L’agriculture face à l’urbanisation galopante
Chaque année, notre globe compte 65 millions de citadins supplémentaires. D’ici 2050, au moins deux terriens sur trois seront citadins. Cette urbanisation éclair pose d’énormes défis. Le secteur agricole, notamment, a du pain sur la planche. Son potentiel de redressement est suffisant aujourd’hui pour y investir.
Selon la plupart des démographes, la Terre abritera 9 milliards d’individus en 2050. La croissance démographique n’est pas le seul phénomène marquant de l’évolution de la population mondiale. L’autre grande tendance est l’urbanisation galopante.
Cette urbanisation n’est pas un phénomène neuf. Le processus est en cours depuis de nombreuses décennies, pour ne pas dire depuis l’industrialisation. La nouveauté, en revanche, est que la croissance des villes et de la population citadine n’a jamais été aussi rapide et aussi massive. Chaque année, notre globe compte 65 millions de citadins supplémentaires. Cela signifie que chaque jour, 180.000 personnes fuient la campagne pour la ville. Par an, c’est six fois la population de la Belgique.
En 1800, à peine 3% de la population mondiale vivaient en ville. C’était le cas d’un quart de la population mondiale en 1950, et de 45% en 2005. Actuellement, la majorité de la population mondiale habite déjà en ville (54% selon les Nations unies). D’ici 2050, au moins deux terriens sur trois seront citadins.
Des mégalopoles de 50 millions d’habitants
En Europe et en Amérique du Nord, la majorité de la population habite en ville depuis longtemps. En Europe, le pourcentage fluctue actuellement autour des 70%. L’Amérique du Nord est le continent le plus urbanisé du monde avec 82% de citadins. C’est la révolution industrielle qui a entraîné l’exode rural, ce déplacement vers les villes de la population à la recherche de travail. Les innovations agricoles ont réduit la quantité de bras nécessaire dans les champs, alors qu’en ville, le besoin de main d’oeuvre allait croissant dans les nouvelles usines. Une deuxième grande vague d’expansion urbaine a lieu depuis quelques décennies dans les pays émergents.
Entre 2000 et 2030, la population citadine asiatique passera de 1,4 à 2,6 milliards d’individus. L’urbanisation est encore plus rapide en Afrique, où les citadins passeront de 300 à 750 millions en 30 ans. Cette croissance exponentielle entraîne bien entendu l’apparition d’un nombre croissant de ” mégalopoles “. Aujourd’hui, on en compte déjà cinq de plus de 25 millions d’habitants : Tokyo, Guangzhou, Djakarta, Séoul et Shanghai. Certains démographes estiment que la ville indienne de Mumbai (anciennement Bombay) comptera plus de 50 millions d’habitants en 2040.
D’énormes défis se posent aux mégalopoles en matière d’infrastructures, d’approvisionnement en eau, de sécurité, etc.
La résurrection de l’agriculture
L’alimentation est un de ces défis. La hausse des revenus et l’urbanisation (d’ici 2025, 735 millions d’habitants des 600 plus grandes villes du monde gagneront plus de 32.000 dollars par an) entraînent une hausse de la consommation de viande et exigent donc une augmentation de la production de céréales. La croissance démographique exponentielle aussi place le secteur agricole face à des défis. Car on estime aujourd’hui que 800 à 900 millions de personnes, soit 12% de la population mondiale, sont sous-alimentées. Or il faudra, selon les prévisions, nourrir 2 milliards de bouches supplémentaires en 2050. Selon les Nations unies, la production agricole doit donc augmenter de 60% d’ici là pour que la totalité de la population mondiale puisse être nourrie. Un pari d’autant plus difficile que le climat change, les espaces agricoles sont en mutation, les déboisements se multiplient pour permettre l’urbanisation… Laquelle a de surcroît provoqué une évolution des habitudes alimentaires, plus variées, et donc une augmentation de la consommation de viande, de fruits, de légumes, etc. Mieux on gagne sa vie, plus on mange de viande. Ainsi l’Européen moyen consomme-t-il sept fois plus et l’Américain moyen dix fois plus de viande que l’Indien moyen.
Rendement à l’hectare
Pour réaliser l’exploit (augmenter de 60% la production agricole), il est indispensable d’accroître le rendement à l’hectare. Et ce sont essentiellement les terres d’Afrique qui seront sollicitées. Ce continent devrait connaître au cours des décennies à venir la même évolution que l’Amérique latine ces dernières dizaines d’années.
Il est possible d’accroître le rendement par l’irrigation et la fertilisation. On constate que le pourcentage de terres agricoles arables irriguées a stagné juste en dessous de 50% au cours de la décennie passée, tandis qu’un nombre croissant de terres sont fertilisées. En un demi-siècle, l’utilisation de fertilisants par tonne de céréales produites a sextuplé, et croît toujours. On remarquera aussi que, ces dernières années surtout, les investissements en recherche et développement ont connu une croissance nettement plus rapide que la production alimentaire mondiale, ce qui a entraîné une accélération de l’innovation dans le secteur.
Redressement attendu des cours
Les bonnes récoltes dans les principales zones de production et la forte baisse de l’intérêt pour les carburants bio ont ramené l’indice des prix agricoles au niveau du milieu des années 1980 en termes réels (lire : compte tenu de l’inflation). Les prix réels n’ont été inférieurs encore qu’à la moitié des années 1990.
Le secteur agricole a été un thème d’investissement particulièrement populaire au tournant de la décennie. Mais la baisse constante des prix, ces dernières années, a eu raison de l’appétit des investisseurs, malgré des fondamentaux presque inchangés à plus long terme. Nous avons déjà observé un mouvement de rattrapage cette année, mais le potentiel de redressement du secteur reste suffisant pour y investir. Et nous ne visons pas ici les seules entreprises qui auraient souffert de mauvaises récoltes dans des régions où elles produisent en grande quantité.
Naturellement, à mesure qu’il sera plus difficile d’accroître la production agricole, le pouvoir de tarification des producteurs augmentera. Cette évolution sera en outre favorisée par le mouvement de consolidation en cours dans le secteur.
Investir, concrètement
Les possibilités d’investir dans des entreprises individuelles du secteur agricole sont nombreuses. Nous nous concentrons pour notre part surtout sur les sociétés actives dans le secteur des engrais (notamment CF Industries, K+S, Mosaic, Potash Corp, etc.) et des plantations (comme Anglo-Eastern Plantations et Sipef). Monsanto constitue évidemment un cas à part : l’action s’échange toujours sous le prix proposé par Bayer. C’est le signe que l’approbation de la transaction ne s’obtiendra pas facilement. L’action est assurément à suivre de près.
Mais il est aussi possible de miser sur la tendance haussière attendue au cours des années à venir dans l’ensemble du secteur agricole, au travers du tracker VanEck Vectors Agribusiness ETF. Il est coté sur le NYSE (ticker MOO, code ISIN US92189F7006), et a des participations dans de nombreuses actions que nous suivons en portefeuille modèle. Il est par ailleurs surpondéré en valeurs américaines. Ce secteur aussi reste dominé par les États-Unis…
Stratégie
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