Le secteur hôtelier: tour d’horizon
Si elles ne renoueront pas de sitôt avec leurs résultats d’avant-crise, les plus grandes chaînes hôtelières ont déjà vu leur action se redresser – signe que les investisseurs sont confiants.
Le Covid-19 a affecté de larges pans de l’économie planétaire, mais l’industrie hôtelière est l’un de ceux qu’il a frappés de plein fouet. Et si, certes, les hôtels n’ont, contrairement aux cafés et restaurants, généralement pas été contraints de fermer leurs portes, pour le secteur, 2020 est une annus horribilis.
Des investisseurs rassurés
Dans les hôtels restés ouverts, le taux d’occupation fut négligeable en raison des restrictions de voyage; en outre, les repas ne pouvaient être pris qu’en chambre – tout juste de quoi limiter les pertes, donc. Et il faudra probablement un certain temps avant que la plupart des hôtels ne renouent avec leur résultats d’avant 2020.
Et pourtant, le marché boursier est très confiant quant à la reprise du secteur hôtelier, comme en témoigne le redressement spectaculaire des cours des grandes chaînes. Les géants américains Hilton, Hyatt et Marriott, en particulier, affichent des performances inespérées: leurs actions ont gagné au moins 50% sur les 12 derniers mois.
Hilton: net redressement
Le groupe Hilton (soit les enseignes Conrad, Hilton, Waldorf Astoria et Curio Collection) signe la plus forte hausse (+66% sur un an). Ses dirigeants ont consenti d’importants efforts pour réduire les coûts non essentiels (principalement en coupant dans les dépenses d’investissement) et entièrement suspendu le programme de rachat d’actions et le versement de dividendes. Christopher Nassetta, le CEO, a renoncé à sa rémunération, le comité exécutif a abandonné la moitié de la sienne.
Les effets de la pandémie se sont encore fait sentir sur les recettes du premier trimestre de 2021, lors duquel Hilton a accusé une perte de 108 millions de dollars (-0,39 dollar par action), à comparer au bénéfice de 18 millions de dollars enregistré sur la même période un an plus tôt. Le chiffre d’affaires (CA) annuel s’est contracté de plus d’un milliard de dollars (de 1,92 milliard à 874 millions). Le revenu par chambre a baissé de 38,4%. Malgré ces chiffres catastrophiques, une nette amélioration a été constatée dès mars-avril. En Bourse, Hilton se porte d’ailleurs beaucoup mieux que l’indice S&P 500. Le groupe vise pour l’année prochaine un bénéfice par action de quatre dollars. Cette année, il ne devrait pas en dépasser la moitié. L’agence de notation Moody’s a abaissé la note de crédit de Hilton Grand Vacations de Ba2 à Ba3; les obligations du groupe, déjà classées dans la catégorie spéculative, sont désormais encore plus risquées.
Marriott: toujours le plus grand
L’obligation la plus récente de Marriott Ownership Resorts, une filiale de Marriott Vacations Worldwide Corporation, a été notée B1 seulement par Moody’s – un cran au-dessous de celles de Hilton. Le groupe a émis pour 500 millions de dollars de titres, une somme qui servira à rembourser partiellement un emprunt plus ancien. Moody’s voit l’opération d’un bon oeil, en ce qu’elle prolonge de trois ans la durée de la dette tout en allégeant la charge d’intérêt.
Plus grande chaîne hôtelière au monde, Marriott International (qui regroupe les enseignes Westin, Renaissance Hotels, Le Meridien, Delta Hotels et Gaylord Hotels) n’a pas été épargnée par le coronavirus. Elle a acté au terme du premier trimestre une perte de 11 millions de dollars, soit 0,03 dollar par action, contre un bénéfice de 31 millions de dollars (0,09 dollar par action) un an plus tôt. Le CA total a diminué de moitié, de 4,68 à 2,32 milliards de dollars. Comme nombre de ses concurrents, Marriott ne versera aucun dividende cette année.
Marriott est l’un des plus grands spécialistes du time-sharing, une formule par laquelle les acheteurs acquièrent le droit d’occuper une maison de vacances pendant une ou plusieurs semaines par an. Ils peuvent également échanger ce droit contre la location d’autres maisons de vacances dans le monde, avec ou sans paiement d’un supplément. C’est par ce biais que Marriott a choisi de diversifier son offre. Dès lors, les bénéfices enregistrés en 2020 et en 2021 ne sont pas les seuls à prendre en compte dans la valorisation de l’action. Cette année, ils atteindront, selon nous, 700 millions de dollars seulement, pour revenir ensuite vers des niveaux plus “normaux”, soit environ 1,5 milliard de dollars (ou quelque 5 dollars par action). Au cours actuel, le rapport cours/bénéfice attendu se situerait aux alentours de 30.
Hyatt: sombres perspectives
L’action Hyatt s’est presque aussi bien comportée que celle de Marriott ces derniers mois, alors que les fondamentaux du groupe sont nettement moins bons. Le directeur général, Mark S. Hoplamazian, affirme toujours que son entreprise dispose de suffisamment de réserves pour surmonter cette crise aussi, mais les perspectives ne sont guère réjouissantes. Le groupe a perdu un demi-milliard de dollars l’année dernière; cette année ne sera probablement guère plus brillante, et les bénéfices devraient rester minimes même en 2022. Le CA atteignait à peine deux milliards de dollars en 2020 – en soi, rien d’anormal dans le contexte qu’on connaît. Mais les experts pronostiquent un CA de moins de trois milliards de dollars cette année (plus de cinq milliards en 2019). Le rendement du dividende n’atteindra même pas 0,5% dans deux ans.
Accor s’offre une SPAC
L’action du groupe hôtelier français Accor a progressé de plus de 30% en 12 mois. Les pertes ont été abyssales en 2020 et aucun bénéfice n’est encore attendu cette année. Le CA a dégringolé et une amélioration ne devrait intervenir qu’à partir de 2022. Un dividende pourrait alors être versé. Accor a récemment créé la surprise en lançant sur Euronext la première société d’acquisition à vocation spécifique (Special Purpose Acquisition Company ou SPAC) corporate d’Europe, baptisée Accor Acquisition Company (AAC). Grâce à elle, le géant hôtelier français étendra ses activités dans le secteur des loisirs et de l’hôtellerie-restauration; la société aura pour but d’acquérir des acteurs de la restauration, du travail flexible, du bien-être, du divertissement et de l’évènementiel ainsi que des technologies liées à l’hôtellerie. Accor est en effet en concurrence avec des entreprises comme Booking.com et Airbnb, qui ne possèdent pas d’hôtels, mais grignotent une grande partie du gâteau. Nous recommandons de profiter des corrections intermédiaires pour intégrer ce candidat au redressement.
Scandic: perte colossale
Le groupe suédois Scandic Hotels ne se porte pas bien. Il a accusé une perte énorme l’année dernière et ses chiffres seront également dans le rouge cette année. Un mini-dividende pourrait être versé à partir de 2022 – mini, car le bénéfice par action sera probablement lui aussi négligeable. L’action Scandic n’a pas progressé au cours des 12 derniers mois. Elle s’échangeait encore à 80 couronnes suédoises (SEK) début 2020, avant de plonger à 21 SEK fin mars 2020. Sur 10 ans, la perte est supérieure à 20%. Il ne s’agit donc certainement pas d’une action buy and hold.
Booking.com: le champion de la Bourse
Les agences de voyages en ligne (OTA, pour Online Travel Agency) n’ont pas non plus été épargnées par le Covid-19. Les hôtels traditionnels perdent une partie de leurs marges, car de nombreux clients ne réservent plus sur le site web de l’hôtel même, mais sur ceux de Booking.com, d’Expedia ou de Trivago. Ces sites sont désormais incontournables et s’adjugent une commission énorme chaque fois qu’une réservation y est effectuée. Certains hôteliers encouragent actuellement la clientèle à réserver directement auprès d’eux pour les soutenir; reste à savoir si cette campagne sera couronnée de succès. Car les OTA ont pour avantage de pouvoir proposer des chambres dans des milliers d’hôtels du monde entier.
Booking Holdings Inc. possède le site Booking.com, sponsor du championnat européen de football. Evidemment, cette entreprise a aussi beaucoup souffert de la pandémie. Mais au cours des 12 derniers mois, l’action a regagné 34%; sur 10 ans, son cours est passé de500 à 2.241 dollars. Les recettes ont été divisées par deux entre 2019 et 2020; le bénéfice net est même passé de 4,5 milliards de dollars à 200 millions de dollars à peine. L’année prochaine, il devrait à notre estime tourner autour d’un milliard et demi de dollars. Mais il faudra attendre 2023 pour qu’il retrouve son niveau d’avant la pandémie. Malgré l’énorme marge bénéficiaire, les actionnaires ne peuvent toujours pas espérer de dividende. L’action a cela dit été très performante ces dernières années et le redeviendra sans doute.
Stratégie
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