Le secteur de la défense passe à l’attaque

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L’invasion de l’Ukraine a fait prendre conscience à l’Europe occidentale de la nécessité de se réarmer. Les entreprises du secteur de la défense en profitent déjà. Lesquelles inclure dans votre portefeuille, et quand? Voici nos recommandations.

En 2014, l’Occident a été choqué par l’invasion, puis l’annexion de la Crimée, mais n’est pas pour autant intervenu. S’il tremble à nouveau, depuis le 24 février 2022, jour où le président de la Russie, Vladimir Poutine, a ordonné l’invasion de l’Ukraine, il réagit néanmoins avec vigueur, avec des sanctions et, dans de nombreux pays, un relèvement du budget défense.

L’Allemagne mène le bal et compte investir 100 milliards d’euros dans la Bundeswehr. Plus de 2% du produit intérieur brut (PIB) sera consacré à la défense. Même la Belgique, dont les moyens sont bien inférieurs, entend porter son budget défense à plus de 1,5% du PIB. C’est évidemment une excellente nouvelle pour les entreprises qui fabriquent les équipements en question. Signalons toutefois que de nombreux gérants de fonds ont banni les actions du secteur de leurs portefeuilles, pour respecter les critères ESG. Il va sans dire qu’ils ont été privés de gains considérables depuis le début de l’année. Ils sont en train de changer leur fusil d’épaule.

Réarmement

Nous ne serions pas surpris si, après leur envolée de ces derniers mois, les cours des actions du secteur cessaient de grimper. Pour l’heure, les (énormes) bénéfices à venir des fabricants d’armes sont en effet probablement déjà en grande partie intégrés dans ces derniers. Dès lors, les marchés boursiers pourraient bien marquer une pause. Cela dit, les stocks d’armes doivent être reconstitués après les livraisons à l’Ukraine et de nombreux pays occidentaux, quoique déjà très endettés, vont devoir augmenter structurellement leur budget défense – nous l’écrivions il y a plusieurs semaines: nous sommes entrés dans une nouvelle Guerre froide, qui persistera après la fin de la guerre en Ukraine.

L’actuel président des Etats-Unis, Joe Biden, se montre beaucoup plus favorable que son prédécesseur, Donald Trump (qui voulait se concentrer sur l’Amérique), à une coopération étroite au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Néanmoins, l’agression de Vladimir Poutine a fait prendre conscience aux chefs d’Etat et de gouvernement d’Europe occidentale de la nécessité de se réarmer et de veiller à leur propre sécurité.

Trois figures de proue en France

La plupart des fabricants d’équipements militaires produisent aussi du matériel à usage civil; cette diversification réduit les risques. Dassault Aviation, par exemple, l’un des plus grands fabricants d’équipements aéronautiques, génère près de la moitié de son chiffre d’affaires (CA) dans l’aviation civile (avec, notamment, le Falcon). La contribution des avions de chasse Mirage et Rafale est légèrement supérieure. L’année dernière a été exceptionnelle pour le groupe. Le bénéfice par action a presque doublé, à 8,34 euros. Le ratio cours/bénéfice frôle les 16. Le rendement du dividende est estimé à 1,70%. Le bénéfice pourrait baisser légèrement en 2022, mais l’action est de nouveau digne d’achat, de préférence après un repli.

Safran, qui fabrique des composants pour l’aéronautique et la défense, est l’un des fleurons de la Bourse française. Comme tant d’autres, son action a souffert début 2020 et ne s’est pas encore totalement remise des effets de la pandémie. Mais en dépit de la crise sanitaire, l’entreprise a publié des résultats annuels plus qu’honorables; ils seront sans doute plus modestes cette année. Nous estimons le rendement du dividende à 1,5%. Raisonnable, le cours actuel (100 euros) incite à un premier achat.

Thales, autre fleuron français du secteur de la défense et des services civils, produit les composants électroniques pour équipements civils et militaires (avions, hélicoptères, navires, véhicules), ainsi que du matériel de radiocommunication. Le groupe est aussi actif dans le domaine de la cybersécurité. La guerre en Ukraine a donné des ailes à son action. Sur les trois derniers mois, elle a gagné 55%, et presque renoué avec son niveau d’avant-crise. Le rendement du dividende est par conséquent relativement élevé (2,40%), ce qui soutient fermement le cours de l’action.

Le consortium européen Airbus

Airbus est souvent associé à l’aéronautique, mais il possède aussi un pôle militaire, Airbus Defence and Space, qui fabrique des avions de combat et d’entraînement des missiles ainsi que de l’électronique de défense et des systèmes pour le marché mondial de la sécurité. Comme pour tous les constructeurs aéronautiques, 2020 a été une annus horribilis pour Airbus. Mais son action s’est bien redressée depuis. Des analystes recommencent à en recommander l’achat. Il faut dire que depuis peu, il n’est plus si mal vu d’investir dans la défense. Airbus s’est joint à Rolls-Royce et Thales pour appeler les investisseurs à ne pas bouder le secteur, en faisant valoir que la sécurité et la stabilité sont les clés de la durabilité. Bouleversés par la guerre en Ukraine, un grand nombre d’entre eux les a entendus et en achète régulièrement des actions.

Trois experts britanniques

Le Royaume-Uni compte aussi trois entreprises actives dans le secteur de la défense. La moins connue, Ultra Electronics, fabrique des équipements soniques et des composants pour systèmes d’armes extrêmement perfectionnés. Il y a quelques années encore, la société se distinguait par le dividende qu’elle versait (3,50% l’an environ); ce dernier a bien diminué depuis, pour atteindre environ 1,85% actuellement. Comme l’action a gagné plus de 50% de sa valeur sur les 12 derniers mois, nous n’envisageons pour l’instant pas de l’acheter.

British Aerospace (BAE) est, pour sa part, bien une action à dividende. Le rendement de celui-ci devrait atteindre 3,50% cette année. L’entreprise participe aux plus grands projets de défense, des avions de chasse aux sous-marins. L’action, dont le cours a pris du galon en raison de la guerre en Ukraine et du net relèvement de leur budget défense par de nombreux pays qui en a découlé, se déprécie et redevient intéressante.

Fondée en 1906, Rolls-Royce a fait faillite en 1971, puis a été nationalisée en 1973, avec la création d’une division automobile distincte, Rolls-Royce Motors, qui appartient désormais à BMW. Rolls-Royce Limited elle-même a de nouveau été privatisée en 1987, sous le nom de Rolls-Royce plc. L’entreprise fabrique des moteurs pour les avions civils et militaires d’Airbus et de Boeing. La direction estime que cette année, le cash-flow disponible devrait être légèrement positif. Le CA a baissé l’an dernier, de 11,49 milliards à 11,22 milliards de livres. Ces chiffres sont peu convaincants.

Trois piliers américains

Boeing, le premier constructeur d’avions au monde, fabrique aussi des fusées et des engins spatiaux. C’est le grand concurrent d’Airbus. Il y a encore quelques années, tout allait à merveille pour Boeing. Mais les graves problèmes détectés sur les B737 MAX ont fait tomber le groupe de son piédestal. Il a éprouvé une perte de plus de quatre milliards de dollars l’an dernier et son action a cédé près du tiers de sa valeur en un an.

Raytheon est le premier producteur mondial de missiles téléguidés. Près de 90% de son CA provient de la défense. Son action, que l’on peut donc qualifier de purement militaire, atteint des plus hauts chaque année, ou presque – 2020 a fait exception. Mais la crise en Ukraine, qui menace la paix mondiale, l’a propulsée à des sommets absolus. Elle a déjà progressé de près de 30% sur les 12 derniers mois. Un bon rendement du dividende, des résultats probants et une hausse régulière du cours: le titre répond à toutes les promesses et séduit les adeptes du secteur.

General Dynamics compte parmi les plus grands acteurs de la défense au monde. Il produit des avions, des véhicules blindés, des navires et des sous-marins. Le cours de son action frôle un record historique. C’est aussi le cas de Lockheed Martin, qui a racheté à General Dynamics, il y a quelques années, la division Fort Worth, dont l’usine fabrique les F-16. Leurs actions, qui offrent un rendement du dividende de plus de 2%, sont chères: elles s’échangent à environ 20 fois les bénéfices annuels. Elles constituent certes un excellent investissement, dans le contexte actuel, mais nous préconisons de les acquérir lorsqu’elles se seront repliées.

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