Les conglomérats, colosses au pied d’argile
Jadis emblème du conglomérat tout puissant, General Electric est aujourd’hui le symbole d’une popularité en déclin.
Un conglomérat est une combinaison d’au moins deux entreprises actives dans différents secteurs au sein d’un même groupe – généralement, une entreprise-mère autour de laquelle gravitent de nombreuses filiales. Les conglomérats ont beaucoup gagné en popularité dans les années 1960-1970, durant lesquelles une conjoncture variable et capricieuse leur permettait de racheter des sociétés en difficulté à des prix relativement bas – d’autant que leur capacité d’emprunt était nettement supérieure à la moyenne.
Croissance effrénée
A l’époque, l’agressivité des conglomérats séduisait les investisseurs. Leur puissance de feu inspirait une confiance infinie et leurs actions étaient très prisées. Leurs cours progressant, ils pouvaient emprunter et racheter davantage encore. La croissance était effrénée. Mais elle était aussi en grande partie artificielle. Il a certes fallu un certain temps avant que le marché constate que les entreprises acquises n’évoluaient pas plus rapidement qu’auparavant. Le principal argument en faveur des rachats était la possibilité de créer des synergies entre filiales, pour engendrer des gains d’efficacité. Mais il est tout théorique. Aujourd’hui, les conglomérats sont de plus en plus souvent remis en cause, notamment par des actionnaires activistes qui en réclament la scission. La plupart s’affinent, voire s’astreignent à des cures d’amaigrissement draconiennes; certains sont même réduits à des coquilles vides, ou presque.
GE, symbole d’une popularité en déclin
Parce qu’il était jadis l’emblème du conglomérat tout puissant, General Electric (GE) est aujourd’hui le symbole d’une popularité en déclin. Jack Welch, son légendaire CEO, avait fait passer sa valorisation de 13 milliards à plus de 500 milliards de dollars, soit l’une des plus grandes capitalisations boursières au monde. En 1896, GE comptait parmi les 12 membres initiaux du Dow Jones Industrial Average… hors duquel il fut bouté l’an dernier.
GE demeure pourtant immense. En plus d’être un des leaders de l’électronique, il est actif dans l’aviation, les équipements médicaux, l’éolien, les centrales électriques, les transports, les services financiers et les plastiques. Sa capitalisation boursière dépasse les 80 milliards de dollars, pour un chiffre d’affaires de 120 milliards. Il a achevé l’exercice 2014 sur un bénéfice de 15 milliards de dollars encore. Trois ans plus tard, ce poste plongeait dans le rouge. La situation s’est certes améliorée depuis, notamment à la suite d’une nette réduction du dividende. Mais les perspectives pour cette année et les suivantes restent sombres.
GE s’était étendu hors de l’industrie pour accroître sa rentabilité en diversifiant les risques. Dès les années 1980, il s’était tourné vers les services financiers (45% du bénéfice consolidé environ en 2005). Il a également détenu une participation minoritaire dans NBC Universal, propriétaire du réseau télévisé NBC, entre autres. GE n’était donc plus le conglomérat “typique” des années 1960-1970. Ses filiales financières réduisaient son exposition aux augmentations de taux. Il était par ailleurs souvent moins cher de louer ses produits et services que d’acheter à crédit. GE triomphait, jusqu’à ce que la crise financière s’en mêle. Ceci dit, la success story touchait à sa fin de toute façon.
Vu son endettement colossal, GE n’est pas sorti du pétrin. Lawrence Culp, son nouveau CEO, a amorti intégralement le goodwill de GE Power, la division électricité, canard boiteux du groupe depuis plusieurs années. Cela fait un certain temps en effet que GE Aviation, GE Healthcare et GE Transportation enregistrent des performances appréciables, voire très bonnes, que les problèmes chroniques de GE Power annihilent. Une réorganisation approfondie de la division est donc au programme. Larry Culp a également réduit le dividende à un cent symbolique, mais on est loin d’un retour à l’âge d’or. Nous préférons pour l’heure observer depuis la ligne de touche. Pour l’investisseur très, très patient.
Le retour d’United Technologies Corporation
United Technologies Corporation (UTC) a été fondé en 1927 par Edward Boeing. Son chiffre d’affaires correspond à peu près à la moitié de celui de GE, pour un bénéfice quasi identique. Sa structure est aussi nettement plus claire. La direction table pour cette année sur un bénéfice net de 6,5 milliards de dollars, que généreront les deux activités principales (fabrication de moteurs d’avions et d’autres pièces pour l’aviation civile et militaire d’une part et d’ascenseurs et de systèmes de conditionnement d’air d’autre part; l’une et l’autre ont approximativement la même taille). Le CEO Greg Hayes a toutefois décidé, à la fin de l’an dernier, de recentrer l’activité sur l’aviation – un retour aux sources, donc. Le fabricant d’ascenseurs Otis et le spécialiste des systèmes de construction Carrier seront par conséquent vendus d’ici 2020. Toute baisse intermédiaire est une opportunité d’achat.
Philips change de voie
Philips a lui aussi accumulé les participations sans réel fil conducteur pendant plusieurs décennies. Trop énergivores, les ampoules à incandescence à l’origine de son succès n’ont plus du tout la cote: Frans van Houten, le CEO, entend donc céder une partie de la division Lighting pour se concentrer exclusivement sur les technologies médicales et d’électronique grand public. Ces deux activités sont porteuses de très belles opportunités, surtout en Chine, où la situation n’est toutefois pas pour autant idyllique. Les efforts consentis pour réduire la dépendance à la conjoncture coûtent de surcroît très cher, si bien que le bénéfice manque encore de stabilité. Enfin, l’action est plutôt onéreuse.
Siemens, exemplaire
Siemens se désengage lui aussi partiellement, mais plus efficacement que Philips. Trois entreprises (Healthineers, Siemens Gamesa et Siemens Alstom) seront, à terme, cotées en Bourse. La première héberge la division Soins de santé, en partie concurrente de Philips. La division ferroviaire sera fusionnée avec Alstom. Enfin, une division Logiciels, qui remporte d’ores et déjà un vif succès dans l’Internet des Objets, fait l’objet d’une attention considérable. Siemens présente un bilan sain. Son action est nettement moins chère que celle de Philips et le rendement du dividende avoisine 4%. Pour l’investisseur de long terme.
Stratégie
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