La BCE déçoit
Or, aurait-elle pu agir autrement ? La Banque centrale européenne n’avait aucun intérêt à diminuer davantage ses taux directeurs.
La douche était particulièrement froide jeudi passé. Tous les opérateurs avaient misé sur plus d’assouplissement de la part de la Banque centrale européenne (BCE). Ils en étaient tellement persuadés qu’ils avaient ouvert des positions spéculatives en ce sens. Et voilà que Mario Draghi, le président de la BCE, leur annonce des mesures décevantes. Il a abaissé le taux directeur de 10 points de base à -0,3% et au lieu d’augmenter les achats mensuels d’obligations, il s’est contenté de les prolonger de six mois. Certes, il a ajouté qu’il se tenait prêt à prendre d’autres dispositions si les mesures actuelles ne suffisaient pas.
Aurait-il pu agir autrement ? Nous en doutons. Il est dommage que les banques centrales occidentales aient préféré plaire au secteur bancaire depuis que la crise sévit plutôt que de prendre de véritables mesures draconiennes. Dans ces conditions, il est compréhensible que quiconque ayant des attentes trop élevées s’en revienne dépité. Une baisse accrue du taux directeur n’aurait eu aucun sens. Car plus ce taux baisse, moins les banques octroient des crédits. Premièrement, parce que ce taux sert d’étalon dans la définition du taux créditeur que les déposants obtiennent. Et plus ce taux est faible, moins d’épargne arrive sur les comptes des banques, les empêchant d’octroyer plus de crédits. Ensuite, plus les tarifs officiels évoluent dans une zone proche de ou sous le zéro, plus faible sera la marge bénéficiaire des banques. Les taux faibles ne profitent qu’aux marchés, à condition qu’ils n’attisent pas trop la volatilité. Cela leur réussissait depuis plus de cinq ans, plus maintenant malheureusement. La BCE n’avait donc aucun intérêt à diminuer davantage ses taux directeurs.
Décision logique
L’augmentation des achats mensuels d’obligations était cet autre pendant que la BCE ne pouvait facilement honorer. Elle peine déjà à trouver les 60 milliards mensuels. Augmenter ce montant aurait davantage asséché le marché et attisé de plus belle la volatilité des cours sur les titres restants. Or ce n’est pas le but recherché. La décision de la BCE est donc parfaitement logique. Les banques souhaitaient, bien sûr, qu’elle élargisse l’éventail des titres qu’elle acceptait dans le cadre de ses achats. Mais à quoi bon aider les banques de la sorte si cela ne débouche pas sur un résultat conjoncturel positif ? Par contre, cela détériorerait sensiblement la qualité du bilan de la BCE.
Ce que l’on peut néanmoins reprocher à Draghi, c’est de ne pas avoir proposé d’autres solutions. Il se borne à soutenir le secteur bancaire. Voilà sept ans que cette politique est menée et la situation des banques est toujours aussi inquiétante : elles regorgent de dettes insolvables qu’elles reportent d’un bilan à l’autre ou qu’elles camouflent sous des structures sophistiquées. Ces dettes continuent d’exister et devront tôt ou tard être honorées. Le fait qu’il n’ait rien dit sur ses intentions pour 2016 a aussi causé quelques remous.
Autre déception le 16 décembre ?
Une déception analogue risque de survenir ce 16 décembre, quand la Banque centrale américaine (Fed) dévoilera ses mesures. Tous les opérateurs misent ouvertement sur un relèvement des taux directeurs de minimum 0,25%. Ils osent même avancer que ces taux augmenteront de 1% d’ici la fin 2016. Aussi conseillent-ils à qui veut les entendre d’acheter des dollars (USD). Ils ajoutent que l’euro (EUR) s’effritera inexorablement, rendant tout placement en USD encore plus attrayant. Nous pouvons supposer que bon nombre d’entre eux ont d’ores et déjà pris des positions spéculatives en ce sens.
Emploi US
Il ne fait quasiment plus de doute que la Fed relèvera ses taux directeurs. Mais ici aussi, ce seront les mesures annexes qui détermineront le succès de l’action. L’emploi progresse aux Etats-Unis. C’est du moins ce que l’on tente de nous faire croire. Soulignons cependant que les secteurs primaire et secondaire n’en créent toujours pas. Les mines et l’agriculture ainsi que l’industrie restent déficitaires à ce niveau. Cela signifie que tous les nouveaux emplois font partie du secteur tertiaire (services). Or ce dernier ne peut croître que si les deux autres s’améliorent. Sans quoi, les nouvelles places seront de courtes durées et ne garantiront pas un salaire fixe. Ce n’est donc pas de cette façon que les Etats-Unis engendreront une croissance durable. L’amélioration annoncée, si elle n’est pas factice, est néanmoins artificielle.
Désarroi sur les marchés
Les marchés ont réagi dans le désarroi le plus total. Le marché des changes a été le plus chahuté de tous. L’USD s’est effondré de 3% face à l’EUR. La livre (GBP) a abandonné 2,4%. Par rapport au yen (JPY), la remontée de l’EUR était plus forte encore : 3,3%. Il n’y a que le franc suisse (CHF) qui a fait mieux encore, gagnant 0,2%. Pour ce qui est des autres devises, les oscillations étaient disproportionnées. Autant d’occasions pour redresser certaines positions. Le rand (ZAR), par exemple, a chuté de 3,7%, le dollar canadien (CAD) de 2,9%, son homonyme australien (AUD) de 1,4% et le néo-zélandais (NZD) de 0,8%. La baisse continue des prix des matières premières a pesé sur les devises qui y sont liées. La couronne norvégienne (NOK) a cédé 0,7. La danoise (DKK) a suivi l’EUR comme son ombre malgré le résultat d’un referendum peu commenté chez nous où les électeurs danois ont rejeté tout rapprochement avec l’Union.
Le sentiment sur le marché des capitaux était négatif. L’activité y était en suspens jusqu’à jeudi. Dès que l’annonce de la BCE était connue, le marché s’est littéralement effondré. Seuls les titres pourris en EUR ont bien résisté. Plus surprenant était le redressement de tous les emprunts au nom de Volkswagen alors que la firme a subi une rétrogradation (BBB+). Les souveraines européennes et similaires ont plongé, surtout celles à long terme. On comptait en moyenne dix fois plus de titres orientés à la baisse qu’inversement. L’image était moins prononcée en USD où ce rapport était de 2 contre 1. Les échelles des taux d’intérêt ont progressé partout, tout en s’aplatissant. Elles continueront d’osciller intempestivement jusqu’après le 16 décembre.
Emissions non recommandables
L’activité sur le marché primaire s’est également arrêtée. Les banques continuent néanmoins d’émettre. Leurs titres s’adressent rarement aux petits porteurs. Ces derniers se satisferont de l’émission de Ford (BBB-) en AUD à trois ans. Ses conditions sont loin d’être généreuses mais sont techniquement acceptables. Swissport Investments (B) est de la spéculation pure. L’émission portant un coupon semestriel de 6,75% est ordinaire, assortie d’un remboursement anticipé à partir de 2018 à 105,063%. L’autre émission au coupon semestriel de 9,75% est subordonnée et sa notation ne fait que Caa1. Les deux émissions rencontrent néanmoins un franc succès, leur coupon étant jugé irrésistible. Elles cotent toutes les deux largement au-dessus de leur prix de souscription sur le marché gris. Aucune des deux ne mérite une recommandation cependant. TeliaSonera (A-) en NOK est d’une trop longue durée pour nous plaire. La moindre variation des taux d’intérêt se traduira par un mouvement en sens inverse, 11,6 fois supérieur à celle-ci ! Notez que les alternatives proposées étant toutes de caractère spéculatif, nous ne les recommandons pas.
Obligations
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