Le secteur touristique à la peine
Le tourisme et les loisirs sont deux des secteurs sur lesquels le confinement aura pesé le plus longtemps. Ils redémarrent aujourd’hui timidement, à des allures et avec des bonheurs divers.
S’il est un secteur que la crise frappe particulièrement, c’est celui des vacances et des loisirs. Les hôtels n’ont pas accueilli un seul client depuis des mois et les parcs de vacances et d’attractions ne sont, aujourd’hui, autorisés à rouvrir leurs portes que moyennant d’énormes précautions. La plupart des grandes chaînes hôtelières et des principaux parcs avaient heureusement constitué des réserves, dans lesquelles ils sont à présent contraints de puiser; mais si la situation s’éternise, certains pourraient ne jamais s’en relever.
Hôtellerie fragilisée
Le secteur hôtelier souffre en réalité depuis des années. En cause: l’essor des agences de voyage en ligne. Booking.com, Expedia et autres Trivago ont su se rendre incontournables; en contrôlant la quasi-totalité des réservations virtuelles, elles contraignent les chaînes à leur céder des pourcentages de commission considérables. Une partie de la marge bénéficiaire du secteur hôtelier classique va donc aux Booking.com de ce monde, et la tendance paraît irréversible.
Booking Holdings Inc. est propriétaire du site Booking.com. La crise pèse lourdement sur le cours de son action, qui affichait jusqu’ici un parcours sans faille. Ceci dit, la chute enregistrée mi-mars n’empêche pas le titre de coûter encore 825% de plus qu’il y a 10 ans. Les voyages domestiques ont repris dans de nombreux pays européens et les frontières intra-européennes ont commencé à rouvrir mi-juin. Le déconfinement s’accompagne de la réouverture des destinations de loisirs et d’un redémarrage du secteur horeca. Les voyages lointains ne sont peut-être pas encore à l’ordre du jour, mais l’accélération du tourisme local contribuera à amortir le choc. Reste qu’un retour à l’ère pré-Covid n’est pas pour demain.
Mesures drastiques
Les géants de l’hôtellerie traditionnelle souffrent terriblement, mais les mesures drastiques qu’ils ont adoptées devraient leur permettre de survivre à la crise. La chaîne Hilton (Conrad, Hilton, Waldorf Astoria) sabre dans les frais non essentiels; elle a également annulé ses investissements et suspendu ses rachats d’actions et paiements de dividende. Christopher Nassetta, son CEO, renonce à son salaire jusqu’en décembre et le comité exécutif, à la moitié du sien jusqu’à la sortie de crise.
Hyatt (Andaz, Alila Hotels & Resorts, Thompson Hotels) a achevé le premier trimestre sur une perte de 103 millions de dollars, soit 1,02 dollar par action, contre un bénéfice de 63 millions (0,59 dollar) un an plus tôt. Le chiffre d’affaires du premier trimestre est tombé juste sous le milliard de dollars, et la situation a été pire encore durant la première moitié d’avril. Les rachats d’actions ont été immédiatement suspendus, le dividende trimestriel est supprimé. Pour son CEO, Mark Hoplamazian, toutefois, Hyatt dispose de réserves suffisantes pour surmonter la crise.
Marriott International (Westin, Renaissance Hotels, Le Meridien, Delta Hotels, Gaylord Hotels), la plus grande chaîne hôtelière du monde, ressent déjà les effets du déconfinement. Les nouvelles en provenance de Chine, où maints voyageurs se disent prêts à recommencer à fréquenter ses établissements, sont bonnes. Tous les hôtels ont rouvert et la reprise des voyages d’affaires et touristiques soutient le taux d’occupation. Pour ne pas être en reste, le groupe a suspendu le paiement du dividende de mars. A sa tête, un Arne Sorenson prudent rappelle que la reprise est à peine amorcée et qu’il va falloir faire preuve de patience. Nous estimons nous aussi que le rétablissement complet du secteur exigera du temps.
Les enseignes européennes ne sont pas mieux loties. La chaîne Accor, notée BBB-, figure chez Standard & Poor’s sur la liste des candidats à la rétrogradation – l’agence estime que la crise la frappera plus cruellement que prévu. Les nuitées devraient diminuer de moitié cette année, et de 30% en 2021, par rapport à 2019. Les frais fixes sont trop élevés au regard du taux d’occupation. Nous attendrions un premier signe favorable avant d’acquérir le titre. Idem pour le groupe britannique Whitbread, dont les actionnaires ont été effrayés par la soudaine chute (-12%) du cours; ce recul s’explique par une levée de capital (deux actions donnaient droit à une nouvelle action) d’un milliard de livres sterling environ. Le fait que la direction ne reste pas les bras croisés, et que l’émission ait été très rapidement, et entièrement, souscrite, est en tout état de cause encourageant.
Mickey, pas épargné
Pour Disney, l’hôtellerie n’est qu’une activité mineure, ce qui explique peut-être que son action récupère plus rapidement que celles des hôteliers “purs”. Car la crise n’a pas épargné Mickey. Au premier trimestre, le bénéfice ajusté a plongé de 63%, à 0,60 dollar par action; c’est moins grave que prévu, mais les choses sont en train d’empirer. Evidemment, aucun dividende ne sera payé au premier semestre. Le groupe conservera ainsi 1,6 milliard de dollars en caisse. La crise pèsera à concurrence de 1,4 milliard de dollars sur les bénéfices du trimestre en cours; de ce montant, un milliard concernera les parcs à thème. Disney+, la plate-forme de streaming du groupe, ne compense pas encore suffisamment les pertes.
Parcs à thème
Cotée en Bourse, la française Compagnie des Alpes possède remontées mécaniques et parcs à thème, dont le Parc Astérix est l’un des plus anciens. En début d’année, la maison de Bourse Berenberg avait salué l’évolution de son action. Depuis s’est produit ce que l’on sait; heureusement, la saison des sports d’hiver s’était déroulée globalement sans heurts. Aujourd’hui, tous les parcs sont fermés. Peut-être les sites belges rouvriront-ils le 1er juillet; ils espéraient avoir le feu vert pour le 8 juin, mais l’autorisation aurait tout aussi bien pu être fixée à la fin juillet. Certains s’interrogent sur l’opportunité de rouvrir cette année.
Parques Reunidos possède Bobbejaanland, ainsi qu’une soixantaine d’autres parcs dans 14 pays. La société d’investissement Piolin BidCo s’est offert l’an passé une participation majoritaire, pour un montant de 630 millions d’euros, dans le groupe. L’action a été retirée de la cote. Le holding belge GBL détient toujours une participation de 1,5% dans Parques Reunidos.
En France, Pierre et Vacances (Pierre & Vacances, Center Parcs, Sunparks, Villages Nature Paris, Aparthotels Adagio et Maeva.com) est lui aussi coté en Bourse. Il exploite plus de 45.000 appartements et maisons de vacances dans plus de 285 endroits en Europe, ce qui fait de lui le leader européen des vacances locales. Ça tombe bien: nombreux sont les Européens qui envisagent de passer l’été près de chez eux. Juste avant la pandémie, le cours Pierre et Vacances semblait vouloir s’extraire, pour la première fois depuis des années, du puits profond dans lequel il était plongé. La crise ne l’épargne évidemment pas, mais la perspective d’un redémarrage au second semestre le soutient. Aucun bénéfice net n’est à prévoir avant 2021, et encore sera-t-il timide. Les résultats de la Compagnie des Alpes sont normalement bien meilleurs mais cette année, ils s’écriront à l’encre rouge.
Stratégie
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