Les compagnies aériennes font du rase-mottes
Après Alitalia, Air Berlin et Monarch, d’autres petits acteurs pourraient déposer le bilan.
Depuis plusieurs années, Ryanair et d’autres compagnies à bas coûts comme Easyjet jouent les trouble-fêtes pour les compagnies traditionnelles telles que British Airways, Iberia et AirFrance-KLM. Sous la pression politique notamment, ces dernières ploient sous des structures de coûts bien trop lourdes. Plusieurs d’entre elles ont fait faillite, les pertes s’étant accumulées. L’an dernier, Alitalia, Air Berlin et Monarch ont déposé le bilan presque simultanément. D’autres petits acteurs pourraient suivre.
Ryanair sous pression
Traditionnellement, et à l’inverse des compagnies traditionnelles, les low cost se portent bien en Bourse. Mais Ryanair & Co ont également perdu du terrain cette année. Le provocateur Michael O’Leary a jugé “folles” les revendications des syndicats belges, qui demandent l’application du droit du travail européen et non irlandais, moins favorable. Les grèves qui ont suivi ont cependant déjà coûté beaucoup d’argent à Ryanair, amenant la compagnie à revoir à la baisse, pour la première fois en cinq ans, le bénéfice du premier semestre de l’exercice en cours – même si ses résultats restent nettement meilleurs que ceux de ses concurrentes.
Outre les grèves, Ryanair est aussi confrontée à l’affaiblissement de la livre et la hausse des prix du kérosène, alors que le prix moyen du billet d’avion continue de baisser. Ces charges supplémentaires pourraient atteindre 460 millions d’euros cette année. La compagnie maîtrise toutefois ses coûts et remplit mieux ses avions que la concurrence (taux d’occupation: 94 %). Ryanair applique un concept “sans fioritures”, qui consiste à supprimer tous les éléments non essentiels pour baisser les coûts et donc les prix. Tout nouvel allègement semble toutefois exclu pour les compagnies à bas coûts, dont le personnel exige de plus en plus ouvertement de meilleures conditions de travail. Grâce au bilan robuste de ces dernières années, Ryanair génère toujours d’abondants cash-flows. Elle a donc les moyens de riposter et de mener la vie dure à la concurrence. Elle exploite aussi à bon escient son site Web, sur lequel 600.000 visiteurs ont pu réserver un vol, mais aussi un hébergement, un stationnement ou encore une voiture de location ou un taxi.
Easyjet, un modèle différent
Easyjet est parfois associée à Ryanair. La compagnie réalise toutefois un bénéfice net de 300 millions de livres pour un chiffre d’affaires (CA) de 5 milliards, contre 1,3 milliard d’euros de bénéfices et 7 milliards de CA pour la compagnie irlandaise. Ryanair s’échange ainsi à 2,75 fois sa valeur comptable, contre 1,8 fois pour Easyjet. Cette dernière verse un dividende de plus de 4 %. Ryanair en revanche ne verse pas de dividende, mais la valeur de l’action a quintuplé en 10 ans. Easyjet devrait enregistrer une hausse du nombre de passagers transportés de quelque 5 %, à 84,6 millions. Le taux d’occupation pour l’ensemble de l’exercice augmentera d’un point de pourcentage, à 93,6 %. En l’absence d’événement exceptionnel, l’action Easyjet est donc également à recommander.
AirFrance-KLM: la fusion n’est pas un succès
En réponse aux difficultés rencontrées, le secteur mise sur la consolidation. Au Moyen-Orient, des rumeurs courent depuis quelque temps sur une fusion entre Emirates, la compagnie dubaïote, et Etihad (Abou Dhabi), en grande difficulté, même si les protagonistes démentent toujours (mais pour combien de temps?). Air France et KLM ont uni leurs forces en 2003, mais le bilan de cette alliance franco-néerlandaise est loin d’être rose. Son nouveau PDG, Ben Smith, n’a même pas bénéficié d’une semaine de grâce avant l’éclatement d’un nouveau mouvement social, le dernier d’une longue série cette année. En contrepartie d’une rémunération représentant plus du triple de celle de son prédécesseur (jusqu’à 4,25 millions d’euros), le Canadien devra apaiser la grogne des pilotes, qui exigent une augmentation de salaire. De plus, les Français et le nouveau patron veulent pouvoir intervenir davantage dans la politique de KLM, ce que refuse l’entité néerlandaise, au motif qu’elle réalise quatre fois plus de bénéfices qu’Air France.
Aux yeux de la majorité des dirigeants de KLM et d’Air France, la fusion des deux compagnies est un échec _ et le cours de l’action, qui a chuté de 40% en dix ans, reflète ce constat. Ben Smith semble avoir pris la mesure de sa tâche: il souligne que la compagnie aérienne franco-néerlandaise doit se battre contre ses concurrentes et en finir avec ses luttes intestines.
Des problèmes de rentabilité
Quand Warren Buffett qualifiait le transport aérien de “puits sans fond” et de “piège mortel pour les investisseurs”, il devait sans doute penser aux compagnies classiques. S’il est intéressant de noter qu’il a depuis acheté des titres American Airlines et Delta Airlines, son analyse est évidemment en grande partie correcte. La pénurie de pilotes provoque une augmentation des salaires, la hausse du cours du pétrole se traduit mécaniquement par une augmentation du coût du kérosène alors que les prix des billets baissent. En outre, la structure de coûts extrêmement lourde de mastodontes du secteur les cantonne à des résultats peu brillants. Le trafic aérien enregistre une croissance moyenne de 6% par an depuis 1970, soit un rythme nettement supérieur à celui de l’économie mondiale. Mais ce sont surtout les compagnies à bas prix qui parviennent à enregistrer des performances boursières à l’avenant.
C’est aussi la raison pour laquelle une action comme Lufthansa se voit souvent assortie d’un conseil de vente. Pourtant, de nombreux facteurs fondamentaux plaident en sa faveur. Elle coûte à peine cinq fois son bénéfice estimé pour cette année, et une fois la valeur comptable. De plus, l’entreprise gâte ses actionnaires avec un rendement de dividende de 4%. Pourtant, le cours boursier ne suit pas. L’action a dévissé de 21% en un an.
La compagnie scandinave SAS est dans la même situation: après un troisième trimestre meilleur que prévu, elle a revu ses prévisions à la hausse pour 2018 et table désormais sur un bénéfice annuel de 2 milliards de couronnes suédoises (SEK), contre une fourchette de 1,5 à 2 milliards initialement. L’action n’est pas chère (rapport cours/bénéfice de 7 et 1,2 fois la valeur comptable), mais cela ne constitue pas pour autant une raison de l’acheter aujourd’hui. La crainte d’une forte hausse des coûts au cours des années à venir fait hésiter le marché. L’action a déjà perdu 20% de sa valeur ces derniers mois et est 75% moins chère qu’il y a 10 ans.
Il faut savoir hurler avec les loups si l’on veut courir avec eux: British Airways a ainsi choisi de s’allier à son concurrent espagnol Iberia et à la compagnie low cost Vueling en 2011, donnant naissance à International Airlines Group (IAG) l’un des plus grands groupes aériens au monde, avec 550 appareils. Cette association d’entreprises complémentaires offre à IAG un très bon positionnement à la fois sur le marché court et long-courriers, généralement très lucratif. L’action n’est pas chère (six fois le bénéfice) et génère un dividende attrayant de plus de 4%.
Stratégie
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