’il a acquis Brocade (stockage) et Symantec (sécurité). VMware, fin 2023, est son rachat le plus récent. Broadcom y fait le ménage et a déjà vendu une des divisions à la société de private equity KKR, pour quatre milliards de dollars. Au 4e trimestre, environ un cinquième de son CA provenait de l’IA, mais le segment connaît une croissance de 50 %. Broadcom est en outre connu pour ses puces d’IA personnalisées ; il hérite aussi des clients que les prix de celles de NVIDIA rebutent. La Chine assure près d’un tiers du CA de Broadcom. Pour l’heure, ses semi-conducteurs ne sont pas interdits à l’exportation. La croissance attendue de son CA en 2024 est de 30 %. Broadcom est valorisé à de près de 30 fois le bénéfice anticipé. L’action peut être conservée.

Applied Materials : l’équipementier ​​​​​​​diversifié

Applied Materials (AMAT) est un acteur majeur du secteur de l’équipement de l’industrie des semi-conducteurs, dans lequel il a notamment pour concurrent ASML. Il en est le plus diversifié : il offre des machines destinées à la production de puces et des services connexes. Les fabricants de semi-conducteurs préfèrent souvent s’en tenir à un seul fournisseur. Ils cherchent même de plus en plus à s’intégrer verticalement pour réduire leur dépendance à l’égard des fournisseurs. Ils devront dès lors acheter plus de machines produisant des semi-conducteurs. AMAT n’est pas un concurrent direct d’ASML en ce sens qu’il ne propose pas ses propres systèmes de lithographie, mais bien des machines pour les étapes ultérieures du processus de production. Pour la lithographie DUV, il collabore d’ailleurs avec ASML. Avec son Centura Sculpta, AMAT offre un substitut à la technologie EUV mais dont les fonctionnalités sont plus limitées. AMAT a connu une année 2023 difficile, car plusieurs fabricants de puces mémoire (Micron, Hynix) ont fortement réduit leur production en raison de la surcapacité dans le segment. Mais cette année et plus encore la prochaine s’annoncent meilleures grâce aux plans d’investissement de TSMC, Samsung, Intel et consorts. Seul fait préoccupant, AMAT, parmi d’autres, est soupçonné d’avoir fourni des machines à la Chine en dépit des restrictions à l’exportation. Si c’est vrai, l’organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers (la SEC) lui infligera une amende. L’action s’est appréciée au second semestre de 2023 et a gagné un quart de sa valeur depuis le début de 2024. Toutefois, à 24 fois le bénéfice attendu, elle est bien meilleur marché que celles d’ASML ou d’acteurs de plus petite taille, plus spécialisés, comme KLA Corp et Lam Research. Notez que ces derniers recourent comme ASMI à la technologie Gate All Around et sont prometteurs.

TSMC : le baromètre de l’industrie

Le fabricant de puces taïwanais TSMC est, de loin, le plus grand producteur de puces informatiques et acheteur de machines à semi-conducteurs (dont celles d’ASML). Lorsqu’il commande davantage de machines, c’est parce que la demande de puces sur les marchés finaux s’accroît. L’an passé, ce sont surtout les fabricants d’électronique qui en moins demandé, parce qu’il leur fallait écouler leurs stocks d’abord. La demande de puces d’IA a cependant compensé le ralentissement de celle de puces mémoire. Selon TSMC, le cycle a atteint son point le plus bas l’été dernier, après quoi l’activité s’est reprise. C’est pourquoi il investit dans de nouvelles usines, entre autres aux Etats-Unis et au Japon. Son action, qui se négocie à 20 fois le bénéfice attendu, est digne d’achat. 



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