La défense atteint des sommets

© PG/ROBERT VAN APELDOORN

Les amateurs d’actions liées à la défense se frottent les mains. L’indice S&P Aerospace & Defense a gagné 30% sur ces douze derniers mois.

L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche n’est naturellement pas étrangère à la performance de l’indice S&P Aerospace & Defense. Le président a en effet exacerbé les tensions géopolitiques, et les performances de l’industrie de la défense en sont un excellent baromètre.

Depuis plusieurs mois, l’indice enregistre une hausse spectaculaire au rythme des discours de plus en plus belliqueux des dirigeants des grandes puissances. Le président américain a du reste placé les membres européens de l’OTAN devant leurs responsabilités. Au lieu de continuer à faire des économies sur le dos de leur défense nationale, ceux-ci devraient augmenter leur budget afin que chaque pays apporte une contribution équitable à l’effort de sécurité commun.

Chez nous, ce dossier a contribué à l’ouverture d’un débat houleux sur le sort des F-16. Faut-il les remplacer par des appareils modernes mais extrêmement coûteux? Le gouvernement optera-t-il pour le F-35, de Lockheed Martin, dans une tentative d’amadouer Trump et de lui faire passer l’éponge sur le budget trop faible que nous allouons à la défense? Ou allons-nous préférer des appareils d’autres constructeurs, comme le français Dassault (Rafale) ou British Aerospace (Eurofighter)? De quoi donner des maux de tête aux militaires et aux dirigeants politiques, mais aussi aux investisseurs. A peu près tous les constructeurs concernés sont en effet cotés en Bourse.

La France en force

La Société Anonyme Belge de Constructions Aéronautiques (SABCA) est une entreprise belge sous l’enseigne du groupe français Dassault. Elle conçoit et fabriques des matériaux, structures et techniques pour l’industrie aéronautique et spatiale. L’entreprise travaille pour l’aviation civile et le secteur spatial, mais aussi pour la défense. Elle fournirait même des pièces pour le nouveau F-35. Seules 3% des actions sont cotées sur Euronext. Elles sont donc très peu liquides.

Les actions liées à la défense se négocient surtout à Wall Street, à proximité du Pentagone, leur plus grand client au monde, mais aussi à Paris et Londres.

En France, trois entreprises sont actives dans le secteur civil et militaire. L’une d’entre elles est même régulièrement citée parmi les actions françaises les plus performantes. Safran peut effectivement se targuer d’un très beau parcours boursier, tant à court qu’à long terme. L’an dernier, l’action a gagné environ 30%. Sur ces cinq dernières années, elle a doublé de valeur. En dix ans, son cours a même progressé de 15 euros à son niveau actuel de 100 euros. Malgré cette hausse, l’action s’échange actuellement à 21 fois le bénéfice attendu pour cette année. Ce n’est pas peu, mais pas non plus excessif pour une telle action. On s’attend cette année à un dividende de 1,78 euro par action, soit un rendement de 1,80%. Le rendement du dividende devrait même dépasser 2% l’an prochain. Une action de grande qualité.

Thales est une autre entreprise française active à l’international dans la défense. Dans ce segment, les activités représentent la moitié du chiffre d’affaires (CA) total du groupe, de près de 16 milliards d’euros. Les services et produits destinés au secteur aéronautique apportent 40% du CA. Thales réalise environ un cinquième de son CA en France. L’entreprise équipe tout le matériel militaire (avions, hélicoptères, navires, véhicules) de l’électronique nécessaire, et fournit également les instruments de radio et de communication. En outre, elle est active dans la cybersécurité. Elle s’échange à un rapport cours/bénéfice de 22. Comme Safran, Thales se montre très performante en Bourse.

Problèmes en Grande-Bretagne

En dépit du prestige lié à son nom, Rolls-Royce ne peut pas en dire autant sur la Bourse de Londres. Née en 1906, l’entreprise a fait faillite en 1971, et a été nationalisée dans la foulée. La division automobile a été scindée en 1973 sous le nom de Rolls-Royce Motors. Rolls-Royce Limited, de son côté, a été privatisée en 1987 sous le nom de Rolls-Royce plc. Cette entreprise construit des moteurs utilisés dans l’aviation civile et militaire, à la fois par Airbus et par Boeing. Mais certains types de moteurs Trent 1000 qui équipent les Dreamliners de Boeing sont la source de nombreux problèmes. Rolls-Royce doit ainsi réexaminer 400 moteurs d’avions qui pourraient ne pas être suffisamment robustes. L’an dernier, des dizaines d’appareils avaient déjà dû faire l’objet de contrôles supplémentaires. L’opération avait coûté 220 millions de livres à Rolls-Royce. Les dégâts pourraient à nouveau être considérables cette année. Une action que le bon père de famille évitera, donc.

On peut lui préférer British Aerospace (BAe), si ce n’est que le groupe, qui compte parmi les plus grands entrepreneurs militaires au monde, est accusé de pratiques contraires à l’éthique et de corruption. Mais l’entreprise est impliquée dans les plus grands projets de la défense, dont l’Eurofighter Typhoon, les sous-marins de classe Astute et les porte-avions de classe Queen Elizabeth. Selon les dernières prévisions, un CA de 18 milliards de livres devrait se traduire par un bénéfice net de 1,1 milliard de livres. La valorisation est donc très raisonnable, avec un rapport cours/bénéfice légèrement inférieur à 15. Les Britanniques sont encore en lice pour remplacer les F-16 de la force aérienne belge. S’ils pouvaient lui vendre leur Eurofighter, le cours de l’action s’en verrait soutenu.

Domination américaine

L’entreprise américaine Raytheon compte parmi celles qui profitent le plus largement de chaque regain de tension. C’est le plus grand producteur au monde de missiles téléguidés. Durant la guerre du Golfe de 1991, ses Patriot avaient fait la Une de la presse internationale pour leur capacité à abattre des missiles ennemis en plein vol. Il en a résulté une énorme augmentation du CA pour cette entreprise américaine. Raytheon se porte tout aussi bien en Bourse. L’action a gagné plus de 30% ces douze derniers mois. Elle affiche une valorisation élevée depuis des années, mais les investisseurs ne s’en formalisent guère. C’est l’une des actions favorites des amateurs du secteur de la défense.

General Dynamics est l’une des plus grandes entreprises de défense au monde. Elle construit des avions, mais également des véhicules blindés, et même des navires et des sous-marins. Elle a également produit le F-16, mais elle a vendu sa division Fort Worth, qui fabrique l’appareil, à son concurrent Lockheed Martin. L’an dernier, le titre ne s’est guère distingué en Bourse. Lockheed Martin s’y est montrée beaucoup plus performante: son action, qui s’échangeait à environ 100 dollars début 2013, est plus de trois fois plus chère aujourd’hui. Elle verse également un dividende généreux, correspondant à un rendement de 2,5%. Ses actions sont un excellent investissement en cette période de menaces mondiales.

Mais en Bourse, les performances de Boeing éclipsent toutes les autres. Le cours de l’action a presque doublé en 12 mois. Boeing est le premier constructeur d’avions au monde, mais le groupe produit également des missiles et des engins spatiaux. Et il se porte très bien. Alors que les analystes tablaient sur un bénéfice annuel de 15,90 à 16,10 dollars par action, Boeing promet aujourd’hui 16,40 à 16,60 dollars.

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